Quand un film coréen traverse les frontières pour poser ses valises chez nous, il y a fort à parier que celui-ci sera d’excellente qualité. Je ne m’en cache pas, j’ai un faible particulier pour ce cinéma. Un cinoche burné et avec des moyens financiers non négligeables, qui donnent largement de quoi faire à des artistes qui ne demandent qu’à envoyer le pâté. Ces quinze dernières années, la Corée a pondu certains de mes films préférés, alors lorsqu’une nouvelle occasion de me prendre une baffe se présente, je ne rate pas le coche.
C’est donc dans de bonnes dispositions que je me rends assister à la projection de The Spy Gone North, nouveau film de Yoon Jong-bin (Kundo: Age of the Rampant, Nameless Gangster), narrant le parcours véridique d’un espion sud-coréen, appelé Black Venus, envoyé en Corée du Nord pour recueillir des informations quant à leur programme nucléaire dans les années 90. Ouvrant sur quelques cartons qui servent à replacer le film dans son contexte, la problématique générale est si complexe que le non-initié se verra complètement largué dès les vingt premières minutes, l’écriture ne s’occupant pas outre-mesure de combler les lacunes historiques du spectateur et gardant son train en marche, fonçant comme si tout le monde connaissait ce conflit sur le bout des doigts et laissant de ce fait pas mal de monde sur le carreau. Je pense avoir les capacités intellectuelles suffisantes pour comprendre et interpréter les informations qu’on me donne, mais lorsque celles-ci sont trop elliptiques, je suis incapable de raccrocher les wagons entre eux. Je suis dans la moyenne, ni plus, ni moins malin qu’un autre, je peux donc me permettre de penser que les gens qui disent avoir tout bité, tout suivi, tout compris, sont soit menteurs, soit prétentieux, soit coréens, soit historiens.
Dès lors, comment créer une véritable tension palpable si les enjeux restent incompris ? La péloche a été rapprochée d’Infernal Affairs et JSA, des films qui permettaient aisément au spectateur de se projeter. Je pense que le parallèle est, de ce fait, assez maladroit. Porté par une véritable star en Corée (Hwang Jeong-min, vu chez nous dans A Bittersweet Life, New World ou The Strangers), le film jouit d’un casting de haute volée et d’une direction calibrée comme un sniper visant une cible immobile. C’est juste, c’est carré, précis, tout comme la mise-en-scène qui ne dépasse pas d’un cheveu et règle ses plans à la milliseconde et au millimètre. Ça part sur de très bonnes bases, me direz-vous. Oui, mais à un détail près : on se contrefout de ce qui se passe. On attend tout le film que quelque chose nous prenne en haleine, nous chope par les tripes, nous fasse sentir une tension particulièrement forte. C’est tout l’intérêt de ce genre de péloche, non ? Ici, à part un peu d’électricité de temps à autre, aucune décharge d’adrénaline spécifique. Entre les enjeux difficilement cernables et la lenteur de la mise-en-scène, le tout avance sur une départementale alors qu’on voudrait emprunter l’autoroute, et on se prend à ne faire qu’attendre la fin du film sans espérer plus rien en tirer dès la première moitié torchée.
C’est tout le paradoxe de ce film qui est aussi techniquement réussi qu’il est linéaire et froid, sans véritable relief. C’est comme se retrouver à l’assemblée nationale, à tenter de suivre les problématiques d’un débat qui nous dépasse complètement et pour lequel on nous demande d’éprouver de la passion. Ça ne marchera pas, quels que soient vos efforts. Je n’ai pas perçu The Spy Gone North autrement, et j’en suis le premier déçu. Pour être clair, ça ne vaut pas particulièrement le coup d’œil. La Corée pond tant de films dignes d’intérêt que celui-ci s’enfonce assez profondément dans la liste des trucs à voir. Maintenant, je vous laisse seuls juges quant à l’élaboration de votre liste, et si le cœur vous en dit, le film sort le 7 novembre prochain. On ne me prendra pas à aller le redécouvrir. Un petit résumé de la situation, après la révélation du palmarès de l'Étrange Festival, où le film était en compétition (et qu'il a obtenu, ainsi que le prix du public (sic)). Le grand prix est décerné par des membres de l'organisation du festival, et de gentils personnages de Canal+, qui doivent acheter et diffuser sur C+ Cinéma le grand gagnant du festival. Du coup, pour faciliter la chose, autant prendre le film le plus lisse et grand public possible. Toujours plus simple que de devoir programmer un Mandy, dont vous pourrez lire la critique prochainement en cet antre de la joie et de la bonne humeur. Vous savez à quoi vous en tenir.
Jérémie N.
Note du rédacteur : 2,5/5 (Moyen)
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