mercredi 19 septembre 2018

Mandy, de Panos Cosmatos


8 ans après son premier film Beyond the Black Rainbow, Panos Cosmatos revient avec le très particulier Mandy, traînant une réputation plutôt séduisante depuis sa projection à la Quinzaine des réalisateurs sur la croisette. Mettez toutes vos références au placard, tout ce que vous avez pu voir avant, Mandy n’est pas de ces films. Et si on devait s’en autoriser quelques-unes, on parlerait d’un mélange entre David Lynch, Dario Argento, John Carpenter, George Miller, Dennis Hopper, Sam Raimi, Martin Scorsese et John Flynn. Voilà qui nous avance beaucoup. Le pitch est assez simple, mais étant donné que le film repose sur deux parties assez distinctes et d’une certaine longueur, vous en parler serait comme dévoiler la moitié du film. Je m’arrêterai en vous disant qu’il s’agit d’un vigilante, voire d’un rape & revenge selon les interprétations, et j’en aurai déjà dit beaucoup.



La première partie du film baigne magistralement dans une atmosphère délicate, triste, pesante, comme un message mortifère transmis au spectateur avant qu’il ne voit les enjeux se présenter. Le montage est hypnotique, hallucinant au sens propre du terme, pouvant proposer un même plan monté trois fois à la suite ou un champ-contrechamp en surimpression déformant les visages pour les entremêler, d’autres encore en dessin-animé, et se marie parfaitement à la partition de feu Jóhann Jóhannsson qui joue un rôle extrêmement important quant à la densité du tout. Les couleurs saturées, rose, rouge et bleue, débordent de l’écran à l’instar d’une œuvre fauviste, et donnent déjà au film ses dimensions fantastiques avant même que quoi que ce soit d’hostile ou d’étrange se présente à l’écran.

L’histoire entend se dérouler aux États-Unis, mais le bazar, tourné dans les Ardennes belges, apporte un côté mystique propre à ces forêts, et amplifie de ce fait « l’inquiétante étrangeté » qui s’en dégage, comme un mirage qui travestirait notre perception de la réalité en quelque chose de caustique. C’est cinglant, corrosif, cette ambiance poisseuse nous amène à la frontière du rire et de la gravité sans qu’on ne sache vraiment sur quel pied danser. Puis, lorsque la problématique est clairement définie, le film devient violent, impertinent, claquant des punchlines à n’en plus finir (Nicolas Cage disant partir "à la chasse au chrétien, et son interlocuteur de répondre : "C'est déjà la saison ?"), des situations grotesques dans le sens positif du terme, qui feront rire ou froncer les sourcils selon la sensibilité de chacun, amène sur un plateau d’argent un caméo des plus fendards et des scènes de fight anthologiques, comme une baston bien burnée prenant place devant une téloche qui diffuse un boulard. Voir Nicolas Cage se taper vénère devant une bonne levrette des années 70, c’est forcément l’adage d’un chouette film.

Chaque séquence apporte son lot de bonnes idées, de colère et de fun. Nicolas Cage lui-même se prête au jeu, cabotinant juste ce qu’il faut pour qu’on se rappelle qu’il s’agit bien de Nicolas Cage, mais livrant surtout une prestation possédée s’alliant avec brio à celle de l’envoutante Andrea Riseborough (Mandy). On jubile à chaque nouveau palier franchit par le protagoniste, et on attend avec un air goguenard le prochain trou du cul qui tombera entre ses mains pleines de rage. À peine le temps de respirer qu’on est reparti pour une salve de marmelade, un truc qui défouraille, qui gère parfaitement ses dialogues surréalistes ainsi que sa violence crue et frontale, le tout emballé minutieusement par un Panos Cosmatos qui sait parfaitement comment accorder son chaos, ses doses de LSD, et qui nous ramène sec dans l’esthétique des années 70. Bref, Mandy est un véritable OVNI, un film que vous n’avez jamais vu avant et qu’il vous faudra découvrir absolument. On en redemande. Dans le genre classique instantané, ça se pose là.

                                    


Jérémie N.
Note du rédacteur : 4,5/5 (Excellent)

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