mardi 21 mars 2017

Miss Sloane, de John Madden

Et non: cette semaine, impossible pour moi d’évoquer la sortie du dernier film de James Gray, The Lost City of Z. Et ayant déjà évoqué Grave, film évènement de Julia Ducournau et seul autre film de genre sortant cette semaine, je n’ai pas vraiment eu d’autre choix que de me tourner vers une sortie antérieure. C’est pour cette seule et unique raison que j’ai choisi d’évoquer la sortie de Miss Sloane, thriller réalisé par John Madden avec la constamment brillante Jessica Chastain dans le rôle principal. Et même si ce film n’avait pas fait parti des priorités parmi les films à évoquer, il faut bien reconnaitre qu’il s’agit là d’un film plus intéressant qu’il n’en à l’air au premier abord.

Miss Sloane raconte l’histoire d’une lobbyiste se faisant proposer de travailler sur l’opposition d’un projet de loi ayant pour but de limiter l’accès de la vente d’armes à feu aux État-Unis en s’intéressant au passé psychologique du potentiel acheteur. Celle-ci refuse, démissionne de son poste à Washington D.C. et rejoins un autre cabinet dans le but de s’opposer à son ancien partenaire, celui-ci ayant accepté le travail à sa place. Commençant comme un véritable thriller politique, Miss Sloane est une oeuvre imparfaite sur bien des aspects. Jouant plus sur une observation des personnages que sur une quelconque identification du spectateur, il est particulièrement compliqué pour celui-ci de s’intéresser pleinement à l’histoire qui se met en place, tant il est lâché dans cette jungle qu’est le monde des lobbys. Quiconque ne s’y intéresse pas plus que ça (ce qui est bien évidemment mon cas) risque de peiner pour réussir a rentrer dans l’histoire lors des 20 premières minutes du film. D’un manichéisme surprenant au premier abord, s’appuyant sur des dialogues explicatifs et démonstratifs au possible permettant d’appuyer en apparence un positionnement par rapport aux armes à feu aux États-Unis, il est dur de ne pas être tout simplement complètement extérieur au film. Par ailleurs, la mise en scène de John Madden n’aide pas pour faire rentrer le spectateur dans son film. Car même si très maitrisée, celle-ci s’avère être avant tout extrêmement référentielle: ouvertement inspirée des dernières oeuvres de David Fincher, le spectateur se remémore fréquemment des passages de la magnifique série House of Cards, le travail sur la lumière la rappelant grandement, ou encore de l’incroyable The Social Network, tant l’on pourrait soupçonner que Jonathan Perera (le scénariste de Miss Sloane) s’en soit inspiré, lui empruntant une partie de sa structure narrative. Mais n’est pas David Fincher qui veut et même si dans ses meilleurs instants, le travail de déshumanisation de ce qui se trouve derrière la caméra (travail constituant la plus grande importance dans l’oeuvre récente de Fincher) se fait vraiment ressentir et fonctionne plutôt bien, il faut bien admettre que l’idée d’assister à une copie donne l’impression d’un manque de consistance et le sentiment d’un travail visuel finalement vain.

Mais contre toute attente, et tant mieux pour nous au passage, le film prend une légère tournure scénaristique qui n’est pas à jeter du tout. En effet, si la dimension politique du film s’avère être particulièrement grossière, celle-ci s’avère finalement n’être qu’une toile de fond et ne constitue pas l’intérêt majeur du film. Car au lieu de ne s’avérer être qu’un thriller politique, Jonathan Perera et John Madden ont choisi de faire du film un véritable portrait de femme sur fond d’intrigue politique. Ainsi, le spectateur en vient à vraiment s’intéresser à ce personnage énigmatique de femme torturée intérieurement, prête à tout pour réussir, à manipuler ses alliés comme ses ennemis, à ne plus être dans la légalité pour pouvoir affaiblir ceux qui veulent l’empêcher de réussir. Et le travail d’actrice de Jessica Chastain, formidable de bout en bout, doublé d’un travail de scénario jouant sur le mystère par rapport à son protagoniste au point de nous faire adopter le point de vue des antagonistes parvient à rendre le film intéressant, à défaut d’être réellement captivant. Et finalement, même si la réalisation de Madden est impersonnelle au possible, celle-ci s’avère être suffisamment appliquée pour que l’on en vienne à regarder le film sans véritable ennui. Par ailleurs, si j’ai déjà souligné le remarquable jeu d’actrice de Jessica Chastain, il serait de mauvaise foi de ne pas souligner le travail d’acteur de l’ensemble du casting, tant chacun parait malgré tout habité par le personnage qu’il joue, notamment Michael Stuhlbarg, formidable Larry Gopnik du Serious Man des frères Coen. 

Pour un film qui s’avérait être secondaire dans mes priorités, j’aurais pu tomber plus mal. Pas indispensable, mais pas désagréable non plus, Miss Sloane est une oeuvre particulièrement inégale. Par moment réussie, par moment carrément énervant, le film de John Madden s’impose comme un petit ersatz du House of Cards version Fincher, mais sans la maestria du réal de Gone Girl pour réussir à lui donner une ampleur dépassant le stade de l’illustration visuelle d’un scénario référencé. 



Claude S.


Note du rédacteur: 2,5/5 (Moyen)

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