vendredi 31 mars 2017

Brimstone, de Martin Koolhoven

Difficile de parler d’un film comme Brimstone sans trop en dire, sans franchir le cap du spoiler gras et frustrant pour le lecteur qui s’apprête à aller jeter ses mirettes sur la chose. Difficile aussi pour moi qui rédige cette critique et qui, malgré les 2 semaines qui me séparent de la projection du film, ai encore du mal à me faire un avis précis et objectif sur ce qu’il m’a été donné de voir.



Brimstone, kezako ? C’est une sorte de film d’apprentissage se situant dans le middle west du XIXème siècle, nous proposant de suivre la destinée de Liz (Dakota Fanning), jeune mère de famille muette aidant à l’accouchement des femmes de son village. Alors que l’un d’entre eux tourne mal, elle se voit contrainte de choisir entre la vie de l’enfant et celle de la mère. Elle sacrifiera l’enfant. C’est alors qu’une entité malfaisante se lancera à sa poursuite.

Le film est une véritable tragédie grecque, le devenir des personnages est tracé sans que ça ne soit explicité, mais la pesanteur et la dureté du film se blottissent dans nos entrailles dès la première image, formant comme une pression mortifère prophétisant l’aboutissement de ce quadriptyque qui ne peut laisser entrevoir autre chose que le funeste et la géhenne. La déconstruction chronologique du récit, très cohérente, situera un premier acte qui servira d’exposition à l’intrigue, puis débouchera sur un deuxième acte se situant avant le premier, un troisième se situant avant le deuxième, et un quatrième développant la résolution et qui sera donc la juste continuité du premier. Le tout peut paraître un brin cacophonique de prime abord, mais se révèle d’une grande limpidité, chaque acte étant en réalité construit comme un sketch, avec pour chacun un développement en 3 actes tout ce qu’il y a de plus classique.

Cette déconstruction apporte son lot de mauvaises et de bonnes choses. Pour commencer par les mauvaises, disons que Koolhoven se voit obligé de signifier et d’expliquer les petits détails dramaturgiques, comme une simple cicatrice, donnant une fonction très mécanique à certaines séquences et à certains développements scénaristiques. À contrario, cette construction permet de donner une vraie épaisseur au personnage de Dakota Fanning, dont la personnalité que l’on entrevoit de par le premier acte se voit construite sous nos yeux, en temps réel, nous donnant une par une les clefs pour comprendre ce personnage. Si le film ne présente pas une violence graphique exacerbée, il n’en est pas moins extrêmement virulent dans son approche et dans son atmosphère, d’une extrême gravité, d’un sérieux morne et solennel qui pèse véritablement sur toute la durée. Cette sensation d’assister à ce qui donnera naissance à une oraison funèbre est appuyée par les envolées orchestrales qui clôtureront chacun des chapitres en prenant le spectateur par les tripes pour le trainer hors de son confort habituel. Les thématiques abordées sont particulièrement dures et leur approche frontale et implacable font de ce film une œuvre habitée par une mélancolie rarement vue au cinéma. Personnellement, je n’avais pas vu un tel traitement depuis Blood Island (2010), film d’une noirceur hallucinante baigné à la fois dans un réalisme grave et dans une poésie macabre. En résultait un film extrêmement dur et absolument déconcertant.

Mais, parce qu’il y a un mais, cette fresque est certainement trop longue, s’attardant parfois maladroitement sur des éléments qu’on avait pourtant bien cernés en quelques secondes, et passant à la hâte sur d’autres choses qu’on aurait voulues voir développées. Également, le jusqu’au-boutisme de certaines réflexions et le devenir de certains personnages tend parfois dangereusement vers le grand-guignol. Je pense ici à ce qu’il adviendra de la mère de Dakota Fanning, interprétée par Carice van Houten, qui nous sert une scène dont certains ressortiront effarés, mais où d’autres riront de cette capitularde qui pousse sa veulerie à l’extrême, voire à outrance. Rires grinçants évidemment, peut-être malvenus, mais qui soulignent un aspect « ça va trop loin » parfois présent dans le film. Le film a également tendance à étirer au maximum ses thématiques et ses intrigues sans véritable raison que de pérenniser une ambiance établie. Aussi, la déception de la fin restera un vrai point noir sur le tableau, qui expose un point de vue finalement assez passéiste et galvaudé de la femme qui règle ses problèmes sans violence.

Sur le fond, je sais que Brimstone est un film monstrueux. Hélas, sur la forme, ce petit côté La nuit du chasseur revisité et les moult petites choses que je viens de résumer dans la paragraphe précédent qui tiennent le spectateur à distance, le laissant se baigner dans cette atmosphère ahurissante de mal et de noir mais sans l’y laisser sombrer complètement, comme si une main le ramenait à la surface de temps à autres, le faisant sortir du récit, alors qu’il aurait aimé y être lâché totalement, sans en revenir jamais. Et c’est tout le paradoxe de ce film qui me laisse le cul entre deux putains de chaises, que vous devez néanmoins absolument voir (pas les chaises ni mon cul, mais le film), sans aucune contestation possible.





Jérémie N.

Note du rédacteur : 3/5 (Honnête)

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