Après un premier volet largement acclamé par la critique, John Wick s’offre une deuxième cure de pétage de fions avec le sobrement intitulé John Wick 2. Un budget somme toute correct de 40 millions de dollars déjà rentabilisé par l’exploitation salle. Un succès d’autant moins étonnant que le film arbore quelques qualités non négligeables. J’arrête tout de suite les plus enthousiastes d’entre-vous, non, le film n’atteint pas la fulgurance de certains films HK ou d’un The Raid, mais s’inscrit sans trop de problèmes dans le haut du panier de l’actioner made in USA.
Après avoir encore botté le cul des mecs qui lui ont tiré sa mustang, John Wick reçoit la visite d’un mafieux qui lui rappelle sa dette envers lui. Le mafieux en question l’enverra buter sa soeur pour qu’il puisse prendre sa place à l’assemblée des mafiozis, et mettra un contrat de 7 millions de dollars sur la tête de notre Keanu Reeves (pas) national parce qu’il faut bien venger la famille.
La première chose qui fout la banane en matant John Wick, c’est l’indéniable sens du découpage et de la spatialisation de Chad Stahelski, cascadeur et coordinateur de cascades de métier, qui passaient pour la première fois derrière la caméra avec John Wick et rempilait avec ce second opus.
La première séquence de John Wick 2, un combat motorisé à coups de carrosserie dans les miches, atteste immédiatement du savoir-faire chorégraphique du réalisateur. Une économie de plans qui n’enlèvent rien à la sensation de choc chaque fois que deux véhicules se percutent, là où moult metteurs-en-scène auraient privilégié une séquence sur-découpée, quitte à bricoler un montage pour donner une sensation de mouvement, au risque de perdre le spectateur dans le temps et dans l’espace. Aucune scène du film ne vous pommera, la lisibilité sera toujours d’une pureté irréprochable, la palme à cette avant-dernière séquence qui cite à la fois La dame de Shangaï et Opération dragon, donnant à voir l’action dans un enchevêtrement de salles à miroir qui a dû être un abominable casse-tête à mettre en place. Certes, les incrustes on dû aider, mais n’ont pas fait tout le travail, et on ne peut être qu’admiratif devant le résultat final. Cette séquence vaut le visionnage du film à elle seule, si tant est qu’on s’intéresse un peu à la technique de mise-en-scène.
La mythologie des tueurs à gage entamée par John Wick premier du nom est ici plus développée, prenant un virage moins rationnel et plus ancré dans la tradition de surenchère propre à la bande-dessinée, et plus particulièrement aux Comics. Les tueurs deviennent une congrégation plus fréquentée et fournie que le laisse penser le premier opus, et la présentation des privilèges dont peuvent disposer les membres de la confédération est assez amusante. Aller chercher des armes chez un sommelier d’un luxueux hôtel italien, ou encore ses fringues pare-balles chez un couturier chinois, le tout rappelle absolument la construction mécanique d’un jeu-vidéo. Que dire de l’utilisation de l’hôtel Continental qui fait office sinon de lieu de sauvegarde, au moins de QG en forme de havre de paix dans lequel vous pourrez vous rééquiper et reprendre vos forces sans craindre d’être attaquer par l’ennemi ? (Une mécanique de jeu récemment présente dans Resident Evil 7, et vieille comme le monde.) Peut-être que les affiches de PayDay 2 accrochées derrière l’un des tueurs à gage ne sont pas si anodines par rapport à l’inspiration vidéoludique du film, finalement. Si on accepte le postulat irréaliste et aussi artificiel que peuvent l’être les actioners arcades du jeu-vidéo ou les Comics ricains, alors tout ira pour le mieux lors du visionnage.
On regrettera cependant le manque de diversité lors des fusillades à la chaîne, qui nous feront suivre John Wick buter tour à tour la garde rapprochée du mafieux qui a mis sa tête à prix. Les plans se suivent et se ressemblent, tant dans la manière dont Wick mettra à terre ses adversaires directs pour flinguer les hommes au bout du couloir, que dans la manière que Stahelski aura de poser ses cadres. Des cadres identiques qui pourront se suivre, les uns à la suite des autres, 5 ou 6 fois d’affilée. Pour le coup, peut-être aurait-il fallu découper davantage l’action, utiliser plusieurs valeurs de plan, diversifier les axes, ou tout faire en plan séquence pour éviter la répétitivité induite par les cuts. On se posera également la question du bien fondé de personnages comme celui de Laurence Fishburne, un chef de gang maquillé en clodo qui tripote des pigeons voyageurs et fourni des armes à qui a de quoi se les payer. Un étrange pourvoyeur de vide qui brise maladroitement l’action et n’apporte réellement pas grand chose à la narration du film. À titre personnel, je souligne aussi le fait d’en avoir absolument plein le cul de voir la très mauvaise Ruby Rose dans ces rôles de karatéka goudou, une actrice d’une maladresse horripilante, systématiquement caricaturales et à côté de la plaque. Une catastrophe ambulante, sans charisme, qu’on a déjà bien assez vue cette année, puisque déjà dans xXx: Reactivated et Resident Evil : Chapitre final (belle filmo).
John Wick 2 est une péloche bien appréciable, qui souffre un peu d’un trop plein de générosité : le film aurait sûrement gagné à mincir d’un bon quart d’heure. Mais, sans comparer tout à fait, c’est un faux-procès qu’on fait depuis la nuit des temps au cinéma coréen, toujours trop généreux, mais comment leur en vouloir ? Un bon moment de cinéma bien branlé, sans prétention aucune, avec une vraie volonté de respecter le spectateur et le genre, je signe. La fin augure d'ailleurs d'un troisième épisode qu'il me tarde déjà de voir, s'il tient les promesses qui nous sont faites. Allez-y sans broncher, vous n'en sortirez pas ébahis, mais satisfaits !
Depuis le 22 février dernier, il vous est possible de découvrir en DVD et en Blu Ray le deuxième film du jeune metteur en scène espagnol Kike Maíllo, Toro. Sorti en Direct-to-DVD dans une indifférence générale et vendu comme un émule espagnol du Drive de Nicolas Winding Refn, il est en effet très compliqué de ne pas se retrouver dans une position de comparaison constante entre ce film et son modèle, tant le film de Kike Maíllo cherche à tout prix à ressembler au film de Refn. Mais il serait pourtant idiot de complètement le balayer d’un revers de la main, car malgré tous les défauts présents dans cette œuvre, on peut y trouver également quelques vraies qualités.
Narrant comment un jeune délinquant qui a décidé de se ranger et de ré-intégrer une vie normale sans histoire suite à son incarcération va tomber dans une spirale de violence suite au retour de son frère dans sa vie, Toro est doté d’une mise en scène d’une maitrise absolument bluffante, et les 20 premières minutes du film rappellent la sensation que l’on avait pu avoir lorsque l’on avait pu découvrir Drive à l’époque: l’impression d’assister à la naissance d’un petit classique en puissance. Assumant ses références visuelles avec intelligence, Kike Maíllo s’impose comme un réalisateur extrêmement talentueux. Doté d’un sens du cadre et du découpage évident, il est ainsi impossible de ne pas être particulièrement enthousiaste à la découverte de l’ouverture du film. En plus d’avoir une lumière absolument somptueuse, la réalisation de Kike Maíllo évoque la vision fantasmée que l’on a du style visuel des œuvres des années 1980, sauf lors du générique d’ouverture, évoquant tout simplement l’esthétique du générique de True Detective. Jusque là, tout parait parfait. Sauf que bien évidemment, un très gros problème arrive rapidement lors du visionnage, et il est malheureusement difficile d’être aussi enthousiaste par la suite…
Car oui, Toro a en apparence tous les atouts pour s’imposer comme un ersatz réussi du film de Winding Refn. Mais en voulant à tout prix ressembler à son modèle, celui-ci va jusqu’à copier une grande partie de la structure scénaristique de Drive, au point de paraitre non seulement vain, mais surtout sans personnalité aucune. Ainsi, comme dans Drive, le personnage parait mystérieux et il est très rare de réussir à réellement comprendre toutes ses intentions. Comme dans Drive, on a une relation avec un personnage qui vient de rentrer dans la vie du protagoniste, et c’est cette relation qui va l’entrainer dans toute cette violence. Comme dans Drive, la relation qu’entretient le protagoniste principal avec un enfant va fortement développer la relation qu’entretient le protagoniste principal avec le personnage qui l’a amené dans toute cette accumulation d’événements dont il ne pourra pas vraiment se dépêtrer. Sauf qu’en voulant éviter d'uniquement copier son modèle, le scénariste choisi de faire des modifications qui paraissent en soit assez peu subtiles, voire même qui trahissent l’esprit du film auquel il se réfère, au point de finalement rendre son scénario plus bancal qu’autre chose et donc de ne jamais retrouver ce qui faisait l’originalité du film de Winding Refn. Ainsi, au lieu d’avoir un personnage sorti de nulle part, dont on ne sait jamais rien et dont on ne comprendra jamais les motivations, on nous montre le passé de ce personnage. Ce qui bien évidemment, rend juste la caractérisation du personnage beaucoup plus classique que ce que le film souhaiterait. Au lieu d’avoir une histoire d’amour avec un personnage et qui sera l’un des éléments qui amènera toute cette violence, on remplace cela par une histoire de fraternité et on relègue l’histoire d’amour au second plan, ce qui ne fait qu’étoffer le personnage principal en lui créant un passé, qui bien évidemment éloigne encore plus ce film de son modèle. Force est de constater que ce personnage de frère ressemble finalement étrangement au magnifique personnage de Shannon, sorte d’éternel loser incarné par Bryan Cranston dans Drive, ici incarné par Luis Tosar (Cellule 211, Malveillance, Miami Vice). Et donc bien évidemment, l’enfant avec qui le personnage va développer une forte relation est la fille de son frère, donc sa nièce. C'est donc une relation familiale qui va le faire tomber dans toute cette spirale de violence, permettant au spectateur de comprendre donc plus aisément toute la motivation de ce personnage à agir. Fini donc toute la part de mystère qui entourait ce personnage du chauffeur : ici, tout nous parait clair par rapport à ses intentions. Et il est donc extrêmement problématique de ne pas réussir à comprendre le personnage et ses agissements tandis que l'on a compris sans problème les raisons qui le poussent à agir, puisque cela donne uniquement l'impression que la caractérisation du personnage n'est tout simplement pas poussée jusqu'au bout...
Et que reste t-il donc après tout cela ? Pas grand chose… La très grande erreur ici est de n’avoir pas su se détacher suffisamment de Drive pour tenter d’écrire un scénario réellement original. Mais le plus surprenant ici, c’est aussi de se rendre compte que c’est en tentant d’étoffer ce que Drive se refusait même à évoquer que Toro devient finalement un polar des plus classiques. Là ou l’épure scénaristique de Drive combinée à sa forme très maitrisée, contemplative et planante, permettait d’avoir le sentiment de regarder une œuvre qui touchait à quelque chose de plus grand, d’imperceptible, la structure scénaristique de Toro définissant clairement le personnage principal donne un aspect finalement très terre à terre au film, et tombe en soit dans les clichés que Winding Refn avait complètement évité. On retiendra donc uniquement une belle mise en scène, mais beaucoup trop impersonnelle pour réussir à vraiment donner un sentiment autre que le fait d’assister à un exercice de style. Une sorte de rendez-vous manqué finalement…
C’est vraiment dommage de n’avoir jamais laissé aucune chance à cette saga. Aucune possibilité de devenir quelque chose. Née sous le giron de Len Wiseman, business man auteur des deux premiers volets de la saga, mais aussi de Die Hard 4 : Retour en enfer et du remake de Total Recall (ça vous laisse augurer de l’étendue de son talent), elle fût confiée par la suite aux soins de Patrick Tatopoulos, un superviseur des effets spéciaux très talentueux (Silent Hill, La belle et la bête de Gans, ou encore Dracula de Coppola), mais aussi réalisateur que vous et moi. Il s’agira d’ailleurs de sa seule et unique réalisation.
Le quatrième verra le jour sous l’égide de Måns Mårlind (Storm, Le silence des ombres) et de Björn Stein (inconnu au bataillon), tandis que de le cinquième sera confié à Anna Foerster, réalisatrice de quelques épisodes de séries comme Esprits criminels ou Outlander. Prestige quand tu nous tiens. Quand certains avaient rêvé de voir un Guillermo del Toro aux commandes d’une telle machinerie, faut avouer que la réalité à quelque chose d’un brin amer (d’ailleurs, la première scène de cet Underworld: Blood Wars s’inspire fortement de celle de Blade 2. À la seule différence qu’elle est complètement foirée).
Pour recontextualiser tout ça d’un point de vue qualitatif (sic), le premier Underworld avait quelques qualités mais s’avérait beaucoup trop long et poussif, pas forcément aidé par une photo et un montage qui laissaient penser à un clip pour Evanescence, et par des ristournes scénaristiques qui mettaient le film sur des rails sans aiguillage en vue qui permettrait d’espérer un changement de direction en cours de route.
Le second et le troisième maintenaient le cap et se laissaient regarder, on restait malgré tout dans la moyenne de ce que le cinéma pour pré-ado nous offre de plus banal. À partir du quatrième, c’est la chute libre. Le film est tout bonnement insipide et s’oublie dès le générique de fin. Quant au cinquième, celui qui nous intéresse ici… Ce n’est pas insipide, c’est carrément mauvais.
Visuellement vous n’avez qu’à imaginer un enfant batard de Bloodrayne et Bloody Mallory né sous la bannière d’Asylum, histoire de vous rendre compte deux minutes qu’un tel film est actuellement diffusé dans nos plus gros multiplexes. Ok, je pousse un peu, mais on n'en est pas loin.
Pour ce qui est de la trame, Selene est chassée à la fois par les vampires et les lycans, mais se voit finalement quémandée par les siens pour préparer une grande bataille face aux vilains loups. Évidemment, la requête qu’elle reçoit pour former ses semblables tourne au guet-apens, certains vampires avides de pouvoir ayant du mal à lui pardonner un fait qu’on lui reproche de film en film depuis le premier volet.
Mais pourquoi suis-je en train de vous parler de trame quand tout part en sucette dès que l’occasion se présente et que le fil conducteur change de métier à tisser à chaque nouvelle séquence ? On nous emmerde avec des intrigues romantico-politiques cul-cul la praline sans autre intention que de meubler le temps et l’espace avant une bataille finale à 25 contre 25 si apathique que Michael Haneke himself trouverait ça mou du genou. Peut-être même qu’Haneke aurait eu le bon sens de demander à ce qu’on retire ce filtre bleu dégueulasse qui alourdit l’image de la première à la dernière séquence. Ne parlons pas du casting, sans quoi je risque de m'énerver sur mon clavier plus que de raison, mais ayons tout de même une pensée émue pour la pauvre Kate Beckinsale qui devait faire ce film pour payer son chirurgien.
Les VFX sont sans doute parmi les plus laids jamais vus sur un film de cette envergure, que ce soit les flingues crachant des balles avec After Effect ou les transformations des lycans en loups, tout est absolument lamentable. Quand on ne retire rien d’un film, ni son scénar, ni sa plastique, c’est tout de même qu’il y a une erreur quelque part. Ça mettrait presque en perspective (j'ai dit "presque") le boulot de Paul W.S. Anderson sur les Resident Evil. Évidemment, la fin nous annonce que notre calvaire ne se cantonnera pas à ce Blood Wars, et le box-office incongru, qui rapportera à ce bouzin les 100 millions de dollars de recette en salle, nous assure qu’un sixième opus verra le jour d’ici 2 ou 3 ans. Putain que ce sera dur de s’en retaper un. Comme quoi un nom, une marque, permet vraiment de faire marcher n’importe quel produit. Si je filmais mes couilles en gros plan et que je pouvais sortir le film au cinoche sous le nom d’Underworld: Blood Balls, je serais millionnaire. Les 40 premières secondes du trailer ne sont pas issues de Blood Wars, mais des films précédents.
Piégé dans un désert artistique depuis maintenant 15 ans, M. Night Shyamalan tente aujourd’hui un énième retour avec Split. Produit par Jason Blum, un pitch classique et à l’issu à priori cousue de fil blanc, parvient-il donc à effectuer ce fameux come-back dont on nous bassine les oreilles à chaque sortie ?
Casey et deux de ses camarades de classes sont enlevées par Kevin, un homme souffrant de trouble de la personnalité multiple. Elles devront tenter de comprendre et survivre aux 23 (très) différentes personnalités de Kevin.
Si The Visit, son précédent film, avait pour avantage de marquer un retour à un genre qui l’avait aidé à faire ressortir le meilleur de lui même, le film restait plutôt anodin et déjà daté malgré quelques ressorts pour sortir des marasmes du found-footage.
Disons le de suite: Split ne réinvente pas la roue. Ni le fil à couper le beurre et encore moins la fourchette (c’est quand même une putain d’invention la fourchette). Il n’y a rien de réellement original dans le sujet, le film n’atteint pas ce qu’il a pu nous offrir au début des années 2000.
Néanmoins le film marque le retour en force de M. Night Shyamalan, le metteur-en-scène : les différentes séquences sont parfaitement découpées et parviennent à sauver un scénario souvent simpliste d'un mouvement de caméra ou par un cut bien placé.
Fait dans l’économie (9 millions de dollars de budget) pour nous offrir son film le plus réjouissant depuis très longtemps, malgré le classicisme de son récit.
Porté par un James McAvoy cabotinant comme un beau diable, encore plus fou que dans l’excellent Filth, et une Ana Taylor-Joy tout aussi magnétique que dans le sublime The Witch, MNS se fait un plaisir de nous présenter chaque parcelle de cet esprit fragmenté en 23 pièces en nous tissant un réseau entre l’antagoniste et l’héroïne : ils sont tous deux isolés, et brisés. Et c’est là l’idée géniale du film, concentrant une thématique qu’on peut retrouver à de très nombreuses reprises chez l’auteur : le groupe, la communauté, poussant l’individu dans ses retranchements.
Champ de symbolique, Shyamalan nous entraîne dans la psychée de ses personnages, les liant par de petits détails de composition de cadre (la volonté d’isoler Casey du reste du groupe) ou bien plus subtilement par l’attention portée sur les décors et accessoires : une plante verte, une assiette, un fusil, reflet de leurs cicatrices, suffisent pour nous faire comprendre de manière consciente ou inconsciente que Casey et Kevin sont autres choses qu’une victime et son bourreau.
À traumatisme égal, « Il » et « Elle » est ce qu’« Elle » ou « Il » aurait pu être. De même, les flashbacks de Casey nous distillent juste assez d’informations pour qu’on parvienne à ouvrir les yeux sur les fêlures de nos personnages, sur les conséquences qu’elles auront sur chacun d’eux, sur la transformation qui en découlera. Le film est un régal pour tous les amoureux d’analyses et de faiseurs de théories !
Nous baladant de genre en genre, du drame médical au thriller à l’horreur avant d’enfin nous révéler sa véritable nature, il sait rester dans le fantastique et il semble avoir compris que la force de son cinéma ne se trouve pas dans le « twist », mais dans la manière dont il l'amène, et dont il parvient à nous faire regarder en arrière et repenser à ce que l’on a pu voir durant 2 heures.
Production Blumhouse, le film opère donc un virage inattendu vers l’horreur dans son dernier tiers, changeant la nature même du danger. Pour autant, la véritable révélation intervenant dans les dernières
minutes du film, il est ardu de ne pas vous offrir une analyse à l’aune de celle ci. Ce que l’on en retiendra, c’est la cohérence et l’intelligence avec lesquelles elle est amenée au spectateur. Tout fait sens dès que la musique raisonne, nous touchant en plein cœur. Inattendue, elle nous laisse espérer à un futur radieux pour Shyamalan, qui semble plus que jamais prêt à revenir sur le devant de la scène.
En conclusion, si le film souffre d'un récit classique et parfois longuet, il est servi par deux excellents acteurs et M. Night Shyamalan en pleine forme, nous offrant un spectacle d'une cohérence rare et jamais cynique, véritable anomalie vu le genre dans lequel le film finira par s'inscrire.
Le message du film ("The broken are the more evolved"), est parfaitement amené et en adéquation totale avec la révélation finale. Lisez-en le moins possible, révisez votre Shyamalan pour les nuls, et "Rejoice" devant un film qui saura réellement vous surprendre. Ça fait du bien putain.
On peut dire sans hésitation que s'il y a bien un film qui intriguait en ce mois de février, c’est bel et bien A Cure For Life (ou devrait t-on plutôt dire A Cure For Wellness, titre original du film). Réalisé par le cinéaste Gore Verbinski, dont l’œuvre la plus célèbre à ce jour reste très certainement la trilogie Pirates des Caraïbes, il était très difficile d’imaginer ce que ce réalisateur était en train de nous préparer réellement. En effet, Verbinski étant à la fois un cinéaste doué, doté d’un sens visuel évident et d’une maitrise technique indéniable, et étant aussi un véritable technicien à la solde des studios, capable de réaliser sans véritable ambition des produits sans intérêt en se pliant à leurs exigences, chacun de ses projets intriguent tout autant qu’ils font peur. Ainsi, malgré les surprises que pouvaient être le premier Pirates des Caraïbes ou son remake de Ring, jusqu’à son génial film d’animation Rango (qui reste à ce jour son meilleur film), il avait aussi fallu se taper des films aussi insipides que les deuxième et troisième opus de Pirates des Caraïbes, ainsi que son complètement foireux Lone Ranger. Mais voir ce metteur en scène revenir à un projet plus risqué sans apparente garantie commerciale attirait les curiosités. Qu'en est-il donc du résultat ?
Racontant comment un jeune cadre du nom de Lockhart est envoyé dans les Alpes Suisses suite à une faute professionnelle, celui-ci devra aller chercher son patron dans une étrange clinique médicale après que celui-ci ait envoyé une mystérieuse lettre en précisant qu’il n’en reviendrait pas. Mais une fois là-bas, Lockhart se retrouve à son tour pris au piège du personnel médical, ne lui restant plus qu’à déchiffrer tout le mystère autour de ce lieu et les activités qui s’y passent pour espérer réussir à s’enfuir. Drôle d’objet qu’est A Cure For Life. Il est très difficile de ne pas être intrigué par l’apparente grossièreté du traitement scénaristique. Œuvre au manichéisme assumé dans laquelle on identifie ouvertement sans aucune difficulté les gentils et les méchants, œuvre au récit se jouant de mystères et de fausses pistes au point de limite sombrer dans le ridicule, on est légitimement en droit de se demander quel est réellement le sens de tout ce qui se déroule devant nos yeux, tellement le sentiment de ne pas savoir ou le film cherche à nous emmener est présent. On serait même en droit d’être agacé à force de séquences ne cherchant pas tant que ça à nous amener quelque part, provoquant évidemment l’effet inverse de celui que l’on recherche face à un film du genre : on a véritablement le sentiment de se faire balader par le scénariste. Mais c’est étonnamment tout le contraire qui se passe, et tous ces différents éléments sont les vecteurs procurant un vrai plaisir au visionnage de l’œuvre.
En effet, A Cure For Life procure un vrai plaisir de cinéma. Non seulement grâce à l’incroyable maitrise technique de Verbinski, offrant une mise en scène ne se relâchant jamais, belle et inspirée par instant, et donc, constamment jouissive. Mais ce qui ressort surtout de l’œuvre, c’est le sentiment d’avoir assisté à un film presque à l’ancienne, se permettant scénaristiquement une structure et des personnages comme on n’oserait presque plus en faire. Ainsi, oui : le méchant s’identifie dès sa première apparition, et on n’est évidemment pas surpris lorsque l’on nous montre ouvertement sa réelle cruauté. Mais en assumant cet aspect du film accompagné d’une mise en scène maitrisée, Gore Verbinski provoque chez le spectateur le plaisir d’être en terrain connu face à une œuvre connaisseuse et respectueuse d’une certaine histoire du cinéma, et lui permettant de pouvoir assister à nouveau à ce genre de film sur grand écran. Idem pour la narration citée plus haut : en assumant de constamment bousculer le spectateur par des retournements de situation contredisant tout ce qui a été dit au spectateur dans les minutes qui précédaient, Verbinski réussi à fasciner le spectateur avec son lieu et tout le mystère qui entoure cette étrange cure, filmée depuis le début comme la véritable menace du film. Et disons le : Verbinski réussi finalement là ou Martin Scorsese avait malheureusement échoué avec son ambitieux Shutter Island, dont les ambitions cinématographiques n’étaient pourtant pas si éloignées. Alors oui, on est en droit de pinailler pour une durée un peu excessive (le film fait pas loin de 2h25) et il aurait été clairement bénéfique de couper certains passages histoire d’être sûr de ne jamais perdre en route le spectateur. Mais à une époque ou la grande mode pour les films de divertissement consiste à enchainer les retournements de situation et les climax dignes de séries télés sans jamais essayer de s’intéresser une minute aux personnages ni à l’intrigue, et généralement filmé platement et sans imagination, voir un vrai film de cinéma jouer sur un principe similaire, mais en ayant compris ce qui permet à ce genre de narration de fonctionner, ça vaut le coup d’être vu. De là à dire que A Cure For Life marquera les mémoires : probablement que non. Mais bouder son plaisir serait vraiment dommage pour le coup…
Dans la forêt est le nouveau film de Gilles Marchand, réalisateur et scénariste du mésestimé Qui a tué Bambi ? et du trop vite descendu L’autre monde . Il a notamment été scénariste sur des films tels que La Dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil de Joann Sfar ou encore Des nouvelles de la planète Mars et du fameux Harry, un ami qui vous veut du bien, réalisés par Dominik Moll, ce dernier étant ici co-scénariste.
Gilles Marchand est donc un réalisateur singulier dans l’industrie française, et un réalisateur qui aime prendre son temps pour chacun de ses projets. En résulte des œuvres travaillées et détonantes dans le morne paysage audiovisuel de notre belle contrée. C’est donc avec une réelle curiosité et une certaine attente que Dans la forêt a atteint nos salles de cinéma. Oups.
Cela fait bientôt 1 an que Benjamin et Tom n’ont pas vu leur père. À l’occasion de leurs retrouvailles en Finlande, ce dernier décide soudainement de partir en forêt. Tom, victime de vision, s’inquiète de plus en plus face à un père au comportement étrange…
Un road-trip dans un lieu reculé, un père à la limite de la folie… La filiation avec Shining n’est pas difficile à faire, d’autant plus que le film cite (sans pour autant être putassier ) le chef d’œuvre de Kubrick à plusieurs reprises. La comparaison est malheureusement inévitable, et force est de constater que le film de Gilles Marchand ne parvient jamais à distiller le dixième d’anxiété que pouvait provoquer son modèle.
Il y a cette désagréable sensation que le film confond parfois « retenu d’informations » et « suspense ». Vouloir nous entraîner dans une atmosphère étrange et laisser libre cours à l’interprétation de chacun sont des intentions louables, mais elles ne parviennent jamais à réussir leur coup : la froideur des personnages nous empêche d’avoir une quelconque empathie. On ne sait tellement rien du passé de chaque personnage qu’il est difficile de nous faire un avis : on passe son temps à chercher un indice, un symbole pouvant nous aider à le découvrir. Hors il n’y a rien. Pour y revenir en vitesse, la scène d’introduction de Shining était un monument du genre. On y entrevoit des éléments de décor ou bien des non-dits nous permettant de penser que Jack Torrance est un homme violent. Ce n’est jamais dit, on ne le remarque peut-être pas, mais elle nous permet d’accepter que cet homme peut, et a déjà, basculé dans une certaine folie. Ici, il faut juste accepter de voir un homme, « le père » (jamais nommé dans le film), qui dit des phrases volontairement floues, pour laisser planer un doute superficiel sur une issue qu’on devine dès la première vision de Tom.
De fait, cette objectivité voulue par le réalisateur s’empêche toute montée en puissance, ne nous offrant que très peu de scènes digne d’intérêt, et nous balançant toute sa symbolique lors d’un dernier acte attendu et supprimant toute interprétation fantastique du film, contrairement à un Mister Babadook qui lui assumera jusqu’au bout son genre, tout en nous laissant pourtant nous faire notre propre interprétation.
S’il y a quelque chose à saluer dans le film, c’est bien l’interprétation de Timothé Vom Dorp dans le rôle de Tom, l’enfant au « shining », convaincant est souvent juste, il est la grande force du film et celle de Jérémie Elkaïm, qui parvient parfois à remplir son rôle de « Boogie Man mais pas vraiment». Malheureusement, les dialogues sont beaucoup trop "clinquants" et ne laissent aucune place à la mise-en-scène. C'est pas qu'on s'écoute parler, mais chaque phrase est trop chargée de sens, et sert de béquille là où une mise-en-scène plus efficace aurait pu faire le job en un mouvement de plus.
À noter aussi les maquillages, et les quelques CGI du film, amenés avec intelligence et étant particulièrement crédibles.
C’est d'autant plus dommage puisque le thème central du film est puissant, et s’accorde parfaitement avec le genre choisi, et que Gilles Marchand pouvait y apporter un traitement intéressant et dérangeant. Mais le tout est trop tiède pour vraiment toucher. Une œuvre pourtant pleine d’idées et au point de départ diablement intéressant, mais qui peine à réellement effrayer ou interroger son spectateur, à cause de dialogues trop lourds en sens et d'une mise-en-scène trop absente.
Il y a deux ans débarquait dans les salles l’adaptation cinématographique de Cinquante nuances de Grey, « roman » érotique qui fut un très grand succès commercial, et ce malgré une réputation absolument catastrophique. Écrit par la romancière E. L. James, Cinquante nuances… était à l’origine une fan-fiction de la célèbre saga Twilight. Apparemment frustré de ne pas en savoir plus sur la sexualité des protagonistes, E. L. James eu la très mauvaise idée d’imaginer une relation sado-maso entre les personnages. Mais face aux plaintes reçues, elle modifia les noms et l’histoire pour en faire une saga à part. Écrit avec les pieds, E. L. James a malgré tout réussi à en tirer 4 bouquins (une trilogie principale, puis un quatrième reprenant les éléments du premier livre vu du point de vue de Grey histoire de se faire un peu de pognon en plus), et succès oblige, Hollywood est arrivé pour en faire une adaptation. Lamentable de A à Z, le premier film était réalisé par Sam Taylor-Wood. Véritable téléfilm du samedi après-midi sur W9, le film était avant tout particulièrement con et ne présentait absolument aucun intérêt…
Il est assez marrant de se rendre compte que Sam Taylor-Wood a été virée de l’entreprise pour divergences artistiques. Non pas que d’apprendre le renvoi de quelqu’un est amusant, mais ce qui est considéré comme divergences artistiques pour E. L. James est tout simplement le fait que la réalisatrice du premier film avait choisi de modifier certains éléments du livre. Donc le propre d’une adaptation n’est même pas une notion qui a été pris en compte par l’écrivaine…
Enfin bref : James Foley remplace Sam Taylor-Wood à la réalisation sur ce deuxième opus. Est-ce que cela provoque une véritable différence entre les deux films ? Cette différence de metteur en scène provoquerait-elle un sursaut artistique pour ce deuxième épisode ? Évidement que non ! Aussi mal filmé que le premier, ce deuxième opus reprend là ou le premier s’arrêtait : suite à sa rupture avec Christian Grey, Anastasia Steele décide de se consacrer à sa carrière d’éditrice. Refusant toute autre aventure avec un homme, celle-ci succombe à nouveau au charme de Grey lorsqu’il revient vers elle. Malgré ses tourments intérieurs, il lui propose un nouveau contrat pour leur relation, à savoir, une vraie relation amoureuse, cette fois. Mais celui-ci s’avère angoissé, et le retour de deux de ses anciennes relations ne viendra évidemment pas changer les choses…
Voilà. Ça c’était le pitch officiel. Maintenant, faut pas déconner non plus : le film ne raconte absolument RIEN. Ça enchaine effectivement des scènes montrant les tourments de Grey, mais n’arrive jamais à faire vraiment le pont entre toutes les différentes histoires. On voit effectivement les ex de Grey, mais il est impossible de vraiment réussir à voir un lien scénaristique entre ces différentes histoires. La faute à une écriture particulièrement hasardeuse, ne cherchant jamais à donner un sentiment de vraisemblance dans l’enchaînement des séquences, et se contentant donc d’enchainer mécaniquement les scènes obligées du genre. Ainsi, on passe d’une séquence d’engueulade à une scène de cul sans vraiment avoir droit à une transition logique entre ces scènes, la palme du genre revenant clairement à une séquence incluant une ex ayant très mal vécue sa rupture avec Christian : une tension se met en place, d’autant plus que l’intrusion de ce personnage s’avère être vraiment imprévu pour le coup, mais une fois la scène finie, plus jamais nous n’entendrons parler de cette histoire. Par ailleurs, conclure ces sous-intrigues de manière particulièrement expéditive et contre-productive passerait presque pour le concept du film tellement celui-ci regorge de conclusions surréalistes dans le genre. La voiture d’Anastasia se fait saccager ? « Pas grave, je t’en rachète une autre », lui balance Grey 30 secondes après la découverte de l'épave. Le patron d’Anastasia tente de la violer ? « C’est bon il est viré et plus jamais il ne te fera de mal », lui dit Grey une minute après la scène de tentative de viol la plus molle que l’on ai vu depuis longtemps. Christian est mort dans un accident d’hélicoptère ? « C’est bon je vais bien », balance-t-il 2 minutes après qu’on nous ai montré le « crash ». Le tout n’étant clairement pas aidé par les acteurs, tous plus fades les uns que les autres, on se retrouve donc à suivre des personnages sans consistance déambuler de building en soirées déguisées sans que l’on puisse voir un quelconque intérêt à ce qu’ils sont en train de faire…
L’autre point assez hallucinant du film consiste en l’élément vendeur du bouquin/film : les scènes de fesses. Non pas que l’idée d’assister à des séquences de cul au cinéma soit la chose la plus attrayante que l’on puisse entendre, mais c’est tout de même la chose qui fut la plus mise en avant lorsque l’on évoquait ce film pour en faire la promo. Il est donc d’autant plus surprenant de voir que l’élément le plus vendeur soit aussi le plus malhonnête, étant donné que le film de James Foley est probablement le film « érotique » le plus soft, le plus prude, bref, le moins bandant qui puisse exister. Comprenant pas moins de cinq scènes de baise ne durant pas plus de deux minutes chacune (pour un film d’une heure cinquante, je vous laisse faire le calcul), il s’agit probablement d’une des œuvres les plus avares en la matière. Filmées à la façon d’une pub pour Carte Noire suivi d’un réveil façon pub pour Ricoré, ces scènes sont tellement auto-censurées qu’il parait hallucinant de se dire qu’une production comme celle-ci finisse par débarquer sur les écrans alors qu’elle comble du vide pendant la quasi totalité de sa durée uniquement pour ne pas avoir une interdiction trop forte, alors que le genre dans lequel elle désire s’inscrire est classé pour les adultes.
Je sais que ce paragraphe doit donner l’impression d’un espèce de frustré sexuel n’ayant pas eu sa dose nécessaire de paires de fesses à l’écran. Ce n’est pas vraiment le cas. C’est juste l’impression de s’être fait rouler complètement par une production mensongère. C’est exactement comme si John Woo avait tourné Hard Boiled en coupant ses scènes d’actions au bout de deux minutes et en montrant Chow Yun Fat assis sur son bureau à attendre que l’histoire avance. C’est comme un Star Wars sans Jedi, c’est comme un Star Trek sans Mr Spock, c’est comme Indiana Jones sans son fouet. Au bout d’un moment, il faut appeler un chat un chat : ce n’est pas un film érotique. C’est juste un drame avec quelques petites scènes légèrement osées. Mais quand ce même drame ne cherche même pas à faire le minimum pour essayer de raconter quelque chose à son spectateur, c’est juste les boules.
Bref : ce film est une purge. Une belle, une vraie. Pas de ces gentilles purges ou l’on se dit en sortant qu’il y avait pourtant matière à faire quelque chose de bien. Cinquante nuances plus sombres fait parti de cette catégorie de purges qui vous foutent en rogne en sortant de la salle, qui vous laisse avec un sale gout dans la gorge. « Oh non, ne me mets pas ça dans le derrière », dit Anastasia lors d’un magnifique travelling avant sur Christian Grey tenant dans sa main des boules de Geisha. En plus de répondre à une question que l’on était beaucoup à se poser après avoir vu le premier film (Anastasia est-elle tout simplement une jeune femme extrêmement naïve ? Non, elle est tout simplement con), cette phrase tiendrait presque d’une mise en abîme du spectateur devant le film. Et je peux vous assurer que même plusieurs jours après le visionnage, le spectateur n’a toujours pas fini de le sentir passer…
Il aura fallu 27 ans à Martin Scorsese pour réussir à adapter sur grand écran le roman de Shūsaku Endō. Déjà adapté en 1971 par le cinéaste Masahiro Shinoda (réalisateur des excellents Fleur pâle et La guerre des espions), le projet Silence fut mainte fois reporté, au point que l’on finisse par douter de sa finalité. Mais c’est maintenant chose faite : le grand Martin a finalement réussi à en réaliser l’adaptation. Et même si il ne s’agit pas là de son meilleur film, une chose est sûre : malgré tous les petits défauts que l’on peut y trouver, il s’agit d’une très grosse claque dans la gueule. Et il s’agit aussi clairement d’une date dans la filmographie de son auteur.
Narrant comment deux missionnaires portugais partent pour le Japon après avoir reçu une lettre de leur mentor dans l’espoir de le retrouver, le film de Scorsese s’impose tout autant comme une réflexion sur la foi que comme une somptueuse déclaration d’amour au cinéma japonais. Je ne ferai pas l’affront de présenter Martin Scorsese : non seulement parce qu’il faudrait un livre entier pour parler de sa filmographie, mais surtout parce qu’il s’agit de l’un des metteurs en scènes les plus connus au monde et que la plupart d’entre vous ont probablement déjà vu ses films. Ainsi, vous êtes déjà au courant que la religion occupe une assez grande importance dans son œuvre, et que ses œuvres les plus personnelles regorgent de symboles religieux.
Mais contrairement aux apparences, il ne s’agit pas ici d’un film qui traite d’une religion en particulier. Ici, Scorsese traite de la guerre des religions, comment celle-ci fini par opposer alors qu’elle devrait réunir, comment celle-ci amène la haine de l’autre alors qu’elle est censée amener l’amour. Ainsi, l’enjeu principal du film consiste en une opposition des missionnaires chrétiens face à un État Japonais persécutant toute forme de christianisme, torturant et condamnant à mort les pratiquant religieux. Ceux-ci, convaincus par le bien-fondé de leur religion, refusent de voir ce qui se trouve ailleurs tandis que leurs opposants refusent d’accepter que certains villages de leur pays appartiennent à la chrétienté. Il serait donc une très grosse erreur d’y voir une œuvre propagandiste en faveur d’un camps en particulier au mépris d’un autre : il s’agit là tout simplement d’un film lucide sur la foi et les dérives qu’elle peut amener. Il s’agit d’une œuvre qui incite non pas à adopter une quelconque croyance, mais d’une œuvre qui incite à respecter les croyances de l’autre, mettant en avant durant toute sa durée qu’aucun discours, qu’aucune brutalité n’est en capacité d’amener un homme à changer de bord : selon Scorsese, la foi est profondément ancrée en l’homme et ce quelque soit son parcours. En témoigne cette fabuleuse séquence entre le père Rodrigues (joué par Andrew Garfield) et le personnage de l’interprète (Tadanobu Asano), ou chacun essaie de persuader l’autre de la véracité de sa religion, et ou bien évidemment, tous deux ont des réponses différentes, creusant le fossé entre les protagonistes.
Mais ce discours humaniste n’est pas le seul intérêt de Silence. La très grande cinéphilie de Martin Scorsese est connue de tous, et sa filmographie témoigne de cette ouverture d’esprit par rapport au cinéma international. En ce sens, sa dernière incursion vers le cinéma asiatique datait de 2006 avec son fabuleux remake de Infernal Affairs : Les Infiltrés. Mais si celui-ci s’imposait comme un véritable chef-d’œuvre qui dynamitait le style de Martin Scorsese, le lien avec le cinéma asiatique ne se limitait finalement qu’à une transposition vers les États-Unis du film d’Andrew Lau et d’Alan Mak. Avec Silence, Scorsese signe tout autant un film qui lui est propre, ou l’on retrouve son style de découpage, tout autant qu’un film extrêmement référentiel. Ainsi, Scorsese cite ouvertement Kenji Mizoguchi (Les Contes de la lune vague après la pluie) et surtout Masaki Kobayashi. En effet, il est absolument impossible de ne pas penser à la beauté des cadres d’Harakiri, et c’est en ce sens là que ce film est aussi particulier dans la filmographie de son auteur. En plus d’être doté d’une lumière à tomber par terre rappelant le cinéma japonais des années 1970, le film évoque par sa mise en scène le cinéma japonais, au point même que l’on oublie par moment que celui-ci est réalisé par le metteur en scène de Taxi Driver et de Casino, et que l’on en vient presque à se persuader que l’on est face à une œuvre inédite du réalisateur de Kwaidan, jusqu’à ce que la présence d’Andrew Garfield vienne nous rappeler les racines américaines du tout. Par ailleurs, un petit détail amusant venant prouver une dernière fois la cinéphilie variée de son auteur : on peut retrouver au casting le cinéaste Shinya Tsukamoto, génial metteur en scène trop injustement méconnu du grand public, et responsable du cultissime Tetsuo.
Il est très compliqué d’évoquer Silence sans trop en dévoiler par rapport à son intrigue. Mais que les choses soient claires: il s’agit là d’un film absolument unique dans la filmographie pourtant déjà très riche de son auteur. Alors oui, il est possible d’être légèrement rebuté par une durée un peu trop grande, ou une tendance à un peu trop vouloir appuyer son discours lors de certaines scènes, surement par peur de laisser le spectateur sur le bord. Mais malgré ses défauts évidents, il est impossible de ne pas être touché par l’incroyable beauté et l’intelligence de cette œuvre. Le grand Martin Scorsese nous prouve une fois de plus qu’il reste l’un des maitres du cinéma : capable de ré-inventer son style à presque chaque film, proposant constamment des thématiques fascinantes et refusant de prendre son spectateur pour un con. Vous l’aurez compris: il serait un sacrilège de ne pas aller découvrir cet excellent film sur grand écran.
Dire qu’on n’attend plus vraiment les films de David Moreau relèveraient de l’euphémisme. D’ailleurs, les a-t-on vraiment attendus un jour ? Ils, le triste remake de The Eye, et 20 ans d’écart, voilà la filmographie du bonhomme avant qu’il ne se lance dans un projet fantastique issu d’une bande-dessinée dont j’ignorais l’existence : Seuls. Monsieur en assure l'adaptation, l’écriture et la réalisation. Ici, je parlerai de l’objet cinématographique, non pas de la BD, cela va soi.
Le film suivra les pérégrinations urbaines de 5 ados qui se réveilleront complètement esseulés, la ville entière et ses alentours ayant été totalement désertés, comme si la vie entière s’était vaporisée, comme si le temps s’était arrêté après avoir emporté toute forme de vie. Impossible de quitter la ville qui est encerclée par un brouillard d’une chaleur extrême et qui se rapproche de plus en plus dangereusement. Pourquoi ces 5 gamins sont-ils restés ? Où sont passés les autres ? Ont-ils disparu ou sont-ils partis ? Évidemment, ils finiront par comprendre qu’ils ne sont pas si seuls, et qu’il aurait mieux fallu qu’ils le soient.
Film post-apo sans vraiment en être un, Seuls a le mérite d’apporter quelque chose de frais dans le paysage cinématographique français de par sa thématique et son traitement, mais le démérite d’amener quelque chose de totalement convenu si le film avait été pondu par nos potes ricains. Une balance constante de pour et de contre qui finira par pencher définitivement du mauvais côté, la faute à une accumulation de défauts difficilement pardonnables qui desserviront tout à fait la bande dans son ensemble. Le simple fait de vouloir se comparer à la production française sans prendre en compte la production étrangère prive le film du recul nécessaire à sa bonne articulation. Si vous avez quelque peu suivi la promotion autour du film, tout tournait autour du fait d’avoir apporté une production rare en tant que pur produit français, tout en réclamant ses références d’Alien ou de 28 jours plus tard (David Moreau ayant même demandé à son actrice Sofia Lesaffre de nous faire du Sigourney Weaver. Echec, bien entendu). Une promotion d’autant plus malvenue que le film se situe certes dans un paysage cinématographique français assez pauvre en films de genre, mais surtout dans le ventre mou du paysage cinématographique anglo-saxon. Pour la faire simple : Seuls est un film lambda.
Le film alterne notamment entre des CGI très réussis (le brouillard qui les emprisonne dans la ville est superbe), et d’autres totalement ratés (les plans aériens, qu’on devine numériques, et qui suivent leur voiture comme dans un Grand Theft Auto de la première heure sont repoussants).
Mais ce n’est pas ici que se situe la principale tare du film. Il faudra surtout pointer du doigt la médiocrité globale de l’interprétation, enrobée d’archétypes plus irritant tu crèves :
- Le black à gros bras, genre caïd des cités « ntm j’suis un bonhomme »
- La petite rebeu sweat/jogging garçon manqué « j’aime le karting et les grosses bagnoles »
- Le blanc bec fils de bourges trouillard comme pas deux
- Le petit gamin sympa qui n’a pas d’autre caractérisation que d’être le petit gamin sympa (mais hyper pénible)
- La blonde à lunettes introvertie « que si tu lui enlèves ses binocles elle voit plus clair »
Les personnages ne dépasseront ces maigres caractéristiques que pour plonger dans d’autres, ne donnant jamais à voir un panel émotionnel et un background propre qui laisseraient paraître un certain relief dans leur composition, et qui dépasserait le stade de la simple caricature. La pauvreté du jeu laisse à penser que les acteurs ne jouent aucun rôle, mais qu’ils projettent leur façon d’être dans leur personnage, tout en bridant certains traits de leur personnalité pour se rapprocher du mieux possible de la personnalité que devrait avoir leur personnage. La palme de la chèvre revenant à Paul Scarfoglio (Paul), campant un fils de milliardaire terriblement agaçant dans son écriture et son interprétation. C’est si surjoué qu’on se croirait devant un comédien de pièces de colonie de vacances, que ce soit quand il nous joue la peur, la joie ou l'enivrement. Le jeu d’un acteur se nourrit de travail et d’expériences de la vie. Manifestement, ce garçon n’a jamais été soûl. Le casting s’est contenté d’aller chercher des acteurs qui ressemblaient physiquement aux personnages de la BD, mais qui y ressemblaient aussi dans la vie de tous les jours. De là à dire que ce ne sont pas des acteurs, il n’y a qu’un pas que je franchis allègrement.
Il est vrai que ce jeune homme ne sera pas aidé par l’écriture pure et simple de son rôle, qui nous appuie tous les traits de son personnage comme un marteau-piqueur défonce du béton. Si vous n’avez pas compris qu’il interprète un poltron, je ne peux plus rien pour vous. Cette remarque s’applique néanmoins à tous les personnages de Seuls, à qui on attribuera la seconde mention de comédien pour colonies de vacances à Jean-Stan du Pac (Terry), petite catastrophe ambulante qui vous collera des facepalms plus d’une fois.
M’enfin, tout n’est pas la faute des comédiens. David Moreau cède à une paresse des plus fatigantes : Celle d’expliquer son texte pour ne pas avoir à trouver d’idées de mise en scène qui permettraient au spectateur de comprendre le ressenti de ses personnages. Plutôt que de se creuser la caboche, monsieur nous balance des contre-plongées d’acteurs aux toilettes, profitant naturellement de ce petit moment d’intimité pour leur faire déclamer ce qu’ils ont au fond de la tête. « C’est un cauchemar, j’espère que je vais me réveiller avec le petit-déjeuner servi et maman dans la cuisine. J’ai peur, je ne veux plus être ici ». Ce type de monologues de 20 secondes qu’on devrait véritablement interdire aux metteurs en scène tant c’est aller à l'encontre de l’immersion requise par le cinéma. Le cinéma français a du mal à nous faire comprendre les choses par l'image et non le verbe. Ce genre de séquences qui nous rappelle toute l’artificialité du média.
On pourra également citer les incohérences qui fleurissent çà et là, ces phrases ou remarques qui ne collent pas aux personnages qui les balancent, comme lorsque le plus jeune de la bande (12 ans), au QI pourtant assez ordinaire, propose à ses camarades d’aller « trouver un relais satellite » pour faire fonctionner leur Wifi. Quel gamin de 12 ans proposerait ça ? Dexter ? Peut-être, mais on n'a pas affaire à un génie qui a construit un laboratoire sous sa baraque. C’est juste une question de bon sens.
On mettra de côté le bien mauvais et "cheveu sur la soupesque" boogeyman du film pour parler quelques lignes du twist qui m’a fait tomber la tête dans les paumes de mes mains. Usé jusqu’à la moelle, il fera hurler de rire la plupart d’entre vous tant vous croirez à une blague. Personnellement, j’y croyais pas. Comment oser ça en 2017 ? Ce n’est pas juste le thème du twist qui pose problème, c’est qu’il est exactement le même que deux des plus grands films fantastiques de ces 20 dernières années. Sans vous citer les films, je ne peux même pas vous citer les réa (oui, j’ai bien écrit « les ») qui utilisent la même pirouette, ou vous ferez le rapprochement sans même avoir lancé une recherche Wiki ! On parlait de paresse un peu plus haut, c’est ça ? Quant à la conclusion en elle-même (qui peine à arriver), on tombe carrément dans le grotesque, dans le grand-guignol, tout ce qui vous paraissait archétypal depuis le début ne sera rien comparé à cette dernière séquence. J’ai ri de gêne de la révélation du twist jusqu’au générique, tant cet épilogue est inouï. Ajoutons tout cela au fait que le film ne sera pas regardable deux fois. Le twist révèle encore plus d'incohérences que le cerveau ne peut en supporter (allez, j'en lâche un, les voitures avec les portes ouvertes au travers de la route. Vous m'expliquez ?). Il y a des réa qui prennent un soin fou à donner de la logique à chaque détail, apportant du sens à des choses qui n'en ont pas forcément lors du premier visionnage, mais qui prennent toute leur importance lors du second. Je ne peux rien vous citer pour ne pas vous gâcher "le plaisir", mais j'en meure d'envie.
Une chose est sûre, ce n’est pas en brandissant l’étendard de Seuls que nous pourrons défendre l’image nationale du genre. Il ne faut pas que le genre français soit assimilé à ça. C’est dommage, mais fallait-il en attendre autre chose ? Certaines séquences sont plastiquent très intéressantes pour du cinoche français, c’est déjà ça de pris, non ? Voyez plutôt Don’t Grow Up, de Thierry Poiraud, film traitant d’une thématique similaire, mais de façon Ô combien plus intéressante. Et pourtant, il n'aura eu droit qu'au circuit DTV.
Il est toujours énervant de voir que les bons films ont de plus en plus droit à des remakes, de nos jours. Non pas qu’un remake soit nécessairement une mauvaise chose, il en existe même de très réussis. Mais une fâcheuse tendance sévit à Hollywood depuis de nombreuses années : se ré-approprier des œuvres ayant fait leurs preuves pour resservir une version aseptisée collant aux tendances du moment. Il suffit de voir le nombre de remakes qui ont été faits des classiques de l’horreur des 70’s et 80’s à partir du début des années 2000 pour se retrouver avec ce constat accablant. Et il est d’autant plus triste de voir que le cinéma étranger a souvent droit à un traitement similaire : « le public américain n’irait pas voir un film avec des sous-titres » disait Sam Raimi lors de la sortie de The Grudge, lui permettant de justifier la production d’un remake plan par plan de Ju-On, réalisé par le même auteur que l’œuvre originale : Takashi Shimizu.
En 1997, Ring fut un sacré choc. Réalisé par Hideo Nakata, le film était adapté d’un roman de Koji Suzuki, considéré dans son pays comme l’équivalent d’un Stephen King japonais, qui racontait l’histoire d’une malédiction : une cassette vidéo décime la population japonaise, en ne laissant plus que 7 jours à vivre à la personne qui a le malheur de la regarder. Cette petite perle du cinéma d’épouvante imposa un nouveau style d’horreur, très lente, ou jamais l’imagination du spectateur n’avait été à ce point un facteur d’émotion. Une suite fit son apparition rapidement, en 1999, toujours réalisée par Nakata, puis un préquel, en 2000, cette fois-ci réalisé par Norio Tsuruta. De qualité variable, les deux œuvres restaient malgré tout intéressantes, et permettaient de développer l’idée de la malédiction, tout d’abord grâce à un changement de point de vue particulièrement bienvenu pour Ring 2, puis en expliquant les origines de la cassette dans Ring 0. Puis les USA arrivèrent. Réalisé par Gore Verbinski, Le Cercle - The Ring était un film d’horreur de studio, dans le but de faire découvrir au public américain une histoire purement japonaise transposée aux États-Unis. Pas forcément désagréable, ce remake n’en demeure pas moins assez anecdotique, et qui hormis quelques idées visuelles intéressantes, a pour seul mérite d’avoir essayé de retrouver l’esprit d’une horreur sans jumpscare, ou le spectateur est constamment censé s’impliquer dans le récit. Après une suite en 2005, on n’avait pas vraiment de nouvelles de cette saga, qui semblait s’être totalement éteinte. Et c’est là que F. Javier Gutiérrez est arrivé…
Œuvre inutile au possible, Le Cercle - Rings se veut être une suite du film de Verbinski. Prenant place 13 ans après ce premier opus, le film s’ouvre sur l’attaque d’un étudiant dans un avion. Cherchant à fuir la malédiction de cette cassette, et donc l’attaque de Samara (la Sadako américaine), celui-ci a choisi de prendre l’avion pour fuir le plus loin possible, chose qui évidemment ne marchera pas. Deux ans plus tard, un professeur d’université tombe dans un vide-grenier sur des affaires qui appartenaient à cet étudiant, et donc forcément un magnétoscope comprenant la fameuse cassette vidéo maudite. Et pendant ce temps là, dans un autre monde où les gens mettent leurs réveils à 7h07, un étudiant laisse sa petite amie toute seule pour aller étudier chez ce professeur. Après des péripéties aussi inutiles que pas flippantes, celle-ci va finir par regarder la cassette maudite pour sauver son copain qui l’a également regardée, et les deux vont donc enquêter pour comprendre d’où vient cette malédiction et tenter de l’arrêter.
Que dire sur ce troisième opus ? Pas grand chose. Il ne s’agit ni plus ni moins d’un produit de studio aussitôt vu, aussitôt oublié. Trahissant l’esprit de l’œuvre d’origine en nous foutant des jumpscares tous plus cons et putassiers les uns que les autres (la palme allant à un jumpscare lors d’une transition entre deux scènes, essayant de nous faire sursauter en montrant une femme ouvrir son parapluie), Gutiérrez s’avère être incapable d’insuffler le moindre dynamisme et la moindre émotion dans son film. Sa brochette d’acteurs tous plus fades les uns que les autres étant incapable de jouer avec un semblant de justesse, celui-ci se retrouve à filmer des dialogues d’une mollesse absolument surréaliste. Il est par ailleurs assez triste de voir Vincent d’Onofrio cachetonner de manière assez molle en jouant le gardien de cimetière aveugle, d’autant plus qu’on l’avait vu récemment dans un autre remake qui s’avérait être beaucoup plus intéressant : Les Sept Mercenaires, d'Antoine Fuqua.
Dans la lignée d’un Blair Witch 2, Le Cercle - Rings n’essaie même pas d’être dans la lignée de ses modèles. Celui-ci se contente de piller à droite à gauche des éléments ayant marchés dans des succès récents histoire de s’assurer un succès au box-office. On n’est donc pas surpris de se retrouver face à un final convenu, pompant allègrement Insidious sans même chercher à s’en cacher.
Jamais prenant, jamais flippant, Le Cercle - Rings est un produit sans intérêt que nous aurons tous oubliés d’ici deux semaines. Hymne involontaire à la connerie en montrant des personnages tous plus cons les uns que les autres, il est impossible de comprendre comment un produit aussi lamentable a fini par échouer sur les écrans de cinémas en France. L’une des meilleures scènes du film, ou plutôt l’une des "moins pires", nous montre d’Onofrio traquer l’héroïne dans sa maison, en ayant coupé toutes les lumières. Cette scène a un seul mérite : nous rappeler que Don’t Breath, c’était quand même vachement bien, et que le Blu-Ray sort en France dans 10 jours. Économisez pour vous le procurer, plutôt que de dépenser 10 euros pour cette cure de dragée Fuca faite film qu’est Le Cercle - Rings.
Claude S.
Note du rédacteur: 0,5/5 (Honteux) Note de l'équipe : 0,25/5 (2 notes)
Véritable tour de force technique, L’Odyssée de
Pi est récompensé de 4 oscars en 2012, dont
« meilleurs effets
visuels » et « meilleure photographie » et rapporte à son
réalisateur, Ang Lee (ayant entre autre réalisé Tigre et Dragon
et Le secret de Brokeback Mountain ) celui du meilleur
réalisateur.
Il a donc, dans l’industrie hollywoodienne, carte blanche.
Poursuivant son exploration des nouvelles techniques cinématographiques, il
s’attaque à l’adaptation du livre Billy Lynn’s Long Halftime Walk
de Ben Fountain. Le film, tourné en 4K 3D et surtout à 120fps, mettra 4 ans à
sortir.
Un jour dans la vie de Billy Lynn, en 4K 3D à
120fps, s’annonçait comme l’un des projets cinématographiques les plus importants
depuis Avatar de James Cameron, puisqu’on le rappelle, tourné à
4K 3D 120fps.
Ce véritable tour de force sera récompensé en France, grand
pays du cinéma, par une sortie technique en HD 2D à 24fps. C’est donc dans une
version ôtant 80% de cinéma au film que cette critique à été écrite. Parce que je le répète, il était tourné en 4K, 3D et (tous en chœur) 120fps.
Engagé dans l’armée
américaine en Irak, Billy Lynn est une célébrité depuis qu’une vidéo de lui a
été tournée le montrant en train de sauver son sergent. Lui et son unité se
voient donc attribuer une perm’ de 15 jours, durant laquelle ils traverseront
les Etats-Unis pour une tournée des héros.
On va donc suivre Billy et l’unité Bravo lors du dernier
jour de cette fameuse tournée, ayant pour point culminant un concert des
Destiny’s Child lors de la mi-temps d’un grand match de football américain.
La surprise que l’on a en sortant du film, c’est qu’il est
beaucoup plus corrosif que ce que les trailers laissaient paraître. On est
beaucoup plus proche de la hargne d'un Starship
Troopers que du populisme d’un American
Sniper : le film est un véritable appel politique à une société
américaine qui traite ses soldats comme des héros sans même s’intéresser à leur
réalité. La comparaison avec Paul Verhoeven n’est pas anodine, Ang Lee posant
lui aussi un regard étranger sur les USA, lui accordant alors le recul nécessaire
pour traiter son sujet.
Ici, la propagande lave le cerveau du peuple, pas celui des
soldats : lorsqu’on dîne en famille, on refuse d’éteindre la FOX et sa
propagande interventionniste, on s’énerve lorsque quelqu’un ose émettre
l’hypothèse que la vraie raison de l’intervention américaine n’est pas les
armes de destructions massives mais le pétrole. On passe son temps à demander
aux soldats si « ce que l’on fait là-bas est bien utile », comme pour
se rassurer de ne pas être parti dans un nouveau bourbier digne du Vietnam,
cette fois aux conséquences encore plus désastreuses. Le tout pour que le peuple
continue à soutenir son gouvernement et le business du « America Fuck
Yeah » sans même se poser de questions. Le peuple applaudit les héros de
la nation pendant 10 secondes avant qu’une pub sur le dysfonctionnement
érectile ne soit diffusée sur les écrans du stade et soit aussi applaudit.
C’est une Amérique où les pétroliers aiment à remercier les soldats parce
qu’ils permettent à leurs entreprises de se développer, et qui pensent que la
guerre se joue aussi sur leur terre. Une Amérique qui se cache les yeux et qui
traitera ses vétérans de la même manière qu’elle l’a fait après le
Vietnam : en leur offrant un Coca gratuit pour chaque médaille.
Car le cœur du film, c’est bien évidemment Billy : sa
gueule d’ange et son héroïsme font de lui le parfait outil marketing :
c’est comme ça la guerre, on tente de sauver son sergent par pur camaraderie,
envoyez les sous. C’est sous son regard qu’on découvre une Amérique hypocrite
et malsaine, un pays dans lequel il ne pourra jamais revenir car à jamais il
sera le militaire. Une Amérique qui, à part des apparitions sur un stade, n’a
rien à lui offrir, rien à lui donner pour l’aider à se reconstruire, détruit
par une guerre dont il sait qu’elle n’a rien de légitime. Pris dans les griffes
du « syndrôme post-traumatique », Billy et son unité vont devoir
lutter pour survivre à cette journée, pendant laquelle les organisateurs les
trimballeront de salle en salle, de photographe en photographe, de scène en
scène, comme on montre le plus beau cul de vache au salon de l’agriculture.
Billy se prend même à rêver au calme des rues d’une ville irakienne pendant
qu’il traverse les couloirs d’un stade rempli de monstres dégoulinant de graisse
de hot-dogs et de bières, tout en se faisant traiter de PD par des spectateurs pour
« rigoler ». Ils le disent eux-même : « Même les
barbus nous respectent plus ».
Et c’est au détour d’une poignante scène, que je ne vous
révèlerai pas, dans laquelle Billy confronte la fille qu’il pense aimer qu’il
se rend compte à quel point il n’est plus rien dans ce monde. S’il n’est plus
un soldat, il n’a plus de porte de sortie, plus rien pour l’accueillir. Comme
le dira le personnage de Vin Diesel, « la balle a déjà été
tirée ».
L’Amérique n’est plus la maison, c’est le territoire ennemi.
Le film est donc un véritable cri du cœur face à une guerre
qui a trop duré, et une mentalité qui aide à justifier toutes celles qui
arriveront à l’avenir, au prix de la destruction de soldats s'engageant non plus par patriotisme mais par pragmatisme dans un monde occidental où les plus précaires sont laissés à l'abandon. C’est un film purement destiné à faire bouger le peuple
américain, le forcer à se raisonner. Même si cela signifie que les dernières
minutes doivent être trop explicites sur le propos même du film, elles permettent de
délivrer un message fort et compréhensible par tout le monde.
Du moins il aurait dû. Car là se trouve le vrai problème du
film : son exploitation. Comme précisé (de nombreuses fois, désolé) dans
l’introduction, le film a été distribué en France en 2D, 24FPS et en HD. On a donc
enlevé une dimension, 96 images/sec et réduit de 4 fois la définition pour
notre beau pays du cinéma. Sur les 15 salles ayant diffusé le film en France,
tout ça pour permettre une sortie Blu-Ray/DVD sans avoir
« l’affront » de passer pour un simple DTV, aucune salle n’aura présenté le
film en HFR (High Frame-Rate), pourtant équipées au moins pour les version
48/60fps du film.
Tout ceci n’est pas anodin, ce n’est pas qu'un caprice de geekos : c’est un gâchis monumental et on ne peut que ressentir l’impression
de voir un film amputé de 90% de sa mise-en-scène. Les travellings circulaires
deviennent désagréables et illisibles, les gros plans ne permettent plus de voir
le moindre mouvement des visages, apportant une émotion nécessaire pour
se plonger dans les enjeux de chaques scènes, les plans subjectifs avec les regards caméras des
acteurs s’adressant à Billy (et à nous) perdent tout leur sens et peuvent en
devenir malaisants.
Parce que là se situait le défi, dont on ne saura jamais
s’il a été réussi ou non (même si tout laisse penser que si), d’Ang Lee :
se servir de la pointe de la technologie pour raconter une histoire à hauteur
d’homme, de la manière la plus immersive qui soit. Reste alors à tenter
d’imaginer à quoi cela pourrait ressembler, et pleurer en se disant qu’on est
passé à côté de quelque chose pour une histoire d’argent. Tiens, comme quand on
passe à côté de l’âme d’un soldat pour partir sur un autre business. Méta quand tu nous tiens. (D'ailleurs, y a une super vanne méta sur le fait que maintenant on a besoin des chinois pour produire des films plus couillus que la moyenne. Sachant que le film est co-produit par la Chine).
Un film militant rare et plus que jamais utile aujourd’hui; des acteurs convaincants
et des personnages attachants (et pour d’autres délicieusement détestables); le tout gâché par le massacre d’une mise-en-scène dont on ne pourra jamais admirer la pourtant
visible maîtrise et la révolution qu’elle incarne pour le médium cinéma. On
aime à applaudir les prises de risques, on aime dire qu’un Dolan en 4/3 ou un
Nolan qui fait tourner un décor sont des « petits sorciers » en
criant à la prouesse technique. Pourtant, quand il s’agit de véritablement
repousser les limites, briser les normes, personne n’ose sauter le pas. Alors
on va s’excuser en disant que le film est bien même en 24fps, sans même
préciser que le film en souffre terriblement.
De manière objective, le film en l’état devrait valoir un
3,5/5. Pourtant, au vu de ce qu’il représente, c’est à dire un bon gros portage
de couilles des familles, et de son traitement honteux dans le circuit français,
il aura le droit à la note maximale. Parce que le film qu’il devrait être
semble être un véritable chef-d’œuvre et un « game changer » pour le
cinéma.
Et je m’en fous, personne le verra en 4K, 3D et 120fps, donc
personne ne peut me contredire.
Antoine T.
Note du rédacteur : 5/5 (Chef d'oeuvre) Note de l'équipe : 4,5/5 (2 notes)