Il fût un temps où Sono Sion écumait les festivals underground nippons, avec des péloches tournées en Super 8 sans contrainte d’aucune sorte. C’est dans les années 80 que le sieur a fait sa renommée au sein de cette sphère, à l’aide de quelques courts-métrages tournés sans budget et en 8mm. A Man’s Flower Road (Otoko no hanamichi) est en quelques sortes la synthèse de cette période. Premier long du bonhomme, âgé alors de 24 ans, il est un film totalement anarchique, tourné caméra au poing, en Super 8, sans scénario, sans technicien, juste lui et ses potes. Ou lui et sa famille. Le film a récemment été remasterisé en 2K, de là à dire qu’on a quand même pas mal d’argent à foutre par la fenêtre, il n’y a qu’un pas.
Analysé par certains grands penseurs comme un désire d’émancipation, de liberté, de refus de grandir, le film nous montre pêle-mêle des jeunes courir dans les rues de Tokyo en hurlant, un jeune chier le cul droit vers la caméra dans un parc de Tokyo en hurlant, des jeunes sauter dans des bassins urbains en hurlant, des plans interminables de Sono Sion qui mange chez lui et qui se fait engueuler par sa mère, des plans au noir de 10 minutes avec des conversations on ne peut plus banales, j’en passe et des meilleurs. Le tout quand on comprend ce qu’il se passe ! Parce que oui, c’est du 8mm (donc en 1:35), la piste sonore de ces pellicules est à chier, et c’est de la caméra au poing ! Quand on court avec ce matos et qu’on le gesticule dans tous les sens, ça n’aide pas à la bonne compréhension, croyez-moi !
Il n’y a pas de construction, pas d’intrigue, on n’est même pas dans l’expérimental. On est dans le film random. J’entends par-là qu’il s’agit d’une succession de scénettes sans lien les unes avec les autres, dans un ensemble foutraque qui ne doit même pas avoir de sens pour son réalisateur. On est dans le « je fais ce que je veux et j’vous emmerde », et c’est en cela une vraie réussite, parce que ça nous emmerde bel et bien. Une bonne partie des spectateurs n’aura pas tenu, et se sera barrée avant la fin des 110 minutes (oui, 110 minutes…). Je me souviens avoir essuyé un rire nerveux à la découverte des premiers plans, en me disant que je n’allais pas pouvoir tenir sur la longueur. Pourtant, je suis resté, et je peux vous affirmer que le film n’a d’intérêt que pour son créateur et ses proches, j’entends par là ceux qui ont participé à sa conception. On dirait un montage de ces vidéos que l’on peut trouver sur les téléphones de chacun, de la petite vie de Jean-Etienne et de Marie-Mathilde, dont on se fout éperdument et dont le contexte nous échappe, quand bien même on serait tenté d’y prêter une quelconque attention.
Le film nous a été vendu comme la découverte du vrai Sono Sion, de l’intrépide Sono Sion, de celui qu’il était avant de devenir une bête de festivals et qu’il ne s’assagisse. Jamais, Ô grand jamais, je n’aurais pensé que ma pire expérience en salle obscure serait un film de ce mec. Comme quoi, la vie est pleine de surprises. Personnellement, je resterai avec le « faux » Sono Sion. Ce bonhomme très sage qui nous a quand même claqué des Love Exposure, Suicide Club, Guilty of Romance, Why Don’t You Play in Hell?, Cold Fish et autre Antiporno. Impossible pour moi de me retrouver dans ce "témoignage d'une époque". Je laisse les aficionados de la branlette à leur activité favorite sans les envier outre-mesure.
Jérémie N.
Note du rédacteur : 0/6 (Autodafé)
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