Premier long-métrage de Sarah Daggar-Nickson, A Vigilante nous donne à suivre le parcours tourmenté de Sadie (Olivia Wilde), jeune femme jadis victime de violences conjugales, ayant décidé de prendre le taureau par les cornes et de venir en aide aux petites dames en détresse et aux enfants battus. Une chose que j’ai toujours dite : Il n’y a rien de plus efficace que des claques dans le museau pour régler un conflit. Sadie ne réfutant pas ces sages pensées, voilà qu’elle intimide d’abord et cogne ensuite. Ces messieurs et ces dames, battant leur femme ou leurs gosses, font en général un peu d’huile, puis s’éclipsent comme une truite fario relâchée dans le lac. Jusqu’à ce que…
Petite piqûre de rappel, le Vigilante (traduisez Justicier) est un genre qui base son principe sur la vengeance d’une victime envers ses agresseurs, et propose par essence des péloches particulièrement violentes. Vigilante, Mad Max, Death Sentence, J’ai rencontré le diable, Old Boy… Des films qui ne lésinent pas et s’avèrent aussi frontaux que torturés. En cela, A Vigilante prend la chose à revers, et s’éloigne du genre pour s’approcher plus foncièrement du drame. Si un film comme Blood Island, petite pépite sud-coréenne, baigne une bonne partie des ses bobines dans une approche purement dramatique, c’est pour que l’impact lors de la bascule dans le vigilante soit d’autant plus prégnant. Ici, Daggar-Nickson prend le parti de ne jamais révéler la violence. Tout est au mieux hors-champ, au pire ellipsé (j’assume le néologisme). Et ce plus volontairement encore que le film se nomme, je le rappelle, A Vigilante, un choix clairement réfléchi qui définit un genre qui ne transige pas avec la violence graphique.
Une décision qui devient regrettable, voire dédaigneuse, distillant une hypocrisie certaine dans une pudeur tellement prononcée qu’elle en devient singée. Et si l’on pourrait penser que le message prime sur l’image, le mécanisme en devient si systématique que les scènes sont déjà prédécoupées dans nos têtes : Se rendre chez la victime, menacer l’opposant, revenir vers la voiture, pleurer dans la voiture. Ce sont là les quelques séquences chaudes du film avant que le climax que l’on devine dès le premier quart d’heure ne se dévoile à nous. Il y avait justement quelque chose à faire pour que le film passe de séquences asthéniques et désespérées à des séquences enragées et brutales qui auraient tout à fait collées avec ce qui trotte dans la tête de notre protagoniste, sans tomber dans l’écueil du voyeurisme primaire, mais en restant cohérent avec l’ensemble. Mais cette drôle de volonté d’infantiliser le spectateur ou de dire « l’important est ailleurs » ne font qu’ajouter à la mollesse d’une mise-en-scène linéaire et assommante. La première fois que madame intervient dans un foyer pour chasser monsieur, l’ellipse fonctionne et amuse, la suggestion et l’imagination du spectateur font le travail, et la séquence reste efficace. Le problème, c’est que tout cela s’étire sur l’ensemble de la bande, et transforme une bonne idée en un tic de mise-en-scène.
Avec un concept pareil, il y avait franchement de quoi faire. Je me le dis régulièrement, et il y a des fois où cette pensée est plus marquée que d’autres. Avec une réa sans compromis, qui assume pleinement la férocité de son sujet, plutôt que de nous montrer son personnage s’exercer aux sports de combat et à la musculation avec pour seule et unique rime que d’aller chialer dans sa bagnole, peut-être aurait-il mieux valu tourner autre chose. Prendre un sujet sans jamais oser rentrer dedans et penser jouer à la maligne en le contournant sans arrêt, ce n’est pas franchement ce que j’appelle assumer. Ou alors c’est assumer de ne pas assumer. Dans ce cas, autant ne rien faire. D’aucuns diront que je m’attarde sur un détail, alors que je mets l’accent sur ce que raconte le film, et comment il procède pour le raconter. En synthétisant : comment il hésite à nous raconter quelque chose. Le film n’a cependant pas à pâlir de son aspect technique, la photo est très honnête, et le montage fait le taf malgré qu’il n’ait pas grand chose à déglutir. Dommage que le traitement du tout soit si chaste et délicat qu’il ne fasse tomber la chose dans la banalité sitôt vue, sitôt oubliée.
Jérémie N.
Note du rédacteur : 2/5 (Faible)
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