lundi 8 mai 2017

Tunnel, de Kim Seong-Hun

Alors là, impossible de ne pas évoquer en ce début de mois de mai la sortie de l’une des oeuvres les plus puissante qu’il m’ai été donné de voir depuis des plombes ! Après m’être coltiné navet sur navet au mois d’avril et n’avoir eu de véritable espoir dans le cinéma qu’en visionnant des classiques ou des films à budget minuscule avec une sortie quasiment confidentielle, vous n’imaginez pas le bonheur que l’on puisse avoir en découvrant cet incroyable Tunnel, petite perle tout droit sortie de la Corée du Sud. 

Deuxième film du réalisateur coréen Kim Seong-Hun après le polar Hard Day, Tunnel pose une histoire d’une simplicité enfantine: un père de famille rentre en voiture chez lui, dans l’espoir de fêter l’anniversaire de sa fille. Mais sur le chemin du retour, le tunnel qu’il est en train de traverser s’écroule sur lui, le laissant piégé sous les débris. Réussissant à contacter l’extérieur, tous les moyens sont mis en oeuvres pour essayer de le sortir de là… Oeuvre ouvertement politique, Tunnel est une oeuvre dans la lignée des films auxquels la Corée du Sud nous avait habitué. Véritable mélange des genre, allant du film catastrophe à la comédie en passant par le drame, permettant par le biais du cinéma de genre de dresser un état des lieux sur la situation coréenne actuelle. Il s’agit là d’une oeuvre complètement pamphlétaire, d’une charge contre un état faisant son travail par dessus la jambe puis se gratifiant d’être des héros en allant sauver les dommages qu’ils ont eux même causés. Il faut voir ses longues séquences d’impuissance des membres de l’état face à la situation, bloquant d’autant plus les personnes qui ont les capacités d’agir au moment ou ceux-ci le souhaitent. Il faut voir les scènes comiques (que ne renierait surement pas le Bong Joon-Ho de Memories of Murder ou encore de Mother), ou ces membres politiques jugent plus important de prendre la pose aux côtés de la femme de la victime lorsque ceux-ci arrivent sur le terrain face aux journalistes, que de se dépêcher d’aller voir ou en est le sauvetage en cours.

Mais la qualité première de Tunnel n’est pas tant cette charge politique mise en avant au début du récit que d’avoir réussi avant tout à peindre le portrait de personnages d’une richesse absolu et totalement inattendue. Il s’agit là avant toute chose d’une oeuvre profondément humaine, faisant la part belle à ses personnages, interprétés tous sans exception par des acteurs complètement habités par leurs rôles. Il faut voir l’évolution du personnage principal (joué par Ha Jung-Woo, personnage principal de l’excellent The Murderer), ou une petite phrase anodine parvient à mettre en avant tout un pan de sa personnalité, ou un geste témoigne d’une évolution de sa part. Tantôt lâche, tantôt dévoué, celui-ci s’avère être à lui tout seul un personnage fascinant, pourtant présenté et mis en place avec une apparente simplicité vraiment déconcertante. Il faut voir le personnage de la femme de cet homme (interprété par Bae Doona, vu dans Sympathy for Mr Vengeance et The Host, mais également dans Cloud Atlas et Jupiter: Le Destin de l’Univers des soeurs Wachowski), personnage magnifique d’une femme aimante sur laquelle la malchance à frappé, désespéré et dépassé par les évènements, mais souhaitant quand même aider, de la manière la plus simple qui soit. Il faut voir ce personnage d’interlocuteur avec le personnage principal, d’une humanité par instant bouleversante, voyant les choses lui échapper petit à petit sans pouvoir y faire quoi que ce soit. Et surtout, il faut voir la maestria avec laquelle est écrit le scénario, réussissant à imposer une sorte de présence constante avec le personnage de la fille du personnage principal, pourtant jamais présente à l’écran, mais dont les quelques références parviennent à créer des enjeux et une symbolique d’une puissance que l’on ne voit que trop rarement. 
En plus de cela, il faut bien sur féliciter la réalisation de Kim Seong-Hun, d’une justesse et d’une élégance folle. Jamais ostentatoire, ne cédant jamais aux effets faciles que pourrait amener son scénario, cette réalisation est d’autant plus impressionnante que celle-ci s’adapte parfaitement au mélange des genre précédemment évoqué, dont les ruptures de tons incessantes s’avèrent être d’une fluidité exemplaire et accentuent d’autant plus le propos du film. Et il faut surtout reconnaitre à Kim Seong-Hun d’avoir eu la capacité de s’effacer derrière sa caméra, permettant ainsi au film de développer cette incroyable puissance émotionnelle durant une grande partie du récit.

Il est donc dommage et même déstabilisant de voir que la dernière demi-heure du film sombre dans les défauts que le film avait été capable d’éviter avec intelligence. Comme par peur de ne pas être suffisamment compris par son public, Kim Seong-Hun charge un peu trop la mule et fini par balancer au visage du spectateur le propos du film, hélas, sans aucune finesse. Ainsi, la conclusion s’avère être vraiment déceptive pour le public, même si en soit, la réalisation s’avère être tout aussi brillante que ce à quoi le film nous avait habitué.

Mais en soit, vous l’aurez malgré tout compris: il s’agit là d’une petite baffe dans la gueule. Même si il est impossible de crier au chef-d’oeuvre à cause de cette dernière partie rendant le film assez inégal, Tunnel reste une oeuvre qu’il faut vraiment courir découvrir sur grand écran. Non seulement pour soutenir les sorties de films alternatifs en France et ne pas les voir uniquement sortir en DVD et Blu Ray dans l’indifférence générale, mais surtout parce que vous allez découvrir une histoire d’une puissance rare, qui suscite en nous une émotion comme peu de films récent peuvent se targuer d’être capable de procurer.


Claude S.

Note du rédacteur: 4/5 (Très bon)

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