mardi 16 mai 2017

Message From The King, de Fabrice Du Welz

Il va être particulièrement complexe pour moi d’aborder la dernière oeuvre du cinéaste Fabrice Du Welz, Message From The King, de manière mesurée. Non seulement parce que j’ai toujours eu un faible pour les polars urbains, dont les thématiques liée intrinsèquement à ce genre me touche avec une viscéralité que je ne retrouve presque jamais ailleurs, mais surtout parce que je suis un admirateur sans nom de son metteur en scène. En effet, Fabrice Du Welz est une sortie d’ovni dans le cinéma actuel, le genre de mélange parfait entre le cinéma de genre et le cinéma d’auteur à tendance Art et Essais, et dont Calvaire et Alleluia se sont imposés à mes yeux comme des chef-d’oeuvres absolus. Des oeuvres esthétiquement somptueuses, ou la symbolique présente ne plaçait jamais de mise à distance entre le spectateur et l’oeuvre, et ou le récit était constitué d’un mélange des genres à la fluidité exemplaire. Premier film de commande aux États-Unis pour son auteur, ou se situe donc Message From The King dans la filmographie de Du Welz ?

Ce film, c’est l’histoire de Jacob King. Originaire de Cape Town, celui-ci débarque à Los Angeles avec 600$ en poche pour partir à la recherche de sa soeur, dont il n’a plus eu de nouvelles depuis un bon moment. Mais rapidement, Jacob découvre que sa soeur a été assassiné, et il décide de partir à la recherche de ceux qui lui ont ôté la vie pour comprendre leurs agissements, et bien évidemment la venger. L’histoire, classique, n’est pas le véritable intérêt de ce film. Certes, l’intrigue est très bien écrite, et il serait de mauvaise foi de ne pas féliciter les scénaristes, Oliver Butcher et Stephen Cornwell, qui ont été capable de construire un récit fascinant dont il est impossible d’imaginer les aboutissants. Il faudrait d’autant plus saluer leur audace d’avoir construit une intrigue qui prend réellement son temps, de ne pas avoir cédé à de l’explication incessante et d’avoir joué la carte des révélations distillées au fur et à mesure du récit. Mais la véritable puissance scénaristique du film est l’écriture des personnages, appartenant certes tous à des stéréotypes du genre, mais ayant chacun une dimension psychologique réellement développée. Exploitant au maximum le fait d’avoir un personnage étranger à cet univers, on est constamment en identification totale à ce personnage et la manière de nous faire suivre ce personnage de détective malgré lui dans la première partie est une réussite totale. Les seconds rôles ne déméritent pas non plus, et bénéficient également d’une caractérisation réellement travaillée, rendant ce polar plus existentialiste qu’autre chose. 

Mais le point le plus marquant de cette oeuvre, et qui fait que j’y voue une très grande admiration, c’est bien évidemment ce que j’avais évoqué dans mon introduction: Fabrice Du Welz. En filmant Message From The King au 35mm, fréquemment caméra au poing, celui-ci retrouve son gout très prononcé pour le rendu de la pellicule, et il faut vraiment admettre qu’en l’état, on n’avait pas vu un travail sur l’image aussi beau depuis Alleluia. Mais surtout, en filmant l’Amérique en 35mm, celui-ci retrouve un style visuel proche du cinéma des 70’s, des polars noirs qui ont marqué cette époque, et inscrit pour la première fois dans sa filmographie une oeuvre véritablement référentielle. 
Mais ce n’est pas pour autant que celui-ci dénature son style, loin de là. On retrouve également son goût pour des plans assez longs, permettant aux personnages d’exister vraiment dans le récit. La première séquence du film, l’interrogatoire de Jacob à la douane américaine est notamment marqué par un plan assez long sur le visage de son protagoniste, dont un très léger zoom à peine visible permet d’amener la proximité qu’il y aura entre ce personnage et le spectateur. Et c’est bien là le point le plus bluffant de la mise en scène de Message From The King: grâce à des choix de cadres d’une très grande intelligence, Fabrice Du Welz réussit le véritable exploit de nous faire nous identifier à un personnage mystérieux dont on ne sait presque rien hormis ce qui le motive à venir aux États-Unis. Filmant génialement son personnage (dont l’interprétation par Chadwick Boseman est un sans faute également), on a ainsi constamment l’impression de connaitre cet homme et nous fait complètement oublier pendant le récit que l’on ne sait finalement rien de lui, rien de son passé. 

On pourra bien sûr reprocher par moment au film d’étirer un peu trop son récit. On pourra reprocher l’écriture de certains dialogues s’avérant être un peu trop clair par moment au point de paraitre légèrement forcés. Et on pourra lui reprocher les quelques plans aériens de la ville, probablement des stockshots nullement tournés par l’équipe du film, dont le traitement visuel clairement numérique lisse beaucoup trop l’image par rapport au reste du film. Mais il serait malhonnête que de s’attarder sur des légers défaut ne gênant nullement le visionnage du film.

Il ne s’agit certes pas là du meilleur film de Fabrice Du Welz, mais on peut bel et bien dire qu’il a pris une bonne revanche. Si l’on se remémore les mésaventures qu’il avait connu sur son Colt 45, on pourrait même avoir le sentiment que Message From The King est tel qu’il est grâce à cet autre film, comme si Du Welz avait fini par mettre en image ce qu’il n’avait pas pu faire précédemment. Et en l’état, il s’agit très clairement du meilleur polar que l’on ai pu voir cette année. Autant dire qu’il faut vraiment foncer voir ce bijou au cinoche: la France est le seul pays dans lequel celui-ci bénéficie d’une sortie salle, Netflix ayant racheté les droits pour l’exploitation à l’étranger. Raison de plus pour courir dans les salles obscures.


Claude S.
Note du rédacteur: 4,5/5 (Excellent)

lundi 8 mai 2017

Tunnel, de Kim Seong-Hun

Alors là, impossible de ne pas évoquer en ce début de mois de mai la sortie de l’une des oeuvres les plus puissante qu’il m’ai été donné de voir depuis des plombes ! Après m’être coltiné navet sur navet au mois d’avril et n’avoir eu de véritable espoir dans le cinéma qu’en visionnant des classiques ou des films à budget minuscule avec une sortie quasiment confidentielle, vous n’imaginez pas le bonheur que l’on puisse avoir en découvrant cet incroyable Tunnel, petite perle tout droit sortie de la Corée du Sud. 

Deuxième film du réalisateur coréen Kim Seong-Hun après le polar Hard Day, Tunnel pose une histoire d’une simplicité enfantine: un père de famille rentre en voiture chez lui, dans l’espoir de fêter l’anniversaire de sa fille. Mais sur le chemin du retour, le tunnel qu’il est en train de traverser s’écroule sur lui, le laissant piégé sous les débris. Réussissant à contacter l’extérieur, tous les moyens sont mis en oeuvres pour essayer de le sortir de là… Oeuvre ouvertement politique, Tunnel est une oeuvre dans la lignée des films auxquels la Corée du Sud nous avait habitué. Véritable mélange des genre, allant du film catastrophe à la comédie en passant par le drame, permettant par le biais du cinéma de genre de dresser un état des lieux sur la situation coréenne actuelle. Il s’agit là d’une oeuvre complètement pamphlétaire, d’une charge contre un état faisant son travail par dessus la jambe puis se gratifiant d’être des héros en allant sauver les dommages qu’ils ont eux même causés. Il faut voir ses longues séquences d’impuissance des membres de l’état face à la situation, bloquant d’autant plus les personnes qui ont les capacités d’agir au moment ou ceux-ci le souhaitent. Il faut voir les scènes comiques (que ne renierait surement pas le Bong Joon-Ho de Memories of Murder ou encore de Mother), ou ces membres politiques jugent plus important de prendre la pose aux côtés de la femme de la victime lorsque ceux-ci arrivent sur le terrain face aux journalistes, que de se dépêcher d’aller voir ou en est le sauvetage en cours.

Mais la qualité première de Tunnel n’est pas tant cette charge politique mise en avant au début du récit que d’avoir réussi avant tout à peindre le portrait de personnages d’une richesse absolu et totalement inattendue. Il s’agit là avant toute chose d’une oeuvre profondément humaine, faisant la part belle à ses personnages, interprétés tous sans exception par des acteurs complètement habités par leurs rôles. Il faut voir l’évolution du personnage principal (joué par Ha Jung-Woo, personnage principal de l’excellent The Murderer), ou une petite phrase anodine parvient à mettre en avant tout un pan de sa personnalité, ou un geste témoigne d’une évolution de sa part. Tantôt lâche, tantôt dévoué, celui-ci s’avère être à lui tout seul un personnage fascinant, pourtant présenté et mis en place avec une apparente simplicité vraiment déconcertante. Il faut voir le personnage de la femme de cet homme (interprété par Bae Doona, vu dans Sympathy for Mr Vengeance et The Host, mais également dans Cloud Atlas et Jupiter: Le Destin de l’Univers des soeurs Wachowski), personnage magnifique d’une femme aimante sur laquelle la malchance à frappé, désespéré et dépassé par les évènements, mais souhaitant quand même aider, de la manière la plus simple qui soit. Il faut voir ce personnage d’interlocuteur avec le personnage principal, d’une humanité par instant bouleversante, voyant les choses lui échapper petit à petit sans pouvoir y faire quoi que ce soit. Et surtout, il faut voir la maestria avec laquelle est écrit le scénario, réussissant à imposer une sorte de présence constante avec le personnage de la fille du personnage principal, pourtant jamais présente à l’écran, mais dont les quelques références parviennent à créer des enjeux et une symbolique d’une puissance que l’on ne voit que trop rarement. 
En plus de cela, il faut bien sur féliciter la réalisation de Kim Seong-Hun, d’une justesse et d’une élégance folle. Jamais ostentatoire, ne cédant jamais aux effets faciles que pourrait amener son scénario, cette réalisation est d’autant plus impressionnante que celle-ci s’adapte parfaitement au mélange des genre précédemment évoqué, dont les ruptures de tons incessantes s’avèrent être d’une fluidité exemplaire et accentuent d’autant plus le propos du film. Et il faut surtout reconnaitre à Kim Seong-Hun d’avoir eu la capacité de s’effacer derrière sa caméra, permettant ainsi au film de développer cette incroyable puissance émotionnelle durant une grande partie du récit.

Il est donc dommage et même déstabilisant de voir que la dernière demi-heure du film sombre dans les défauts que le film avait été capable d’éviter avec intelligence. Comme par peur de ne pas être suffisamment compris par son public, Kim Seong-Hun charge un peu trop la mule et fini par balancer au visage du spectateur le propos du film, hélas, sans aucune finesse. Ainsi, la conclusion s’avère être vraiment déceptive pour le public, même si en soit, la réalisation s’avère être tout aussi brillante que ce à quoi le film nous avait habitué.

Mais en soit, vous l’aurez malgré tout compris: il s’agit là d’une petite baffe dans la gueule. Même si il est impossible de crier au chef-d’oeuvre à cause de cette dernière partie rendant le film assez inégal, Tunnel reste une oeuvre qu’il faut vraiment courir découvrir sur grand écran. Non seulement pour soutenir les sorties de films alternatifs en France et ne pas les voir uniquement sortir en DVD et Blu Ray dans l’indifférence générale, mais surtout parce que vous allez découvrir une histoire d’une puissance rare, qui suscite en nous une émotion comme peu de films récent peuvent se targuer d’être capable de procurer.


Claude S.

Note du rédacteur: 4/5 (Très bon)

L'invasion des profanateurs, de Philip Kaufman

En 1956 sortait sur les écrans américains L’invasion des profanateurs de sépultures, film de science-fiction réalisé par Don Siegel et adaptation d’un roman écrit par Jack Finney en 1955. Racontant l’invasion dans une petite ville américaine d’extraterrestres s’appropriant les corps de la population locale pour les transformer en êtres dénués de toute forme d’émotion, le film s’est rapidement avéré être une oeuvre culte pour les cinéphiles, d’autant plus auréolé d’une aura d’oeuvre témoignant de la peur du communisme aux États-Unis. En effet, la nature même de la menace résidant majoritairement dans l’idée de l’uniformisation de la pensée évoquait à la critique américaine le fait que cette menace s’apparentait à celle avec laquelle leur pays menait la guerre froide. Idée réfutée par Don Siegel lui-même, expliquant que la menace du film était une symbolique des studios de productions hollywoodiens, ne vivotant que grâce à leurs succès sans la moindre prise de risque, sans jamais remettre en cause le fonctionnement de leurs entreprises, déclarant à ce propos qu’« ils n’étaient pas autre chose que des légumes vivants ! ». Le roman connu trois nouvelles adaptations: l’une en 1978, réalisée par Philip Kaufman, une autre en 1993, sobrement intitulée Body Snatchers et réalisée par Abel Ferrara, et la dernière à ce jour, Invasion, réalisée par Oliver Hirschbiegel. Celle qui nous intéressera vraiment aujourd’hui est la version de 1978, L’invasion des profanateurs, avec Donald Sutherland et Brooke Adams dans les rôles titres, qui sort enfin en Blu-Ray chez nous après des années d’attente.

Petite perle du cinéma d’horreur, L’invasion des profanateurs est sans conteste l’un des meilleurs film de body snatcher jamais réalisé. Oubliez la parabole du communisme ou des studios américains, celui-ci est avant tout une pure oeuvre viscérale, héritière du cinéma des années 1970. Utilisant brillamment le style visuel que Alan J. Pakula avait pu imposer avec ses thrillers politiques paranoïaque comme Klute ou À cause d’un assassinat pour l’inscrire dans un film de terreur pure, le film de Kaufman est probablement l’une des oeuvres de science-fiction ayant le plus marqué la pop culture. La mise en scène de Kaufman alterne en effet des longs plans contemplatifs laissant naitre le malaise de par ses choix de cadres cachant volontairement des pans entiers des décors lui permettant de suggérer que l’horreur est proche, et des séquences incroyable en caméra portée ou l’instabilité des cadres témoignent la fois de l’insécurité de plus en plus présente dans la ville et de la paranoïa des personnages s’installant progressivement chez les protagonistes. Ces partis pris de réalisation eurent en soit une assez grande importance dans l’histoire du cinéma, plus encore que l’on veuille véritablement l’admettre, puisque ceux-ci marquèrent le cinéma fantastique au point d’être encore utilisé de nos jours. 

En plus de cela, il faut bien reconnaitre à Philip Kaufman un grand talent pour amener un malaise en crescendo. De la première à la dernière image du film, la tension est omniprésente. L’ouverture du film, un générique nous présentant la menace et son chemin jusqu’à notre planète est une petite leçon, et la première heure du film jouant majoritairement sur l’imagination du spectateur est une réussite incontestable, car Kaufman utilise constamment le concept même de ce qu’implique un film de body snatcher: toute personne qui est sortie du cadre est potentiellement un ennemi lorsque celui-ci ré-apparait. Et lorsque le récit est complètement lancé, laissant place à une course poursuite d’une viscéralité surprenante, il faut reconnaitre à Kaufman une maitrise des effets chocs. Il faut voir ce moment ou un chien à tête d’humain apparait à l’écran, où la stupéfaction due à l’absurdité de la situation laisse rapidement place à une véritable peur de ce qui nous est présenté à l’écran. Et il faut voir la maestria avec laquelle celui-ci nous terrifie juste avec le cri des extraterrestres (permettant de signaler entre eux ou se situent les êtres humains), idée complètement absente du film d’origine, mais qui sera par ailleurs ré-utilisé dans la version d’Abel Ferrara.

Bref: vous l’aurez compris, L’invasion des profanateurs est un indispensable pour tout amateur de cinéma qui se respecte. Pour ceux qui l’avaient déjà, vous pouvez désormais revendre votre vieille édition DVD absolument lamentable éditée par MGM qui avait le mérite de ne pas inclure de sous-titre français, forçant ainsi les non-anglophones à se taper le film en VF. Et pour ceux qui n’auraient pas encore eux la chance de découvrir ce classique de la terreur, vous pouvez foncer en magasin l’acheter les yeux fermés. Jamais vous ne regretterez les 20€ déboursés pour cette édition rendant vraiment hommage à ce magnifique film, dont on ne mesure jamais suffisamment son importance.


Claude S.

Note du rédacteur: 4,5/5 (Excellent)

samedi 29 avril 2017

Life: Origine Inconnue, de Daniel Espinosa

En ce mois d’avril particulièrement morne pour le cinéma de genre, il n’est pas vraiment étonnant de voir débarquer sur nos écrans des films semblant sortir de nulle part, n’ayant pas bénéficié d’une promo plus appuyée que ça. C’est plus ou moins dans ces conditions que sort Life: Origine Inconnue. Car hormis quelques trailers sur le net, il faut bien reconnaitre que le dernier film de Daniel Espinosa n’a pas eu droit à une promo particulièrement excessive, et ce malgré ses trois têtes d’affiches: Jake Gyllenhaal, Rebecca Ferguson et l’inénarrable Ryan Reynolds qui a décidément le vent en poupe depuis le succès de Deadpool. Et malgré les problèmes évidents du métrage, il est vraiment dommage de voir que celui ci ne bénéficie pas d’un véritable intérêt de la part de la presse spécialisée, et même une légère indifférence de la part du public…

Life: Origine Inconnue, c’est l’histoire d’une expédition spatiale qui tourne mal. Life…, c’est l’histoire d’astronautes récupérant à bord de leur vaisseau une nouvelle forme de vie. Décidé à découvrir comment fonctionne cet organisme extraterrestre, la bande de scientifique se retrouve prise au piège de cette créature, inoffensive au premier abord, et qui va grandir en se nourrissant d’êtres vivants, décimant l’équipage un à un. Le pitch du film vous évoque Alien: Le Huitième Passager ? Bingo: il s’agit bel et bien d’un hommage direct au mythique film de Ridley Scott. Et c’est bien là le véritable problème du film: Life… est un film référencé. Très référencé, presque trop, au point de nous refaire certaines scènes directement tirées de ses films de références. Il faut voir la manière dont Espinosa fait l’exposition des personnages pour comprendre qu’il s’agira sûrement d’un patchwork de ce que l’on a déjà vu dans des films qui sont devenus cultes depuis. Car en ouverture, Espinosa ré-utilise la manière dont Scott filmait ses décors du Nostromo, vidé de toute forme d’humanité et nous préparant ainsi à l’horreur qu’allait subir les personnages en donnant par avance un sentiment de malaise grandissant, avec l’impression que quelque chose est déjà caché dans ces couloirs, jusqu’à nous amener découvrir les personnages sans véritable distinction entre eux: le personnage principal était le vaisseau lui-même, et laissait petit à petit la place au personnage de Ripley. Ici, la même intention est mise en image, mais en même temps, Espinosa s’inspire grandement d’un autre grand succès du film de survie dans l’espace, cette fois-ci plus récent: Gravity, de Alfonso Cuaron. Ainsi, en plus d’utiliser une ouverture similaire à Alien, la mise en scène utilise ouvertement les effets de réalisation que Cuaron avait imposé avec son chef-d’oeuvre: caméra flottante dans l’apesanteur de l’espace (au même titre que les personnages du film), et présentation des personnages dans l’action en temps réel, accentué par l’utilisation d’un plan séquence. Le seul véritable problème dans ce mélange de deux séquences d’ouvertures, est tout simplement le fait qu’Espinosa n’arrive pas à vraiment nous présenter ces personnages, et rate la tension qui était censée se dégager de la scène par la même occasion. Autant dire que les 20 première minutes du métrage laisse présager le pire, l’ennui s’installant assez rapidement.

Mais fort heureusement pour nous, une fois cette laborieuse mise en place terminée, le film trouve enfin un rythme correct, et on se plait finalement à suivre cette aventure horrifique. Probablement parce que Daniel Espinosa, à défaut d’être un metteur en scène à l’inventivité folle, demeure un technicien particulièrement doué, et celui-ci est capable de mettre en image avec beaucoup de talent l’apesanteur de l’espace. Et lorsqu’il arrête de complètement reprendre des scènes déjà existante, il arrive à nous faire éprouver une réelle empathie pour ses personnages (à la personnalité pourtant réduite au minimum), et les confrontations avec l’alien s’avèrent être particulièrement intense. Cette  partie de chasse dans l’espace étant quasiment en temps réel, il faut bien admettre qu’Espinosa réussi a maintenir une tension quasi constante, en exploitant intelligemment ses décors et en plaçant ses personnages dans des situations embarrassantes réellement bien amenées. Et cela fait d’autant plus plaisir de voir des personnages qui ne s’avèrent pas être des imbéciles profonds comme on a de plus en plus l’habitude. Et il faut bien reconnaitre qu’en plus de cela, le film s’avère être d’un pessimisme assez surprenant pour un film actuel réunissant des telles stars à l’écran.

Pas original pour deux sous, mais réalisé avec un soin indéniable, le film a le mérite d’offrir certaines séquences réellement intense émotionnellement, bénéficiant d’une production design travaillée, d’une lumière par moment assez belle, d’une interprétation sans faille, et surtout d’une réalisation des plus soignées. Et même si ce film n’arrive bien évidemment jamais à la cheville de ses modèles et s’oublie presque aussi rapidement qu’on l’a vu, ça fait plaisir de voir un vrai petit film d’horreur de série B de la sorte au cinéma.


Claude S.


Note du rédacteur: 3/5 (Honnête)

mercredi 19 avril 2017

Fast and Furious 8, de F. Gary Gray

Cette semaine, après avoir fait les éloges d’une ressortie salle de l’un des plus grand films jamais réalisé, je m’attèle à la sortie d’un autre film, mais cette fois-ci beaucoup moins prestigieux, et ce malgré l’incroyable succès des précédents opus qui composent cette saga. En même temps, que pouvait-on vraiment attendre de Fast and Furious 8, premier opus réalisé par F. Gary Gray, réalisateur de Friday et Straight Outta Compton, entre autre ? Car il faut bien admettre que même si ce genre de film a toujours tendance à titiller la curiosité du cinéphile déviant que l’on peut être par moment, on fini assez fréquemment avec une belle grosse daube.

Il est assez amusant de voir l’évolution qu’a subit la saga initiée par Rob Cohen en 2001. Fast and Furious premier du nom, c’était avant toute chose un grand moment de racolage hilarant, visant à se mettre dans la poche un public californien au quotient intellectuel inférieur à leur température anale en leur balançant à la gueule une intrigue ouvertement inspirée de Point Break. Sauf qu’à la place du style de Kathryn Bigelow, on se retrouvait avec des acteurs en quasi roue libre, une réalisation impersonnelle au possible mais à la caméra presque tout le temps en mouvement, un montage clipesque façon MTV, et surtout des effets spéciaux absolument dégueulasses, qui pourront évoquer les jeux édités par la première Playstation. Mais avant même cela, Fast and Furious, c’est la mise en avant d’un état d’esprit bas du front à base de culte du corps et du pognon, d’une rébellion à peine digne d’un collégien en pleine crise d’adolescence, et surtout d’une misogynie absolument ridicule, même si probablement inconsciente dans la tête de ses instigateurs. 
Après des opus de qualité (très) variable, un véritablement changement s’est opéré dans la franchise, le délire « tuning » laissant sa place à des films évoquant presque un mélange entre James Bond et Expendables. En effet, à partir du cinquième opus de la saga, celle-ci s’est avérée clairement moins misogyne, allant même jusqu’à se moquer de cet aspect, pourtant si présent dans les premiers films. Et il faut finalement reconnaitre une très grande qualité à la saga: à partir de ce cinquième opus, la saga s’est clairement améliorée en qualité, au point de nous offrir il y a deux ans un 7ème opus qui s’est imposé comme étant de loin le meilleur. Réalisé par James Wan, réalisateur de Saw, Insidious et Conjuring, le film s’avérait être doté d’une mise en scène constamment inventive et joussive, toujours généreuse avec son spectateur, acceptant la profonde connerie inhérente à la saga et en la traitant avec ironie, mais en même temps un profond respect, ne laissant jamais transparaitre un quelconque cynisme. 

Et maintenant, qu’en est-il de cet opus ? Et bien on peut dire que l’on retombe très bas. Pas au plus bas de la saga, faut quand même pas déconner (parce que pour réussir à faire encore plus mauvais que 2 Fast 2 Furious, mis en scène par John Singleton, faut le vouloir), mais on peut pas dire que l’on est au niveau du 7, ni même du 5. F. Gary Gray n’est clairement pas James Wan, et n’a ni son inventivité visuelle ni sa maitrise technique. Du coup, Gray mets en scène son film en repompant les effets de Wan sans jamais réussir à vraiment retrouver l’intensité insufflée dans le 7. Il suffit de voir la séquence d’ouverture mettant en scène Vin Diesel faisant une course de voiture pour sauver son cousin: Gray ré-utilise complètement tous les effets de mise en scène qu’utilisait Wan, au point de même lui voler son découpage. Autant dire que ce n’est pas vraiment très agréable à regarder. En plus de cela, celui-ci doit faire avec un script bourré de trou d’intrigue, mais surtout avec des blagues niveau maternelle. Le plus rageant dans l’histoire, c’est que non seulement, ce nombre de blague est tellement élevé qu’il s’agit presque là d’une comédie, mais surtout que celles-ci permettent d’assagir les personnages, et les détournent de leur véritable rôle dans la saga: des rôles de gros durs. Que cela soit la présentation de Dwayne Johnson entrainant l’équipe de sa fille à reproduire le Haka des All Blacks ou la scène de Jason Statham qui se bat en protégeant un bébé, sans parler de Tyrese Gibson qui n’a jamais à ce point servis de sidekick comique dans la saga, toutes les blagues tombent complètement à l’eau et ne font qu’affaiblir l’image héroïque que l’on pouvait avoir de ses personnages. 

Et pour le reste ? Et bien ce qui devait arriver arrive avec cet opus: la saga se perd complètement. Le changement qu’a subit la saga lui a permis de perdurer, lui a également permis d’offrir des bons films par moment, mais uniquement lorsqu’un vrai réalisateur était aux commandes. Que cela soit Justin Lin sur le cinq ou James Wan sur le sept, les cinéastes savaient comment rendre la chose agréable à regarder, mais surtout avaient une vision d’ensemble de leurs films, étaient conscient de ce qu’ils racontaient et de la place que leur film occupait dans la saga. On en vient d’autant plus à se rendre compte à quel point Fast and Furious 7 était en ce sens complètement définitif et offrait en soit l’ultime conclusion à la saga. Ici, on tente de relancer une histoire qui n’en a jamais été vraiment une en essayant de surpasser les opus précédents par l’accumulation d’humour et des idées de plus en plus spectaculaire. Cela aurait peut-être pu marcher si James Wan était revenu à la réalisation. Mais en l’état, cela ne fonctionne jamais…


Claude S.


Note du rédacteur: 1,5/5 (Mauvais)

jeudi 13 avril 2017

Videodrome, de David Cronenberg

En 1983 sortait aux États-Unis et au Canada le dernier film de David Cronenberg : Videodrome. Auréolé par le succès de Scanners, sorti en 1981, les studios commencent à s’intéresser de plus près à ce jeune metteur en scène, pourtant déjà responsable de plusieurs très bons films comme les excellents Rage et Chromosome 3, mais qui n’avait jusqu’à ce jour jamais connu de véritable succès commercial. C’est ainsi que les studios Universal acceptent de produire cette véritable bombe, œuvre absolument unique au sujet aussi philosophique que prophétique. Mais hélas, la sortie du film s’est soldée par un échec au box-office (raison pour laquelle le film mis plus d’un an à arriver en France à l’époque). 
Depuis le 11 avril dernier, vous pouvez découvrir ou redécouvrir Videodrome sur grand écran. Revu à la hausse avec le temps, celui-ci est devenu véritablement culte auprès des cinéphiles et est considéré à juste titre comme l’un des plus grands films de son auteur (et j’oserais même dire qu’il s’agit là de son ultime chef-d’œuvre). Cette sortie salle est donc la parfaite occasion pour remettre au goût du jour un film beaucoup trop méconnu du grand public. Une œuvre dont la puissance thématique s’avère être pourtant plus que jamais d’actualité.

Videodrome raconte l’histoire de Max Renn (interprété par James Woods), dirigeant d’une chaine de télévision particulièrement racoleuse : Chaîne 83. Spécialisée dans les sensations extrêmes, cette chaine a pour but de diffuser des œuvres que les autres chaines n’osent pas diffuser, allant de la pornographie soft à la violence la plus brutale. En utilisant un capteur pirate, Max fini par tomber sur un programme des plus étranges : Videodrome. Pas d’histoire, uniquement des images d’une femme se faisant torturer pendant plus d’une heure. Se disant qu’il s’agit là du programme TV parfait pour sa chaîne, celui-ci décide de se mettre à la recherche des créateurs de Videodrome. Mais en plus d’apprendre rapidement qu’il s’agissait là d’un véritable snuff movie et non pas d’un programme de fiction, Max commence à avoir des hallucinations de plus en plus fortes, l’empêchant de faire la différence entre son imaginaire et la réalité, au point que son corps devient à sa manière une sorte de magnétoscope humain… 
Je m’en voudrais d’en dire plus sur l’intrigue du film, tant celle-ci est alambiquée et regorge de retournements de situations. Il faut juste savoir qu’il s’agit là d’une réflexion sur le pouvoir des images, sur la manière dont nous sommes abreuvés de tous les côtés par celles-ci et dont elles finissent par influer sur notre comportement, que cela soit conscient ou non. Et sur ce sujet, il faut dire que Cronenberg ne fait pas les choses dans la dentelle : hallucinations de plus en plus violentes, télévisions, magnétoscopes et VHS prenant des formes organiques, les locaux de la soupe populaire plaçant les SDF chacun devant un écran de télévision avant de leur offrir un repas… L’un des personnages les plus fascinants du film, le bien nommé « professeur O’Blivion » en est au point de n’apparaitre qu’au travers d’un écran de télévision. « L’écran de télévision est devenu la rétine de l'esprit » dit-il à travers ses vidéos le mettant en scène. 
En ce sens, il faut vraiment ne pas prendre le film uniquement comme un discours sur la télévision. La télévision étant bien évidemment un véritable puits à images incessantes, il est évident que Cronenberg allait prendre cet exemple pour mettre en image son histoire. Mais il s’agit en vérité de n’importe quelle image, et peu importe d’où celle-ci provient. Une image marque notre esprit, et qu’on le veuille ou non, le fait de l’avoir eu devant les yeux a des chances de nous influencer, consciemment ou non. Œuvre au nombreux niveaux de lecture, l’intrigue de Videodrome est à elle seule un véritable puits à réflexion. Les questions que se pose le spectateur au fur et à mesure de l’avancée du récit s’avèrent être de plus en plus complexes, l’intrigue de plus en plus difficile à cerner, au point de forcer le spectateur à ne pas lâcher prise tout en le forçant à accepter que ce qu’il voit n’est pas forcément une réalité. Chaque question restera en suspend, Cronenberg choisissant de laisser le spectateur avec ses doutes car ce n’est que de là que proviendront toutes les pistes de réflexions que le spectateur aura en tête en quittant le film.

Cronenberg au scénario, c’est évidemment du grand art. Mais il ne faut pas oublier qu’il est avant tout réalisateur. Et ici, soyons francs : il s’agit d’une énorme claque dans la gueule ! Pur film de série B, Cronenberg pense sa mise en scène avec un brio comme lui seul est capable de le faire. Avec une économie de moyen qui s’avère être une véritable leçon pour chaque réalisateur, celui-ci propose une mise en scène à la sobriété exemplaire n’ayant jamais recourt à des effets facile mettant en avant son savoir faire pourtant énorme, où chaque mouvement de caméra a un sens tout en étant constamment symbolique. La réalisation de David Cronenberg sur Videodrome est le plus beau mariage qui existe entre des choix purement intellectuels, et des choix permettant au récit d’être d’une viscéralité constante. Il faut voir cette ouverture du récit (dont la première image est bien évidemment un écran de télévision), avec ce lent travelling arrière nous amenant aux côtés de cet anti-héros tandis que son assistante nous le présente à travers un écran. Il faut voir ces séquences d’hallucinations avec le personnage de Max voyant son matériel devenir organique, où la fixité des cadres nous rend tout aussi prisonnier de ses hallucinations que le personnage. Et il faut voir l’incroyable ambiance surréaliste qui se dégage des séquences dans le Videodrome, probablement les séquences les plus malsaines qu’ait filmé Cronenberg de sa carrière, mais également les plus fascinantes.
Et bien sûr, que serait la réalisation de David Cronenberg sans la musique de Howard Shore ? Compositeur attitré de Cronenberg depuis Chromosome 3, il s’agit là de la plus belle collaboration entre les deux hommes. La partition de Shore est à l’image de la réalisation du film : à la fois sobre et complexe, aux sonorités électroniques quasi religieuses, celle-ci envoute complètement, et ajoute la dernière pierre qui aurait pu manquer à l’édifice.

A noter que la copie 2K que l’on peut découvrir en salle est d’une beauté sans nom et rend totalement justice à cette pépite du 7ème Art. Vous savez ce qu’il vous reste à faire : à l’heure où le cinéma a une tendance à s’autoparodier avec des films ne croyant plus en l’intelligence du spectateur, un film comme Videodrome s’impose comme une œuvre d’utilité publique ! Vous savez ce qu’il vous reste à faire; vous foncez dans les salles obscures, et vous vous prenez ce putain de film comme il se doit : en pleine gueule.


Claude S.

Note du rédacteur: 5/5 (chef-d’oeuvre)

mardi 11 avril 2017

Power Rangers, de Dean Israelite

Et bim, dans ma gueule ! Après m’être énervé dans ma dernière critique par rapport à la qualité cinématographique des films qui étaient sortis en salles au mois de mars, nous voici arrivés lors de la première semaine des sorties du mois d’avril. Et là, je me retrouve dans la salle de Power Rangers. Vous pensez que j’ai une vie de merde ? Probablement. J’ai la tristesse de vous annoncer que j’ai eu le malheur d’assister le jour même de la sortie du film à l’un des spectacles les plus navrants que j’ai vu ces dernières années. Inutile de préciser qu’il s’agit là du plus mauvais film qui est critiqué sur le site.

Blockbuster insipide au racolage digne des plus gros navets de Renny Harlin, Power Rangers est une honte absolue. Tentative à peine camouflée de « transformeriser » cette licence pour enfants histoire de relancer une franchise qui commençait à tomber aux oubliettes, le « film » (ça me fait mal de qualifier ça de film de cinéma) est un monument de racolage insupportable. Il utilise exactement la même recette scénaristique que ce qui a été fait sur la saga Transformers. Personnages caricaturaux et humour bas du front sont ainsi bien évidemment de la partie. Mais à la limite, je peux l’accepter : je dois bien admettre que certaines blagues des Transformers sont profondément connes, mais me font marrer. Sauf que pour amuser le spectateur, il faut être capable de créer un rythme, et aussi de l'attacher aux personnages, chose qui n’est jamais présente dans le film, pour la simple raison qu’en plus de n’avoir absolument jamais réussi à maintenir un rythme constant pendant le récit, Dean Israelite (réalisateur de cette chose) n’arrive jamais à trouver le ton juste pour amener ses blagues. Une blague pourrie est donc faite exactement sur le même ton qu’une scène censée être émouvante ou tout simplement dramatique. C’est dire si c’est rigolo… Mais le pire, c’est que l’on sent que ces blagues sont censées amener l’attachement que le spectateur devrait ressentir pour les personnages. Le problème, comme je le disais plus haut, c’est que pour vraiment rire à des vannes provenant d’un groupe de potes, et bien il faut avoir le sentiment d’y appartenir, à ce groupe. Vous voyez le problème : la chose a été pensée à l’envers. Mais à la limite, passons. Ce n’est pas le point le plus problématique. 

Ce qui s’avère être beaucoup plus emmerdant, c’est la structure scénaristique de l’ensemble. En effet, le récit est bourré de trous d’intrigue, et la manière d’amener les péripéties s’avère être finalement extrêmement floue. Ne serait-ce que la présentation du leader de la bande : celui qui s’avèrera être le Power Rangers rouge se fait arrêter par la police, parce qu’il a décidé de ramener une vache dans un vestiaire (vache qui s’avère être un taureau histoire de faire une blague d’une finesse incroyable à propos de son fameux « pis », je vous laisse comprendre la chute…). Le truc, c’est que l’on a absolument aucune idée de pourquoi ce couillon décide de faire ça. Ainsi, on le trouve complètement con. Idem de la présentation de la méchante. Celle-ci sort de nulle part, et on ne sait même pas ce qu’elle souhaite réellement, hormis détruire le monde. C’est sympa, je veux bien que cela n’aille pas plus loin, mais il faudrait essayer de vraiment la présenter histoire de faire en sorte que l’on puisse vraiment s’intéresser à ce qu’elle souhaite accomplir. On comprend par petites touches ses réelles intentions, mais ce n’est tellement pas structuré correctement qu’il est impossible de vraiment y trouver un intérêt. 
La majorité du film se déroulant avec le groupe de Power Rangers, on imagine facilement que le véritable but de ce film est de nous présenter les protagonistes, puisque le but est très clairement de faire plusieurs films à partir de ce groupe et de relancer la franchise. Le problème, c’est que ce groupe est présenté à la truelle. Certaines idées ne sont pas mauvaises, comme l’idée de mettre un personnage principal atteint d’une forme d’autisme, mais le résultat est consternant de connerie : les scénaristes ont mis un personnage autiste uniquement pour s’en servir de sidekick comique pendant tout le film. En effet, ce personnage est uniquement là pour faire des blagues nazes, et jamais son handicap n’est vraiment mis en avant dans le récit… Idem pour un autre personnage qui s’avère être homosexuel : à quoi cela sert de mettre à ce point là en avant un aspect des personnages si c’est pour que cela n’influe jamais en rien sur la psychologie du groupe ? Probablement que cela avait été beaucoup plus développé dans le scénario d’origine, étant donné que tous les trous d’intrigues et tous ces aspects floues des personnages puent les scènes coupées au montage. Mais en l’état, il faut bien admettre que c’est impossible de se contenter de ça…

Et que dire sur la réalisation de Dean Israelite dont il s’agit seulement du deuxième long-métrage après Projet Almanach ? Bah au même titre que je parlais de son incapacité à amener correctement ses blagues, il faut malheureusement reconnaitre que son film ne se tient jamais. Ses choix de cadres et de découpages sont tous plus incohérents les uns que les autres (une scène de drague censée être presque sensuelle s’avère être filmée avec une caméra portée tremblante comme c’est pas permis, des discussions filmées de loin en focale moyenne comme si un autre personnage écoutait la discussion alors que les protagonistes sont seuls dans la scène…), et il est impossible de comprendre comment on peut sortir un film dans cet état là en salle : même les effets spéciaux s’avèrent être particulièrement hideux, et sont à peine dignes des jeux sortants aux balbutiements de la Playstation 3. Et c'est dire si le film est spectaculaire : lorsque nos héros découvrent leurs pouvoirs, ceux-ci se rendent compte qu'ils peuvent sauter particulièrement loin, et donc passer sans aucune difficulté un trou de 20 mètres de long et de combien en profondeur ? Impossible de le savoir : le trou n'est jamais visible à l'écran ! Ainsi, quand les personnage sautent, impossible d'avoir ne serait-ce qu'un petit frisson pour eux : on ne se rend jamais compte de ce qu'ils sont en train de faire. Depuis le désormais mythique World Invasion: Battle Los Angeles réalisé par ce tâcheron de Jonathan Liebesman et souvent cité à titre d’exemple lorsqu’il s’agit de parler d’un navet blindé de pognon, on n’avait pas vu une réalisation aussi dégueulasse et mal pensée dans un film de cette ampleur commerciale.

Franchement, vous l’aurez compris et je vous en conjure : n’allez surtout pas voir cette merde. Voir ce genre de film sur grand écran, en plus de procurer un ennui mortel digne des plus grandes soirées Scrabble chez papy et mamie, c’est au passage soutenir ce qui signe la mort du cinéma. Il ne s’agit que d’un produit faisandé dont le seul but est d’attirer des spectateurs sans aucune exigence. 

Si vous voulez voir un bon film cette semaine, allez voir Le serpent aux mille coupures, d’Éric Valette. Ca a 95% de budget en moins, mais c’est 100 fois plus spectaculaire et respectueux de son spectateur que la purge sur laquelle j’ai écrit…


Claude S.

Note du rédacteur: 0/5 (Autodafé)

vendredi 31 mars 2017

Podcast d'AlternaBis #3 - Mars 2017

Troisième podcast d'AlternaBis.

https://soundcloud.com/user-659657507/podcast-dalternabis-3-mars-2017

Participants :

Jérémie N.
Claude S.
Antoine T.
Bob-Astérix

Brimstone, de Martin Koolhoven

Difficile de parler d’un film comme Brimstone sans trop en dire, sans franchir le cap du spoiler gras et frustrant pour le lecteur qui s’apprête à aller jeter ses mirettes sur la chose. Difficile aussi pour moi qui rédige cette critique et qui, malgré les 2 semaines qui me séparent de la projection du film, ai encore du mal à me faire un avis précis et objectif sur ce qu’il m’a été donné de voir.



Brimstone, kezako ? C’est une sorte de film d’apprentissage se situant dans le middle west du XIXème siècle, nous proposant de suivre la destinée de Liz (Dakota Fanning), jeune mère de famille muette aidant à l’accouchement des femmes de son village. Alors que l’un d’entre eux tourne mal, elle se voit contrainte de choisir entre la vie de l’enfant et celle de la mère. Elle sacrifiera l’enfant. C’est alors qu’une entité malfaisante se lancera à sa poursuite.

Le film est une véritable tragédie grecque, le devenir des personnages est tracé sans que ça ne soit explicité, mais la pesanteur et la dureté du film se blottissent dans nos entrailles dès la première image, formant comme une pression mortifère prophétisant l’aboutissement de ce quadriptyque qui ne peut laisser entrevoir autre chose que le funeste et la géhenne. La déconstruction chronologique du récit, très cohérente, situera un premier acte qui servira d’exposition à l’intrigue, puis débouchera sur un deuxième acte se situant avant le premier, un troisième se situant avant le deuxième, et un quatrième développant la résolution et qui sera donc la juste continuité du premier. Le tout peut paraître un brin cacophonique de prime abord, mais se révèle d’une grande limpidité, chaque acte étant en réalité construit comme un sketch, avec pour chacun un développement en 3 actes tout ce qu’il y a de plus classique.

Cette déconstruction apporte son lot de mauvaises et de bonnes choses. Pour commencer par les mauvaises, disons que Koolhoven se voit obligé de signifier et d’expliquer les petits détails dramaturgiques, comme une simple cicatrice, donnant une fonction très mécanique à certaines séquences et à certains développements scénaristiques. À contrario, cette construction permet de donner une vraie épaisseur au personnage de Dakota Fanning, dont la personnalité que l’on entrevoit de par le premier acte se voit construite sous nos yeux, en temps réel, nous donnant une par une les clefs pour comprendre ce personnage. Si le film ne présente pas une violence graphique exacerbée, il n’en est pas moins extrêmement virulent dans son approche et dans son atmosphère, d’une extrême gravité, d’un sérieux morne et solennel qui pèse véritablement sur toute la durée. Cette sensation d’assister à ce qui donnera naissance à une oraison funèbre est appuyée par les envolées orchestrales qui clôtureront chacun des chapitres en prenant le spectateur par les tripes pour le trainer hors de son confort habituel. Les thématiques abordées sont particulièrement dures et leur approche frontale et implacable font de ce film une œuvre habitée par une mélancolie rarement vue au cinéma. Personnellement, je n’avais pas vu un tel traitement depuis Blood Island (2010), film d’une noirceur hallucinante baigné à la fois dans un réalisme grave et dans une poésie macabre. En résultait un film extrêmement dur et absolument déconcertant.

Mais, parce qu’il y a un mais, cette fresque est certainement trop longue, s’attardant parfois maladroitement sur des éléments qu’on avait pourtant bien cernés en quelques secondes, et passant à la hâte sur d’autres choses qu’on aurait voulues voir développées. Également, le jusqu’au-boutisme de certaines réflexions et le devenir de certains personnages tend parfois dangereusement vers le grand-guignol. Je pense ici à ce qu’il adviendra de la mère de Dakota Fanning, interprétée par Carice van Houten, qui nous sert une scène dont certains ressortiront effarés, mais où d’autres riront de cette capitularde qui pousse sa veulerie à l’extrême, voire à outrance. Rires grinçants évidemment, peut-être malvenus, mais qui soulignent un aspect « ça va trop loin » parfois présent dans le film. Le film a également tendance à étirer au maximum ses thématiques et ses intrigues sans véritable raison que de pérenniser une ambiance établie. Aussi, la déception de la fin restera un vrai point noir sur le tableau, qui expose un point de vue finalement assez passéiste et galvaudé de la femme qui règle ses problèmes sans violence.

Sur le fond, je sais que Brimstone est un film monstrueux. Hélas, sur la forme, ce petit côté La nuit du chasseur revisité et les moult petites choses que je viens de résumer dans la paragraphe précédent qui tiennent le spectateur à distance, le laissant se baigner dans cette atmosphère ahurissante de mal et de noir mais sans l’y laisser sombrer complètement, comme si une main le ramenait à la surface de temps à autres, le faisant sortir du récit, alors qu’il aurait aimé y être lâché totalement, sans en revenir jamais. Et c’est tout le paradoxe de ce film qui me laisse le cul entre deux putains de chaises, que vous devez néanmoins absolument voir (pas les chaises ni mon cul, mais le film), sans aucune contestation possible.





Jérémie N.

Note du rédacteur : 3/5 (Honnête)

Ghost in the Shell, de Rupert Sanders


En ce mois de mars, difficile pour moi de dire que l’on a été franchement gâté au cinéma. Entre des oeuvres sans intérêt telles que Kong: Skull Island et des purges éhontées comme Warrior’s Gate, je dois bien reconnaitre mon très gros énervement par rapport à la production cinématographique de ce mois-ci, notamment lorsque l’on compare à ce qui nous avait été offert en début d’année. Et malheureusement, ce n’est certainement pas Ghost In The Shell, adaptation américaine de l’animé culte de Mamoru Oshii qui va venir changer mon ressenti…

En 1995, Mamoru Oshii avait frappé très fort avec son incroyable film d’animation. En adaptant sur grand écran un manga de Masamune Shirow (également auteur d’Appleseed), Oshii imposait un nouveau standard dans le cinéma d’animation japonais. D’une maturité jusque là jamais atteinte dans ce genre de film, ou les réflexions philosophiques et métaphysiques amenées par l’univers cyberpunk dans lequel se situe le film ainsi que par la nature même des personnages principaux (des cyborgs se découvrant une humanité) côtoyaient une violence surprenante, le tout baignant dans une ambiance quasi contemplative. Une poésie hallucinante se dégageait ainsi du film de Oshii, et il est encore difficile de lui trouver un véritable équivalent dans les productions qui virent le jour par la suite (Satoshi Kon étant clairement l’auteur d’animé japonais qui se rapprochait le plus du cinéma de Oshii, notamment avec Paprika). C’est dire si l’idée même d’une adaptation par les studios hollywoodiens avait de quoi effrayer, d’autant plus lorsque l’on connait la tendance qu’ils ont à vampiriser des oeuvres à la personnalité marquée pour les faire rentrer dans le moule de leurs autres productions.

Et pourtant, je dois bien reconnaitre que je voulais y croire à ce film. Les premières annonces autours du casting avaient de quoi intriguer (Scarlett Johansson comme seule américaine du casting, la présence de Takeshi Kitano…), les premières images promettant un respect de l’univers de l’oeuvre d’origine autant qu’un vrai travail sur la production design, les bandes-annonces envoutantes… Tout me donnait l’espoir que pour une fois, il serait possible que l’on ai une adaptation américaine à gros budget qui ne soit pas aseptisée. Hélas, dès le début, deux point viennent mettre un sérieux doute à ces notes d’espoir. Le premier point vient du carton d’ouverture: en effet, Ghost In The Shell s’ouvrait sur un carton nous expliquant l’importance de la présence de l’informatique dans le monde que l’on allait nous présenter par la suite et donc de comprendre la place de ce pays par rapport aux autres. Ici, ce même carton d’ouverture occulte complètement cela pour nous expliquer le fait que dans le futur, des groupes de policiers existent, et certains membres sont composés à la fois d’organes humains et d’un squelette robotique, décuplant ainsi leur force et leur intelligence. Donc au lieu d’une explication sur la géopolitique du monde, on nous met en avant le fait que l’on va voir Robocop (pas le Verhoeven, hein, le remake). Et il est d’autant plus navrant de se rendre compte que ce carton est d’autant plus inutile que chaque dialogue auquel on assiste pendant la première demi-heure est une illustration du fait que certains sont des cyborgs, et d’autres non. Le deuxième point est le fait que ce qui suit ce carton est la mise en image de la création du cyborg Motoko Kusanagi (Scarlett Johansson), ce qui amène directement à penser que le film, au lieu de s’intéresser à l’univers présent, s’efforcera à mettre en place une Origins Story. 
Et là, bingo: on se tape une explication de comment Batou a obtenu ses yeux, on se tape les recherches sur les parents de Motoko jusqu’aux visites à sa mère, et surtout, on est obligé de subir des plombes de dialogues explicatifs sur comment le monde est devenu tel qu’il est et comment les personnages sont devenus ce qu’ils sont. Et c’est bien là que le bas blesse…

Car là ou réside tout le problème de ce Ghost In The Shell, c’est qu’il est obligé de répondre à une logique de studio, de coller aux modes actuelles des explications interminables, de refuser toute sorte de mystère forçant le spectateur à s’impliquer pour combler les trous et donc de nourrir de son imaginaire celui du film. Ici, tout lui est expliqué au point de faire de son intrigue un prétexte pour expliquer ce que l’on acceptait dans l'original, et ce sans sourciller: pourquoi et comment les yeux de Batou on été modifiés ? Vous le saurez grâce à ce film. Sauf qu’il y a un hic: est-ce qu’il est nécessaire pour le spectateur de le savoir ? Certainement pas. On savait qu’il s’agissait d’un cyborg, donc que des modifications physiques ont pu être effectuées et cela suffisait amplement, l’intérêt du film ne se jouant évidemment pas là… Et à partir de ce moment là, en faisant constamment mine de focaliser l’intérêt là ou il n’y en a pas, les scénaristes de la chose ont complètement flingué l’intelligence de l’oeuvre d’origine pour en faire un produit de studio comme on en voit des tonnes par an. Bref: il s’agit de ces films qui se persuadent que donner plein d’information créer de la complexité dans le récit, là ou la complexité de l’oeuvre d’origine venait de son apparente simplicité scénaristique.
Idem de la manière dont nous est présenté l’antagoniste, incarné par Michael Pitt. En refusant de garder l’idée d’une intelligence artificielle, une très grande partie du propos s’envole, au profit d’une vision simplifiée des questionnement sur le principe d’humanité qui collait à celle-ci.

Il est impossible de complètement jeter la pierre à Rupert Sanders, réalisateur de Blanche-Neige et le Chasseur et s’imposant comme un technicien plutôt doué. De vrais beaux plans sont présents pendant le film, et il y a même une scène dans une boite de nuit a sauver entièrement, tant celle-ci réussi a créer une tension grâce à des choix de cadres et un découpage au petit oignons. Mais avec un scénario aussi simpliste, aussi aseptisé et disons le: aussi con, il lui était très compliqué de vraiment réussir son film. Le rythme du film en pâti considérablement, et il est impossible de ne pas s’ennuyer fermement, d’autant plus que malgré le fait que Sanders soit capable de maitriser son film techniquement, il est plus compliqué de lui trouver une vraie personnalité.

Verdict: il est triste de voir une oeuvre aussi fondamentale que Ghost In The Shell se faire dénaturer à son tour par les studios. Avec un scénario aussi stupide et traitre que celui de Terminator Genisys et une mise en scène beaucoup trop anonyme pour que l’on puisse y trouver un intérêt, on a qu’une seule envie: revoir en boucle le premier film de Oshii ainsi que sa suite, Innocence. On va dire que c’est le seul vrai bon point que réussi ce film: nous faire revoir quelque chose de bien une fois rentré chez nous. Mais au bout d’un moment, on commence à être habitué à cette sensation, et cela commence à vraiment être gonflant.

Claude S

Note du rédacteur: 1,5/5 (Mauvais)

mercredi 29 mars 2017

The Warriors Gate, de Matthias Hoene

Pour la deuxième semaine consécutive, je me retrouve dans l’incapacité de parler d’une oeuvre que j’ai vraiment envie d’évoquer. Car hélas, je n’ai pas pu aller voir la transposition live de La Belle et la Bête de Disney par Bill Condon, et ayant déjà évoqué Brimstone, l’incroyable western horrifique du brillantissime réalisateur hollandais Martin Koolhoven, il m’a fallu me rabattre sur une sortie plus confidentielle. C’est pour cette unique raison que je me suis retrouvé dans la salle de cette bouse faite film qu’est The Warriors Gate (Warrior's Gate dans la langue de Shakespeare, donc preuve ultime que les traducteurs de titres se foutent ouvertement de notre gueule), nanar estampillé Europacorp, tentant vainement de faire kiffer les marmots en leur proposant un récit qui est censé être de leur âge, tout en jouant avec la fibre nostalgique des adultes ayant grandis dans les années 1990.

Racontant comment un ado fan de jeu vidéo se retrouve forcé de protéger une princesse chinoise dans un univers parallèle après avoir été confondu avec son avatar dans le jeu, The Warriors Gate est un pur foutage de gueule. Après une première séquence nous introduisant dans l’univers du jeu de manière plutôt habile, il faut bien finir par se rendre à l’évidence: on est face à une production Europacorp dans ce qu’elle a de plus racoleuse, de plus lourdingue, de plus beauf, et tout simplement de plus con. Dès la deuxième scène du film, on peut se rendre compte que l’on est face à une production sans ambition artistique. La présentation de Jack, adolescent servant de personnage principal au film, et de sa mère est en soit assez symptomatique d’ou vient l’un des problèmes majeur du film. Il s’agit d’un simple dialogue filmé dans un champs-contrechamps des plus classique, permettant aux acteurs de dire explicitement, sans finesse, là ou en sont les personnages dans leurs vies au moment ou le film commence. On apprend donc que la mère est divorcée, qu’elle a des problèmes d’argent et va devoir vendre leur maison, et que Jack est un lycéen très gentil qui est victime de maltraitance par une bande d’autres lycéens. Pire, dès la troisième scène du film, on se rend compte que l’on est face à une fiction qui ne saura plus vraiment quoi raconter, et sombrera dans le racolage le plus total. Le problème de la deuxième scène, c’est que celle-ci, en donnant directement toutes les informations au spectateur, empêche les séquences suivantes de raconter son histoire. Cette fameuse troisième scène, c’est tout simplement l’illustration de ce que l’on a appris dans la seconde: Jack se fait maltraiter par d’autre lycéens. Donc qu’est-ce que l’on peut bien faire pour maintenir l’intérêt du spectateur alors que ce qu’on a à lui montrer est tout simplement l’illustration de ce qui lui a été expliqué dans la séquence précédente ? Papy Besson à la solution qu’il applique depuis des années: mettre des cascades pour tenter de faire avaler la pilule au spectateur. « Ils n’y verront que du feu » a-t-il du se dire lors de l’écriture avec son comparse Robert Mark Kamen (avec qui il avait déjà écrit ces chefs-d’oeuvre de connerie que sont Le Cinquième Élément, Le Baiser Mortel du Dragon, ou encore les trilogies du Transporteur et Taken). Et c’est donc parti pour une poursuite en vélo de 5 minutes, blindé de cascades aussi surréalistes que foncièrement inutiles pour l’intrigue, si on considère qu’il y en a vraiment une, bien entendu.

Ce schéma narratif particulièrement contre-productif est bien évidemment celui appliqué sur l’entièreté du métrage, et il est d’autant plus surprenant de voir que Besson et Kamen décident de retarder le plus possible le lancement de leur histoire, à savoir l’arrivée de Jack dans un monde qu’il ne connait pas. On doit donc se taper d’abord une sortie au centre commercial entre Jack et la princesse, avec des scènes de drague digne des pires téléfilms M6 passant un dimanche après midi pluvieux, ou celle-ci va finalement découvrir le Hip-Hop et les glaces (ce qui permet d’amener l’un des génériques de fin les plus hallucinants qu’il m’ai été donné de voir). Probablement trop couteux à la production de raconter la majorité du film dans ce monde parallèle, il est dommage de voir que toute cette partie, censée justifier le fait que ce couillon de Jack décide d’aller de lui même dans cet univers, tombe finalement complètement à l’eau tant celle-ci est forcée. Il est d’autant plus dommage de voir que la suite n’a pas beaucoup plus d’intérêt: l’histoire classique du personnage projeté dans un univers qu’il ne connait pas pourrait permettre de raconter beaucoup plus que cette simple variante sur le thème du fermier devenant chevalier pour sauver sa princesse. Ici, on se limite du minimum, en développant à peine la relation entre Jack et son acolyte et foutant des blagues à la place d’un vrai travail de psychologie des personnages. C’est donc avec consternation que l’on assiste à la découverte des lunettes de soleil et du breakdance par un chevalier chinois. Idem de la caractérisation du méchant: au lieu de tenter de lui donner une profondeur psychologique en jouant de ses contradictions (celui-ci kidnappe la princesse pour la forcer à l’aimer), on se limite au simple fait que: il est méchant. Donc on lui place un homme de main rigolo parce qu’il pense qu’il doit tuer dès que le méchant parle à quelqu’un. Parce qu’il est méchant, vous avez saisi ?
Et ce n’est clairement pas Matthias Hoene, réalisateur de la chose, qui pourra rattraper quoi que ce soit. Celui-ci a clairement été embauché comme un simple technicien, et il ne faut pas essayer d’y chercher une quelconque tentative artistique dans la démarche de réalisation du métrage. La réalisation ressemble donc à n’importe quelle production Europacorp, sans véritable personnalité. 

Bref: The Warriors Gate, c’est pas bon, et cela mérite complètement sa sortie confidentielle. Il s’agit d’un produit complètement formaté dans le moule des autres productions Europacorp, et il est difficile d’être surpris de voir un produit de cet acabit, tant la boite de Luc Besson nous a habitué à nous sortir fréquemment des oeuvre de piètre qualité. Il est juste triste de se dire qu’il y a deux semaines sortait Miss Sloane, autre production Europacorp qui elle, à défaut d’être une totale réussite, avait au moins le mérite de nous offrir une oeuvre d’une ambition clairement plus élevée que celle qu’il m’ai été donné de voir cette semaine…




Claude S.


Note du rédacteur: 1/5 (Navet)

lundi 27 mars 2017

The Lost City of Z, de James Gray

Percy Fawcett, colonel anglais ne parvenant à s'extirper de la (mauvaise) réputation paternelle, est chargé par la Société royale de géographie de cartographier la frontière Bolivienne au beau milieu de l'Amazonie. Découvrant ce qu'il pense être les traces d'une civilisation ancienne, il commencera alors la quête d'une vie à la recherche d'une cité perdue dont on ignore l'existence...

Annonçons le tout de suite:  The Lost City of Z n’est pas un film d’aventure. Il n’y a pas de scènes épiques, il n’y a pas de preuves de la violence de la jungle, on y tremble pas pour le personnage principal. TLoZ est un drame, comme tous les films de James Gray. S’il sera particulièrement difficile pour les cinéphiles d’enlever de leur esprit les incroyables films d’Herzog (Aguirre, Fitzcarraldo), Coppola (Apocalypse Now) ou encore de l’exceptionnel Friedkin et de son Sorcerer, il sera difficile de nier que Gray parvient à y insuffler son style et à s’en différencier.

L’un des auteur américains les plus précieux de ces dernières années, James Gray, quitte donc l’univers urbain et New-Yorkais de Little Odessa, The Yards, La Nuit nous appartient, Two Lovers et The Immigrant pour l’Angleterre bourgeoise, l’Amazonie et même les champs de batailles français du début du XXème siècle.
C’est peu dire que Gray sera sorti de son confort pour ce film: outre les lieux et l’époques, c’est aussi la première fois que Gray s’attaque à des faits réels, tirés de la biographie de l’explorateur Percy Fawcett, et à un récit se déroulant sur plusieurs décennies. Le tout sur fond de tournage dans des conditions extrêmement difficiles. Et c’est là que le film pourra vous dérouter: si les récits du tournage sont épiques, le film lui évite totalement l’aventure. Tout du moins l’aventure « classique » de ce type de récit. Ici, pas d’affrontement avec des singes criant et se balançant de liane en liane. Pas de bateau dérivant par la force de la rivière. Pas de tribus mangeuse d’hommes et de tortues. Les rares scènes d’actions sont présentes dans la bande-annonce. Et ne sont pas plus longues dans le film. Non, ici, Gray nous offre un voyage dans la psyché de son personnage et de son désir de s’affirmer comme individu, pour sortir d’une société cherchant constamment à l’enfermer dans une case, par ses faits d’armes (héros de guerre) ou par les actions du père (un voyou ayant amené la disgrâce sur son nom.). Cette histoire d’un homme tentant de s’arracher à sa « famille », pour être reconnu par ses contemporains, cherchant à quitter le monde ordinaire pour quelque chose de plus « grand » et pouvoir s’affirmer comme un être à part entière, cette histoire est au centre de chaque film de l’auteur. Et probablement la volonté même de James Gray en tant que cinéaste: parvenir à quitter ses influences pour trouver son propre nirvana. Ce n’est pas pour rien que ce film semblerait être celui d’un auteur , jouant avec les codes de ses « maîtres » mieux les (s’en) détourner, et atteindre dans sa dernière scène une poésie visuelle très osée pour le metteur-en-scène, et embrasser ses influences pour imposer son propre style.

Le récit aborde des thématiques passionnantes, en parvenant à éviter un manichéisme mal venu. Par exemple, les sauvages ne sont ni bons, ni mauvais. Certaines tribus sont pacifistes, appliquant des techniques d’agricultures même inconnus par le monde « civilisé », d’autres n’hésiteront pas à croquer de l’homme blanc, mais non pas par sauvagerie, simplement par croyance. On y aborde aussi la question du progressisme: dans cette société anglaise hostile à tout changement pouvant indiquer que la nation de la reine n’est pas l’évolution ultime de l’homme, Fawcett défend la théorie que les « sauvages » sont l’égal de l’homme dit civilisé. Pourtant, Fawcett n’hésite pas à dire clairement à sa femme que son sexe l’empêche de faire partie de l’aventure avec lui et que sa place est à la maison avec les enfants.  De même, l’obsession de Fawcett part d’un sentiment égoïste pour devenir quelque chose de beaucoup plus transcendentale, loin de la figure de l’aventurier cherchant la fortune et devenant fou à cause de « l’or perdu de la tribu des culottes en feuille de palmier » qu’on peut retrouver dans ce type de récits.

Bien évidemment, porter une écriture aussi dense et subtil n’est pas chose aisée, et s’en retrouve ici facilité par un casting talentueux: la beaucoup trop sous-exploitée Sienna Miller, à la sensibilité rare et touchante, Charlie Hunnam nous livrant une partition authentique et attachante d’une personnage pourtant complexe et égocentrique, Robert Pattinson, qu’on aura du mal à reconnaître, dans la retenue la plus totale et qui prouve que malgré tout, Twilight nous aura offert des acteurs qui comptent entre 2 loup-garous torse-poil. Et il en fallait des acteurs de cette stature pour donner vie à une histoire aussi dense, quête impossible d’une cité dont on ne saura jamais si elle était réel, à part pour Percy Fawcett. Cette quête épique s’achevant sur un troisième acte déchirant, dans une scène père-fils face à une tribu absolument hallucinante de beauté et de profondeur.

Servi par une photographie au style particulier (comme si on avait stabiloté la pellicule pendant toute une partie du film) mais au combien cohérente avec la mise-en-scène, Gray se sert de la forme du film classique (il cite notamment « Le Guépard » de Visconti comme référence principale) pour mieux le dynamiter de l’intérieur, se permettant des effets de découpage mettant en avant une profondeur supplémentaire à la psyché de son personnage. Par exemple ses statues, censée prouver l’existence de la cité de Z, qui par un jeu de découpage simple (Personnage seul, champ-contrechamp avec la statue, action empêchant le héros d’avancer et devant reculer), donne au film un ton fantastique sans jamais l’appuyer.
Gray joue avec la durée et le temps du récit pour nous faire entrer en osmose totale avec son personnage, et son « obsession » pour sa recherche d’une vérité supérieure dans la jungle amazonienne qui pourrait lui permettre d’échapper à une civilisation occidentale cherchant à réduire et écraser les individus la composant.
On pourra cependant lui reprocher un récit tardant à se mettre en place, et une structure inattendue qui pourra en étonner, voir en décourager, plus d’un.

The Lost City of Z est une aventure intime. Si vous vous attendez à y trouver de l’action palpitante, vous risquez de tomber de haut. Comme si vous pensiez trouver du Brad Pitt de Troie dans l’Iliade d’Homère. James Gray nous offre une sublime parabole sur un homme cherchant à trouver la vérité, le sens ultime de sa vie, parvenant à atteindre la transcendance, celle que tout un chacun voudrait atteindre sans nécessairement s’en rendre compte. Film mémorable, se métamorphosant et se découvrant à chaque fois que vous y réfléchirez, il signe là son film le plus personnel, et une des plus belles réflexions sur notre monde actuel et ses travers, voir sur l’humanité, conférant au film un aspect intemporel et universel. Et dire que l’on est excité par l’idée de voir l’auteur se confronté au genre de la science-fiction dans son prochain film serait un euphémisme.

4,5/5 (Excellent)

Antoine T