samedi 29 avril 2017

Life: Origine Inconnue, de Daniel Espinosa

En ce mois d’avril particulièrement morne pour le cinéma de genre, il n’est pas vraiment étonnant de voir débarquer sur nos écrans des films semblant sortir de nulle part, n’ayant pas bénéficié d’une promo plus appuyée que ça. C’est plus ou moins dans ces conditions que sort Life: Origine Inconnue. Car hormis quelques trailers sur le net, il faut bien reconnaitre que le dernier film de Daniel Espinosa n’a pas eu droit à une promo particulièrement excessive, et ce malgré ses trois têtes d’affiches: Jake Gyllenhaal, Rebecca Ferguson et l’inénarrable Ryan Reynolds qui a décidément le vent en poupe depuis le succès de Deadpool. Et malgré les problèmes évidents du métrage, il est vraiment dommage de voir que celui ci ne bénéficie pas d’un véritable intérêt de la part de la presse spécialisée, et même une légère indifférence de la part du public…

Life: Origine Inconnue, c’est l’histoire d’une expédition spatiale qui tourne mal. Life…, c’est l’histoire d’astronautes récupérant à bord de leur vaisseau une nouvelle forme de vie. Décidé à découvrir comment fonctionne cet organisme extraterrestre, la bande de scientifique se retrouve prise au piège de cette créature, inoffensive au premier abord, et qui va grandir en se nourrissant d’êtres vivants, décimant l’équipage un à un. Le pitch du film vous évoque Alien: Le Huitième Passager ? Bingo: il s’agit bel et bien d’un hommage direct au mythique film de Ridley Scott. Et c’est bien là le véritable problème du film: Life… est un film référencé. Très référencé, presque trop, au point de nous refaire certaines scènes directement tirées de ses films de références. Il faut voir la manière dont Espinosa fait l’exposition des personnages pour comprendre qu’il s’agira sûrement d’un patchwork de ce que l’on a déjà vu dans des films qui sont devenus cultes depuis. Car en ouverture, Espinosa ré-utilise la manière dont Scott filmait ses décors du Nostromo, vidé de toute forme d’humanité et nous préparant ainsi à l’horreur qu’allait subir les personnages en donnant par avance un sentiment de malaise grandissant, avec l’impression que quelque chose est déjà caché dans ces couloirs, jusqu’à nous amener découvrir les personnages sans véritable distinction entre eux: le personnage principal était le vaisseau lui-même, et laissait petit à petit la place au personnage de Ripley. Ici, la même intention est mise en image, mais en même temps, Espinosa s’inspire grandement d’un autre grand succès du film de survie dans l’espace, cette fois-ci plus récent: Gravity, de Alfonso Cuaron. Ainsi, en plus d’utiliser une ouverture similaire à Alien, la mise en scène utilise ouvertement les effets de réalisation que Cuaron avait imposé avec son chef-d’oeuvre: caméra flottante dans l’apesanteur de l’espace (au même titre que les personnages du film), et présentation des personnages dans l’action en temps réel, accentué par l’utilisation d’un plan séquence. Le seul véritable problème dans ce mélange de deux séquences d’ouvertures, est tout simplement le fait qu’Espinosa n’arrive pas à vraiment nous présenter ces personnages, et rate la tension qui était censée se dégager de la scène par la même occasion. Autant dire que les 20 première minutes du métrage laisse présager le pire, l’ennui s’installant assez rapidement.

Mais fort heureusement pour nous, une fois cette laborieuse mise en place terminée, le film trouve enfin un rythme correct, et on se plait finalement à suivre cette aventure horrifique. Probablement parce que Daniel Espinosa, à défaut d’être un metteur en scène à l’inventivité folle, demeure un technicien particulièrement doué, et celui-ci est capable de mettre en image avec beaucoup de talent l’apesanteur de l’espace. Et lorsqu’il arrête de complètement reprendre des scènes déjà existante, il arrive à nous faire éprouver une réelle empathie pour ses personnages (à la personnalité pourtant réduite au minimum), et les confrontations avec l’alien s’avèrent être particulièrement intense. Cette  partie de chasse dans l’espace étant quasiment en temps réel, il faut bien admettre qu’Espinosa réussi a maintenir une tension quasi constante, en exploitant intelligemment ses décors et en plaçant ses personnages dans des situations embarrassantes réellement bien amenées. Et cela fait d’autant plus plaisir de voir des personnages qui ne s’avèrent pas être des imbéciles profonds comme on a de plus en plus l’habitude. Et il faut bien reconnaitre qu’en plus de cela, le film s’avère être d’un pessimisme assez surprenant pour un film actuel réunissant des telles stars à l’écran.

Pas original pour deux sous, mais réalisé avec un soin indéniable, le film a le mérite d’offrir certaines séquences réellement intense émotionnellement, bénéficiant d’une production design travaillée, d’une lumière par moment assez belle, d’une interprétation sans faille, et surtout d’une réalisation des plus soignées. Et même si ce film n’arrive bien évidemment jamais à la cheville de ses modèles et s’oublie presque aussi rapidement qu’on l’a vu, ça fait plaisir de voir un vrai petit film d’horreur de série B de la sorte au cinéma.


Claude S.


Note du rédacteur: 3/5 (Honnête)

mercredi 19 avril 2017

Fast and Furious 8, de F. Gary Gray

Cette semaine, après avoir fait les éloges d’une ressortie salle de l’un des plus grand films jamais réalisé, je m’attèle à la sortie d’un autre film, mais cette fois-ci beaucoup moins prestigieux, et ce malgré l’incroyable succès des précédents opus qui composent cette saga. En même temps, que pouvait-on vraiment attendre de Fast and Furious 8, premier opus réalisé par F. Gary Gray, réalisateur de Friday et Straight Outta Compton, entre autre ? Car il faut bien admettre que même si ce genre de film a toujours tendance à titiller la curiosité du cinéphile déviant que l’on peut être par moment, on fini assez fréquemment avec une belle grosse daube.

Il est assez amusant de voir l’évolution qu’a subit la saga initiée par Rob Cohen en 2001. Fast and Furious premier du nom, c’était avant toute chose un grand moment de racolage hilarant, visant à se mettre dans la poche un public californien au quotient intellectuel inférieur à leur température anale en leur balançant à la gueule une intrigue ouvertement inspirée de Point Break. Sauf qu’à la place du style de Kathryn Bigelow, on se retrouvait avec des acteurs en quasi roue libre, une réalisation impersonnelle au possible mais à la caméra presque tout le temps en mouvement, un montage clipesque façon MTV, et surtout des effets spéciaux absolument dégueulasses, qui pourront évoquer les jeux édités par la première Playstation. Mais avant même cela, Fast and Furious, c’est la mise en avant d’un état d’esprit bas du front à base de culte du corps et du pognon, d’une rébellion à peine digne d’un collégien en pleine crise d’adolescence, et surtout d’une misogynie absolument ridicule, même si probablement inconsciente dans la tête de ses instigateurs. 
Après des opus de qualité (très) variable, un véritablement changement s’est opéré dans la franchise, le délire « tuning » laissant sa place à des films évoquant presque un mélange entre James Bond et Expendables. En effet, à partir du cinquième opus de la saga, celle-ci s’est avérée clairement moins misogyne, allant même jusqu’à se moquer de cet aspect, pourtant si présent dans les premiers films. Et il faut finalement reconnaitre une très grande qualité à la saga: à partir de ce cinquième opus, la saga s’est clairement améliorée en qualité, au point de nous offrir il y a deux ans un 7ème opus qui s’est imposé comme étant de loin le meilleur. Réalisé par James Wan, réalisateur de Saw, Insidious et Conjuring, le film s’avérait être doté d’une mise en scène constamment inventive et joussive, toujours généreuse avec son spectateur, acceptant la profonde connerie inhérente à la saga et en la traitant avec ironie, mais en même temps un profond respect, ne laissant jamais transparaitre un quelconque cynisme. 

Et maintenant, qu’en est-il de cet opus ? Et bien on peut dire que l’on retombe très bas. Pas au plus bas de la saga, faut quand même pas déconner (parce que pour réussir à faire encore plus mauvais que 2 Fast 2 Furious, mis en scène par John Singleton, faut le vouloir), mais on peut pas dire que l’on est au niveau du 7, ni même du 5. F. Gary Gray n’est clairement pas James Wan, et n’a ni son inventivité visuelle ni sa maitrise technique. Du coup, Gray mets en scène son film en repompant les effets de Wan sans jamais réussir à vraiment retrouver l’intensité insufflée dans le 7. Il suffit de voir la séquence d’ouverture mettant en scène Vin Diesel faisant une course de voiture pour sauver son cousin: Gray ré-utilise complètement tous les effets de mise en scène qu’utilisait Wan, au point de même lui voler son découpage. Autant dire que ce n’est pas vraiment très agréable à regarder. En plus de cela, celui-ci doit faire avec un script bourré de trou d’intrigue, mais surtout avec des blagues niveau maternelle. Le plus rageant dans l’histoire, c’est que non seulement, ce nombre de blague est tellement élevé qu’il s’agit presque là d’une comédie, mais surtout que celles-ci permettent d’assagir les personnages, et les détournent de leur véritable rôle dans la saga: des rôles de gros durs. Que cela soit la présentation de Dwayne Johnson entrainant l’équipe de sa fille à reproduire le Haka des All Blacks ou la scène de Jason Statham qui se bat en protégeant un bébé, sans parler de Tyrese Gibson qui n’a jamais à ce point servis de sidekick comique dans la saga, toutes les blagues tombent complètement à l’eau et ne font qu’affaiblir l’image héroïque que l’on pouvait avoir de ses personnages. 

Et pour le reste ? Et bien ce qui devait arriver arrive avec cet opus: la saga se perd complètement. Le changement qu’a subit la saga lui a permis de perdurer, lui a également permis d’offrir des bons films par moment, mais uniquement lorsqu’un vrai réalisateur était aux commandes. Que cela soit Justin Lin sur le cinq ou James Wan sur le sept, les cinéastes savaient comment rendre la chose agréable à regarder, mais surtout avaient une vision d’ensemble de leurs films, étaient conscient de ce qu’ils racontaient et de la place que leur film occupait dans la saga. On en vient d’autant plus à se rendre compte à quel point Fast and Furious 7 était en ce sens complètement définitif et offrait en soit l’ultime conclusion à la saga. Ici, on tente de relancer une histoire qui n’en a jamais été vraiment une en essayant de surpasser les opus précédents par l’accumulation d’humour et des idées de plus en plus spectaculaire. Cela aurait peut-être pu marcher si James Wan était revenu à la réalisation. Mais en l’état, cela ne fonctionne jamais…


Claude S.


Note du rédacteur: 1,5/5 (Mauvais)

jeudi 13 avril 2017

Videodrome, de David Cronenberg

En 1983 sortait aux États-Unis et au Canada le dernier film de David Cronenberg : Videodrome. Auréolé par le succès de Scanners, sorti en 1981, les studios commencent à s’intéresser de plus près à ce jeune metteur en scène, pourtant déjà responsable de plusieurs très bons films comme les excellents Rage et Chromosome 3, mais qui n’avait jusqu’à ce jour jamais connu de véritable succès commercial. C’est ainsi que les studios Universal acceptent de produire cette véritable bombe, œuvre absolument unique au sujet aussi philosophique que prophétique. Mais hélas, la sortie du film s’est soldée par un échec au box-office (raison pour laquelle le film mis plus d’un an à arriver en France à l’époque). 
Depuis le 11 avril dernier, vous pouvez découvrir ou redécouvrir Videodrome sur grand écran. Revu à la hausse avec le temps, celui-ci est devenu véritablement culte auprès des cinéphiles et est considéré à juste titre comme l’un des plus grands films de son auteur (et j’oserais même dire qu’il s’agit là de son ultime chef-d’œuvre). Cette sortie salle est donc la parfaite occasion pour remettre au goût du jour un film beaucoup trop méconnu du grand public. Une œuvre dont la puissance thématique s’avère être pourtant plus que jamais d’actualité.

Videodrome raconte l’histoire de Max Renn (interprété par James Woods), dirigeant d’une chaine de télévision particulièrement racoleuse : Chaîne 83. Spécialisée dans les sensations extrêmes, cette chaine a pour but de diffuser des œuvres que les autres chaines n’osent pas diffuser, allant de la pornographie soft à la violence la plus brutale. En utilisant un capteur pirate, Max fini par tomber sur un programme des plus étranges : Videodrome. Pas d’histoire, uniquement des images d’une femme se faisant torturer pendant plus d’une heure. Se disant qu’il s’agit là du programme TV parfait pour sa chaîne, celui-ci décide de se mettre à la recherche des créateurs de Videodrome. Mais en plus d’apprendre rapidement qu’il s’agissait là d’un véritable snuff movie et non pas d’un programme de fiction, Max commence à avoir des hallucinations de plus en plus fortes, l’empêchant de faire la différence entre son imaginaire et la réalité, au point que son corps devient à sa manière une sorte de magnétoscope humain… 
Je m’en voudrais d’en dire plus sur l’intrigue du film, tant celle-ci est alambiquée et regorge de retournements de situations. Il faut juste savoir qu’il s’agit là d’une réflexion sur le pouvoir des images, sur la manière dont nous sommes abreuvés de tous les côtés par celles-ci et dont elles finissent par influer sur notre comportement, que cela soit conscient ou non. Et sur ce sujet, il faut dire que Cronenberg ne fait pas les choses dans la dentelle : hallucinations de plus en plus violentes, télévisions, magnétoscopes et VHS prenant des formes organiques, les locaux de la soupe populaire plaçant les SDF chacun devant un écran de télévision avant de leur offrir un repas… L’un des personnages les plus fascinants du film, le bien nommé « professeur O’Blivion » en est au point de n’apparaitre qu’au travers d’un écran de télévision. « L’écran de télévision est devenu la rétine de l'esprit » dit-il à travers ses vidéos le mettant en scène. 
En ce sens, il faut vraiment ne pas prendre le film uniquement comme un discours sur la télévision. La télévision étant bien évidemment un véritable puits à images incessantes, il est évident que Cronenberg allait prendre cet exemple pour mettre en image son histoire. Mais il s’agit en vérité de n’importe quelle image, et peu importe d’où celle-ci provient. Une image marque notre esprit, et qu’on le veuille ou non, le fait de l’avoir eu devant les yeux a des chances de nous influencer, consciemment ou non. Œuvre au nombreux niveaux de lecture, l’intrigue de Videodrome est à elle seule un véritable puits à réflexion. Les questions que se pose le spectateur au fur et à mesure de l’avancée du récit s’avèrent être de plus en plus complexes, l’intrigue de plus en plus difficile à cerner, au point de forcer le spectateur à ne pas lâcher prise tout en le forçant à accepter que ce qu’il voit n’est pas forcément une réalité. Chaque question restera en suspend, Cronenberg choisissant de laisser le spectateur avec ses doutes car ce n’est que de là que proviendront toutes les pistes de réflexions que le spectateur aura en tête en quittant le film.

Cronenberg au scénario, c’est évidemment du grand art. Mais il ne faut pas oublier qu’il est avant tout réalisateur. Et ici, soyons francs : il s’agit d’une énorme claque dans la gueule ! Pur film de série B, Cronenberg pense sa mise en scène avec un brio comme lui seul est capable de le faire. Avec une économie de moyen qui s’avère être une véritable leçon pour chaque réalisateur, celui-ci propose une mise en scène à la sobriété exemplaire n’ayant jamais recourt à des effets facile mettant en avant son savoir faire pourtant énorme, où chaque mouvement de caméra a un sens tout en étant constamment symbolique. La réalisation de David Cronenberg sur Videodrome est le plus beau mariage qui existe entre des choix purement intellectuels, et des choix permettant au récit d’être d’une viscéralité constante. Il faut voir cette ouverture du récit (dont la première image est bien évidemment un écran de télévision), avec ce lent travelling arrière nous amenant aux côtés de cet anti-héros tandis que son assistante nous le présente à travers un écran. Il faut voir ces séquences d’hallucinations avec le personnage de Max voyant son matériel devenir organique, où la fixité des cadres nous rend tout aussi prisonnier de ses hallucinations que le personnage. Et il faut voir l’incroyable ambiance surréaliste qui se dégage des séquences dans le Videodrome, probablement les séquences les plus malsaines qu’ait filmé Cronenberg de sa carrière, mais également les plus fascinantes.
Et bien sûr, que serait la réalisation de David Cronenberg sans la musique de Howard Shore ? Compositeur attitré de Cronenberg depuis Chromosome 3, il s’agit là de la plus belle collaboration entre les deux hommes. La partition de Shore est à l’image de la réalisation du film : à la fois sobre et complexe, aux sonorités électroniques quasi religieuses, celle-ci envoute complètement, et ajoute la dernière pierre qui aurait pu manquer à l’édifice.

A noter que la copie 2K que l’on peut découvrir en salle est d’une beauté sans nom et rend totalement justice à cette pépite du 7ème Art. Vous savez ce qu’il vous reste à faire : à l’heure où le cinéma a une tendance à s’autoparodier avec des films ne croyant plus en l’intelligence du spectateur, un film comme Videodrome s’impose comme une œuvre d’utilité publique ! Vous savez ce qu’il vous reste à faire; vous foncez dans les salles obscures, et vous vous prenez ce putain de film comme il se doit : en pleine gueule.


Claude S.

Note du rédacteur: 5/5 (chef-d’oeuvre)

mardi 11 avril 2017

Power Rangers, de Dean Israelite

Et bim, dans ma gueule ! Après m’être énervé dans ma dernière critique par rapport à la qualité cinématographique des films qui étaient sortis en salles au mois de mars, nous voici arrivés lors de la première semaine des sorties du mois d’avril. Et là, je me retrouve dans la salle de Power Rangers. Vous pensez que j’ai une vie de merde ? Probablement. J’ai la tristesse de vous annoncer que j’ai eu le malheur d’assister le jour même de la sortie du film à l’un des spectacles les plus navrants que j’ai vu ces dernières années. Inutile de préciser qu’il s’agit là du plus mauvais film qui est critiqué sur le site.

Blockbuster insipide au racolage digne des plus gros navets de Renny Harlin, Power Rangers est une honte absolue. Tentative à peine camouflée de « transformeriser » cette licence pour enfants histoire de relancer une franchise qui commençait à tomber aux oubliettes, le « film » (ça me fait mal de qualifier ça de film de cinéma) est un monument de racolage insupportable. Il utilise exactement la même recette scénaristique que ce qui a été fait sur la saga Transformers. Personnages caricaturaux et humour bas du front sont ainsi bien évidemment de la partie. Mais à la limite, je peux l’accepter : je dois bien admettre que certaines blagues des Transformers sont profondément connes, mais me font marrer. Sauf que pour amuser le spectateur, il faut être capable de créer un rythme, et aussi de l'attacher aux personnages, chose qui n’est jamais présente dans le film, pour la simple raison qu’en plus de n’avoir absolument jamais réussi à maintenir un rythme constant pendant le récit, Dean Israelite (réalisateur de cette chose) n’arrive jamais à trouver le ton juste pour amener ses blagues. Une blague pourrie est donc faite exactement sur le même ton qu’une scène censée être émouvante ou tout simplement dramatique. C’est dire si c’est rigolo… Mais le pire, c’est que l’on sent que ces blagues sont censées amener l’attachement que le spectateur devrait ressentir pour les personnages. Le problème, comme je le disais plus haut, c’est que pour vraiment rire à des vannes provenant d’un groupe de potes, et bien il faut avoir le sentiment d’y appartenir, à ce groupe. Vous voyez le problème : la chose a été pensée à l’envers. Mais à la limite, passons. Ce n’est pas le point le plus problématique. 

Ce qui s’avère être beaucoup plus emmerdant, c’est la structure scénaristique de l’ensemble. En effet, le récit est bourré de trous d’intrigue, et la manière d’amener les péripéties s’avère être finalement extrêmement floue. Ne serait-ce que la présentation du leader de la bande : celui qui s’avèrera être le Power Rangers rouge se fait arrêter par la police, parce qu’il a décidé de ramener une vache dans un vestiaire (vache qui s’avère être un taureau histoire de faire une blague d’une finesse incroyable à propos de son fameux « pis », je vous laisse comprendre la chute…). Le truc, c’est que l’on a absolument aucune idée de pourquoi ce couillon décide de faire ça. Ainsi, on le trouve complètement con. Idem de la présentation de la méchante. Celle-ci sort de nulle part, et on ne sait même pas ce qu’elle souhaite réellement, hormis détruire le monde. C’est sympa, je veux bien que cela n’aille pas plus loin, mais il faudrait essayer de vraiment la présenter histoire de faire en sorte que l’on puisse vraiment s’intéresser à ce qu’elle souhaite accomplir. On comprend par petites touches ses réelles intentions, mais ce n’est tellement pas structuré correctement qu’il est impossible de vraiment y trouver un intérêt. 
La majorité du film se déroulant avec le groupe de Power Rangers, on imagine facilement que le véritable but de ce film est de nous présenter les protagonistes, puisque le but est très clairement de faire plusieurs films à partir de ce groupe et de relancer la franchise. Le problème, c’est que ce groupe est présenté à la truelle. Certaines idées ne sont pas mauvaises, comme l’idée de mettre un personnage principal atteint d’une forme d’autisme, mais le résultat est consternant de connerie : les scénaristes ont mis un personnage autiste uniquement pour s’en servir de sidekick comique pendant tout le film. En effet, ce personnage est uniquement là pour faire des blagues nazes, et jamais son handicap n’est vraiment mis en avant dans le récit… Idem pour un autre personnage qui s’avère être homosexuel : à quoi cela sert de mettre à ce point là en avant un aspect des personnages si c’est pour que cela n’influe jamais en rien sur la psychologie du groupe ? Probablement que cela avait été beaucoup plus développé dans le scénario d’origine, étant donné que tous les trous d’intrigues et tous ces aspects floues des personnages puent les scènes coupées au montage. Mais en l’état, il faut bien admettre que c’est impossible de se contenter de ça…

Et que dire sur la réalisation de Dean Israelite dont il s’agit seulement du deuxième long-métrage après Projet Almanach ? Bah au même titre que je parlais de son incapacité à amener correctement ses blagues, il faut malheureusement reconnaitre que son film ne se tient jamais. Ses choix de cadres et de découpages sont tous plus incohérents les uns que les autres (une scène de drague censée être presque sensuelle s’avère être filmée avec une caméra portée tremblante comme c’est pas permis, des discussions filmées de loin en focale moyenne comme si un autre personnage écoutait la discussion alors que les protagonistes sont seuls dans la scène…), et il est impossible de comprendre comment on peut sortir un film dans cet état là en salle : même les effets spéciaux s’avèrent être particulièrement hideux, et sont à peine dignes des jeux sortants aux balbutiements de la Playstation 3. Et c'est dire si le film est spectaculaire : lorsque nos héros découvrent leurs pouvoirs, ceux-ci se rendent compte qu'ils peuvent sauter particulièrement loin, et donc passer sans aucune difficulté un trou de 20 mètres de long et de combien en profondeur ? Impossible de le savoir : le trou n'est jamais visible à l'écran ! Ainsi, quand les personnage sautent, impossible d'avoir ne serait-ce qu'un petit frisson pour eux : on ne se rend jamais compte de ce qu'ils sont en train de faire. Depuis le désormais mythique World Invasion: Battle Los Angeles réalisé par ce tâcheron de Jonathan Liebesman et souvent cité à titre d’exemple lorsqu’il s’agit de parler d’un navet blindé de pognon, on n’avait pas vu une réalisation aussi dégueulasse et mal pensée dans un film de cette ampleur commerciale.

Franchement, vous l’aurez compris et je vous en conjure : n’allez surtout pas voir cette merde. Voir ce genre de film sur grand écran, en plus de procurer un ennui mortel digne des plus grandes soirées Scrabble chez papy et mamie, c’est au passage soutenir ce qui signe la mort du cinéma. Il ne s’agit que d’un produit faisandé dont le seul but est d’attirer des spectateurs sans aucune exigence. 

Si vous voulez voir un bon film cette semaine, allez voir Le serpent aux mille coupures, d’Éric Valette. Ca a 95% de budget en moins, mais c’est 100 fois plus spectaculaire et respectueux de son spectateur que la purge sur laquelle j’ai écrit…


Claude S.

Note du rédacteur: 0/5 (Autodafé)