lundi 8 mai 2017

L'invasion des profanateurs, de Philip Kaufman

En 1956 sortait sur les écrans américains L’invasion des profanateurs de sépultures, film de science-fiction réalisé par Don Siegel et adaptation d’un roman écrit par Jack Finney en 1955. Racontant l’invasion dans une petite ville américaine d’extraterrestres s’appropriant les corps de la population locale pour les transformer en êtres dénués de toute forme d’émotion, le film s’est rapidement avéré être une oeuvre culte pour les cinéphiles, d’autant plus auréolé d’une aura d’oeuvre témoignant de la peur du communisme aux États-Unis. En effet, la nature même de la menace résidant majoritairement dans l’idée de l’uniformisation de la pensée évoquait à la critique américaine le fait que cette menace s’apparentait à celle avec laquelle leur pays menait la guerre froide. Idée réfutée par Don Siegel lui-même, expliquant que la menace du film était une symbolique des studios de productions hollywoodiens, ne vivotant que grâce à leurs succès sans la moindre prise de risque, sans jamais remettre en cause le fonctionnement de leurs entreprises, déclarant à ce propos qu’« ils n’étaient pas autre chose que des légumes vivants ! ». Le roman connu trois nouvelles adaptations: l’une en 1978, réalisée par Philip Kaufman, une autre en 1993, sobrement intitulée Body Snatchers et réalisée par Abel Ferrara, et la dernière à ce jour, Invasion, réalisée par Oliver Hirschbiegel. Celle qui nous intéressera vraiment aujourd’hui est la version de 1978, L’invasion des profanateurs, avec Donald Sutherland et Brooke Adams dans les rôles titres, qui sort enfin en Blu-Ray chez nous après des années d’attente.

Petite perle du cinéma d’horreur, L’invasion des profanateurs est sans conteste l’un des meilleurs film de body snatcher jamais réalisé. Oubliez la parabole du communisme ou des studios américains, celui-ci est avant tout une pure oeuvre viscérale, héritière du cinéma des années 1970. Utilisant brillamment le style visuel que Alan J. Pakula avait pu imposer avec ses thrillers politiques paranoïaque comme Klute ou À cause d’un assassinat pour l’inscrire dans un film de terreur pure, le film de Kaufman est probablement l’une des oeuvres de science-fiction ayant le plus marqué la pop culture. La mise en scène de Kaufman alterne en effet des longs plans contemplatifs laissant naitre le malaise de par ses choix de cadres cachant volontairement des pans entiers des décors lui permettant de suggérer que l’horreur est proche, et des séquences incroyable en caméra portée ou l’instabilité des cadres témoignent la fois de l’insécurité de plus en plus présente dans la ville et de la paranoïa des personnages s’installant progressivement chez les protagonistes. Ces partis pris de réalisation eurent en soit une assez grande importance dans l’histoire du cinéma, plus encore que l’on veuille véritablement l’admettre, puisque ceux-ci marquèrent le cinéma fantastique au point d’être encore utilisé de nos jours. 

En plus de cela, il faut bien reconnaitre à Philip Kaufman un grand talent pour amener un malaise en crescendo. De la première à la dernière image du film, la tension est omniprésente. L’ouverture du film, un générique nous présentant la menace et son chemin jusqu’à notre planète est une petite leçon, et la première heure du film jouant majoritairement sur l’imagination du spectateur est une réussite incontestable, car Kaufman utilise constamment le concept même de ce qu’implique un film de body snatcher: toute personne qui est sortie du cadre est potentiellement un ennemi lorsque celui-ci ré-apparait. Et lorsque le récit est complètement lancé, laissant place à une course poursuite d’une viscéralité surprenante, il faut reconnaitre à Kaufman une maitrise des effets chocs. Il faut voir ce moment ou un chien à tête d’humain apparait à l’écran, où la stupéfaction due à l’absurdité de la situation laisse rapidement place à une véritable peur de ce qui nous est présenté à l’écran. Et il faut voir la maestria avec laquelle celui-ci nous terrifie juste avec le cri des extraterrestres (permettant de signaler entre eux ou se situent les êtres humains), idée complètement absente du film d’origine, mais qui sera par ailleurs ré-utilisé dans la version d’Abel Ferrara.

Bref: vous l’aurez compris, L’invasion des profanateurs est un indispensable pour tout amateur de cinéma qui se respecte. Pour ceux qui l’avaient déjà, vous pouvez désormais revendre votre vieille édition DVD absolument lamentable éditée par MGM qui avait le mérite de ne pas inclure de sous-titre français, forçant ainsi les non-anglophones à se taper le film en VF. Et pour ceux qui n’auraient pas encore eux la chance de découvrir ce classique de la terreur, vous pouvez foncer en magasin l’acheter les yeux fermés. Jamais vous ne regretterez les 20€ déboursés pour cette édition rendant vraiment hommage à ce magnifique film, dont on ne mesure jamais suffisamment son importance.


Claude S.

Note du rédacteur: 4,5/5 (Excellent)

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