jeudi 9 mars 2017

Logan, de James Mangold

Disons le tout de suite : je suis tout à fait allergique à la vision des studios concernant l’univers Marvel, et à cette aseptisation pachydermique qui laisse intacte les structures scénaristiques pour n’avoir à changer que le nom des héros qui défilent les uns après les autres sans saveur aucune. Iron Man, Captain America, Thor, Hulk, Spider Man, X-Men… Toutes ces licences sont les mêmes, à quelques détails près. Les films qui en sont issus ne sont rien de plus que des miroirs les uns pour les autres. Une telle paresse me dépite absolument, surtout quand le traitement s’avère systématiquement fade et insipide.

Puis vint Avengers, un film qui ne dénote en rien par sa structure, mais qui propose une mise-en-scène bien plus réfléchie et chorégraphiée, un film ô combien plus intelligent dans son traitement formel que n’importe lequel de ses prédécesseurs, donnant un peu d’espoir quant aux futurs réalisations Marvel. De toutes façons, on n’y coupera pas, donc s’ils peuvent accroître la qualité intrinsèque de leurs films, c’est toujours ça de pris. Dès lors, le seul nouveau sursaut (dans une bien moindre mesure), estampillé Marvel, était Les gardiens de la galaxie. Péloche amusante qui parvenait à sortir du carcan super-héroïque pour proposer un hybride entre film fantastique et film de science-fiction. M’enfin, deux films intéressants sur la quantité ahurissante et assommante de Marvel sortis ces dernières années, ça fait bien maigrelet.

Le pire dans tout ça, c’est la façon qu’ont les studios de museler et d’anéantir la créativité de leurs metteurs-en-scène sur les projets qu’ils mettent en chantier, et de les plier à leurs exigences marketing et pécuniaires. Faut-il rappeler que Thor a été réalisé par Kenneth Branagh ou que l’excessivement mauvais Hulk de 2003 nous vient d’un certain Ang Lee ? Comme quoi, Disney n’a pas nivelé la qualité des produits Marvel vers le haut depuis leur rachat en 2009, bien au contraire.
C’est alors qu’un hybride Fox/Marvel est annoncé, sous la tutelle de James Mangold, réalisateur d’Identity mais aussi du bien faiblard et poussif Wolverine - Le combat de l’immortel. Voilà de quoi appuyer un peu plus l’influence néfaste de Marvel sur les réalisateurs qu’ils emploient. C’était sans compter que la Fox allait y mettre le bout de son nez.

Logan se pose comme un film vraiment burné qui ne prend jamais de haut ni le sujet, ni le spectateur. Le personnage alcoolique et suicidaire de Logan est traité avec beaucoup de justesse et attisera un réel intérêt même chez les plus réfractaires à cet univers. Nous serons plongés en 2029, les mutants semblent avoir disparu, Logan cache un professeur Xavier en plein déclin mais aux facultés surnaturelles toujours extrêmement puissantes, bien qu’une maladie cérébrale l’empêche de les contrôler tout à fait. C’est alors qu’une femme demande à Logan de prendre sous son aile une jeune fille chassée par un paquet de paramilitaires, jeune fille qui lui ressemble en de nombreux aspects.

C’est avec étonnement qu’on se prendra à suivre des personnages en rien superficiels et avec une vraie profondeur émotionnelle. Un point d’autant plus important que les Marvel se limitent bien souvent à caractériser leurs personnages de par leur simple aspect visuel et esthétique sans chercher à mettre de la chair sur les ossatures de protagonistes un brin monomaniaques. L’aspect survival du film, qui n’est pas sans rappeler un certain Last of Us, se permettant sans retenue aucune d’apporter une violence crue et frontale là où le studio ne laissait paraitre aucune effusion de sang malgré les griffes de Wolverine ou les flèches de Hawkeye. Le film s’inscrit du coup dans un contexte évidemment fantastique mais également ultra-réaliste : Logan décapite, démembre, les coups font mal, se ressentent, les griffes se plantent dans les chairs et les transpercent. Là où la violence de Deadpool se plaçait dans un contexte ironisé et grotesque (n’y voyez rien de péjoratif), et se voyait donc plus amoindrie, la violence de Logan prend une véritable consistance et impacte le spectateur d’autant plus qu’elle est froide, concrète et grave.

Tout ce traitement finalement très adulte, qui s’éloigne de la morosité de produits calibrés pour toucher le plus large public possible, s’ouvre à l’intégralité du film de Mangold, qui prend des directions fortes et assumées en mettant en scène sa petite actrice, excellente de surcroit, Dafne Keen, balancer la tête du bougre qu’elle vient de décapiter aux pieds de ceux qui lui veulent du mal. Ou ces plans montrant des gosses allongés sur des brancards, qu’on empêche de bouger de par des liens, et qu’on euthanasie tour à tour car ils ne correspondent pas à ce que la société attend d’eux. Belle parabole. La réalisation se permet qui plus est de nombreux assauts de virtuosité à la gueule du spectateur, lâchant des chorégraphies redoutables mêlant Laura (Dafne Keen) et Logan se farcir ensemble les antagonistes. Le montage, d’une efficacité redoutable, prend le temps de laisser se prolonger l’action lorsqu’il le faut, et de cuter s’il s’agit d’appuyer la violence d’un coup porté ou d’un mot prononcé, sans jamais perdre le spectateur dans l’espace, sans jamais lui épargner la vue de l’adamantium déchirant la peau des pauvres hères agissant sous les ordres d’une société aliénante et impétueuse. On soulignera également la bande-son du film, entremêlant les mélopées de Johnny Cash à la poussière du désert et aux pérégrinations de personnages aussi torturés que motivés par un autre-chose, sur cette Terre ou ailleurs.

Pour finir, je n’en peux plus de cet argumentaire grotesque consistant à dire qu’il faut bien toucher un large public, que tout le monde aille le voir, que ça s’adresse à tous. Dans ce cas là, on accepte de ne pas aller voir un film qui soit l’œuvre d’un artiste avec une vision, mais plutôt un produit marketing extrêmement calibré pour rentrer dans un cahier des charges bien précis. On accepte donc d’aller voir un produit, pas un film. C’est vraiment ce qu’on veut ? Le succès de Logan, rentabilisé en un week-end, balaie cet argumentaire d’un revers de la main, et prouve qu’on peut très bien concilier les deux.

Un édifiant western moderne qu’il vous faudra absolument découvrir.





Jérémie N.

Note du rédacteur : 4/5 (Très bon)

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