Piégé dans un désert artistique depuis maintenant 15 ans, M. Night Shyamalan tente aujourd’hui un énième retour avec Split. Produit par Jason Blum, un pitch classique et à l’issu à priori cousue de fil blanc, parvient-il donc à effectuer ce fameux come-back dont on nous bassine les oreilles à chaque sortie ?
Casey et deux de ses camarades de classes sont enlevées par Kevin, un homme souffrant de trouble de la personnalité multiple. Elles devront tenter de comprendre et survivre aux 23 (très) différentes personnalités de Kevin.
Disons le de suite: Split ne réinvente pas la roue. Ni le fil à couper le beurre et encore moins la fourchette (c’est quand même une putain d’invention la fourchette). Il n’y a rien de réellement original dans le sujet, le film n’atteint pas ce qu’il a pu nous offrir au début des années 2000.
Néanmoins le film marque le retour en force de M. Night Shyamalan, le metteur-en-scène : les différentes séquences sont parfaitement découpées et parviennent à sauver un scénario souvent simpliste d'un mouvement de caméra ou par un cut bien placé.
Fait dans l’économie (9 millions de dollars de budget) pour nous offrir son film le plus réjouissant depuis très longtemps, malgré le classicisme de son récit.
Porté par un James McAvoy cabotinant comme un beau diable, encore plus fou que dans l’excellent Filth, et une Ana Taylor-Joy tout aussi magnétique que dans le sublime The Witch, MNS se fait un plaisir de nous présenter chaque parcelle de cet esprit fragmenté en 23 pièces en nous tissant un réseau entre l’antagoniste et l’héroïne : ils sont tous deux isolés, et brisés. Et c’est là l’idée géniale du film, concentrant une thématique qu’on peut retrouver à de très nombreuses reprises chez l’auteur : le groupe, la communauté, poussant l’individu dans ses retranchements.
Champ de symbolique, Shyamalan nous entraîne dans la psychée de ses personnages, les liant par de petits détails de composition de cadre (la volonté d’isoler Casey du reste du groupe) ou bien plus subtilement par l’attention portée sur les décors et accessoires : une plante verte, une assiette, un fusil, reflet de leurs cicatrices, suffisent pour nous faire comprendre de manière consciente ou inconsciente que Casey et Kevin sont autres choses qu’une victime et son bourreau.
À traumatisme égal, « Il » et « Elle » est ce qu’« Elle » ou « Il » aurait pu être. De même, les flashbacks de Casey nous distillent juste assez d’informations pour qu’on parvienne à ouvrir les yeux sur les fêlures de nos personnages, sur les conséquences qu’elles auront sur chacun d’eux, sur la transformation qui en découlera. Le film est un régal pour tous les amoureux d’analyses et de faiseurs de théories !
Nous baladant de genre en genre, du drame médical au thriller à l’horreur avant d’enfin nous révéler sa véritable nature, il sait rester dans le fantastique et il semble avoir compris que la force de son cinéma ne se trouve pas dans le « twist », mais dans la manière dont il l'amène, et dont il parvient à nous faire regarder en arrière et repenser à ce que l’on a pu voir durant 2 heures.
minutes du film, il est ardu de ne pas vous offrir une analyse à l’aune de celle ci. Ce que l’on en retiendra, c’est la cohérence et l’intelligence avec lesquelles elle est amenée au spectateur. Tout fait sens dès que la musique raisonne, nous touchant en plein cœur. Inattendue, elle nous laisse espérer à un futur radieux pour Shyamalan, qui semble plus que jamais prêt à revenir sur le devant de la scène.
Le message du film ("The broken are the more evolved"), est parfaitement amené et en adéquation totale avec la révélation finale. Lisez-en le moins possible, révisez votre Shyamalan pour les nuls, et "Rejoice" devant un film qui saura réellement vous surprendre. Ça fait du bien putain.
Antoine T.
Note du rédacteur : 3,5/5 (Bon)
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