En ce mois de mars, difficile pour moi de dire que l’on a été franchement gâté au cinéma. Entre des oeuvres sans intérêt telles que Kong: Skull Island et des purges éhontées comme Warrior’s Gate, je dois bien reconnaitre mon très gros énervement par rapport à la production cinématographique de ce mois-ci, notamment lorsque l’on compare à ce qui nous avait été offert en début d’année. Et malheureusement, ce n’est certainement pas Ghost In The Shell, adaptation américaine de l’animé culte de Mamoru Oshii qui va venir changer mon ressenti…
En 1995, Mamoru Oshii avait frappé très fort avec son incroyable film d’animation. En adaptant sur grand écran un manga de Masamune Shirow (également auteur d’Appleseed), Oshii imposait un nouveau standard dans le cinéma d’animation japonais. D’une maturité jusque là jamais atteinte dans ce genre de film, ou les réflexions philosophiques et métaphysiques amenées par l’univers cyberpunk dans lequel se situe le film ainsi que par la nature même des personnages principaux (des cyborgs se découvrant une humanité) côtoyaient une violence surprenante, le tout baignant dans une ambiance quasi contemplative. Une poésie hallucinante se dégageait ainsi du film de Oshii, et il est encore difficile de lui trouver un véritable équivalent dans les productions qui virent le jour par la suite (Satoshi Kon étant clairement l’auteur d’animé japonais qui se rapprochait le plus du cinéma de Oshii, notamment avec Paprika). C’est dire si l’idée même d’une adaptation par les studios hollywoodiens avait de quoi effrayer, d’autant plus lorsque l’on connait la tendance qu’ils ont à vampiriser des oeuvres à la personnalité marquée pour les faire rentrer dans le moule de leurs autres productions.
Et pourtant, je dois bien reconnaitre que je voulais y croire à ce film. Les premières annonces autours du casting avaient de quoi intriguer (Scarlett Johansson comme seule américaine du casting, la présence de Takeshi Kitano…), les premières images promettant un respect de l’univers de l’oeuvre d’origine autant qu’un vrai travail sur la production design, les bandes-annonces envoutantes… Tout me donnait l’espoir que pour une fois, il serait possible que l’on ai une adaptation américaine à gros budget qui ne soit pas aseptisée. Hélas, dès le début, deux point viennent mettre un sérieux doute à ces notes d’espoir. Le premier point vient du carton d’ouverture: en effet, Ghost In The Shell s’ouvrait sur un carton nous expliquant l’importance de la présence de l’informatique dans le monde que l’on allait nous présenter par la suite et donc de comprendre la place de ce pays par rapport aux autres. Ici, ce même carton d’ouverture occulte complètement cela pour nous expliquer le fait que dans le futur, des groupes de policiers existent, et certains membres sont composés à la fois d’organes humains et d’un squelette robotique, décuplant ainsi leur force et leur intelligence. Donc au lieu d’une explication sur la géopolitique du monde, on nous met en avant le fait que l’on va voir Robocop (pas le Verhoeven, hein, le remake). Et il est d’autant plus navrant de se rendre compte que ce carton est d’autant plus inutile que chaque dialogue auquel on assiste pendant la première demi-heure est une illustration du fait que certains sont des cyborgs, et d’autres non. Le deuxième point est le fait que ce qui suit ce carton est la mise en image de la création du cyborg Motoko Kusanagi (Scarlett Johansson), ce qui amène directement à penser que le film, au lieu de s’intéresser à l’univers présent, s’efforcera à mettre en place une Origins Story.
Et là, bingo: on se tape une explication de comment Batou a obtenu ses yeux, on se tape les recherches sur les parents de Motoko jusqu’aux visites à sa mère, et surtout, on est obligé de subir des plombes de dialogues explicatifs sur comment le monde est devenu tel qu’il est et comment les personnages sont devenus ce qu’ils sont. Et c’est bien là que le bas blesse…
Car là ou réside tout le problème de ce Ghost In The Shell, c’est qu’il est obligé de répondre à une logique de studio, de coller aux modes actuelles des explications interminables, de refuser toute sorte de mystère forçant le spectateur à s’impliquer pour combler les trous et donc de nourrir de son imaginaire celui du film. Ici, tout lui est expliqué au point de faire de son intrigue un prétexte pour expliquer ce que l’on acceptait dans l'original, et ce sans sourciller: pourquoi et comment les yeux de Batou on été modifiés ? Vous le saurez grâce à ce film. Sauf qu’il y a un hic: est-ce qu’il est nécessaire pour le spectateur de le savoir ? Certainement pas. On savait qu’il s’agissait d’un cyborg, donc que des modifications physiques ont pu être effectuées et cela suffisait amplement, l’intérêt du film ne se jouant évidemment pas là… Et à partir de ce moment là, en faisant constamment mine de focaliser l’intérêt là ou il n’y en a pas, les scénaristes de la chose ont complètement flingué l’intelligence de l’oeuvre d’origine pour en faire un produit de studio comme on en voit des tonnes par an. Bref: il s’agit de ces films qui se persuadent que donner plein d’information créer de la complexité dans le récit, là ou la complexité de l’oeuvre d’origine venait de son apparente simplicité scénaristique.
Idem de la manière dont nous est présenté l’antagoniste, incarné par Michael Pitt. En refusant de garder l’idée d’une intelligence artificielle, une très grande partie du propos s’envole, au profit d’une vision simplifiée des questionnement sur le principe d’humanité qui collait à celle-ci.
Il est impossible de complètement jeter la pierre à Rupert Sanders, réalisateur de Blanche-Neige et le Chasseur et s’imposant comme un technicien plutôt doué. De vrais beaux plans sont présents pendant le film, et il y a même une scène dans une boite de nuit a sauver entièrement, tant celle-ci réussi a créer une tension grâce à des choix de cadres et un découpage au petit oignons. Mais avec un scénario aussi simpliste, aussi aseptisé et disons le: aussi con, il lui était très compliqué de vraiment réussir son film. Le rythme du film en pâti considérablement, et il est impossible de ne pas s’ennuyer fermement, d’autant plus que malgré le fait que Sanders soit capable de maitriser son film techniquement, il est plus compliqué de lui trouver une vraie personnalité.
Verdict: il est triste de voir une oeuvre aussi fondamentale que Ghost In The Shell se faire dénaturer à son tour par les studios. Avec un scénario aussi stupide et traitre que celui de Terminator Genisys et une mise en scène beaucoup trop anonyme pour que l’on puisse y trouver un intérêt, on a qu’une seule envie: revoir en boucle le premier film de Oshii ainsi que sa suite, Innocence. On va dire que c’est le seul vrai bon point que réussi ce film: nous faire revoir quelque chose de bien une fois rentré chez nous. Mais au bout d’un moment, on commence à être habitué à cette sensation, et cela commence à vraiment être gonflant.
Note du rédacteur: 1,5/5 (Mauvais)
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