mercredi 15 mars 2017

Traque à Boston, de Peter Berg


Quand on connait la patte de Peter Berg ainsi que son patriotisme exacerbé et exacerbant, on ne pouvait que craindre un projet comme Traque à Boston (Patriot’s Day en VO), film mettant en scène l’attentat du marathon de Boston puis la chasse des deux terroristes alors qu’ils s’apprêtent à poursuivre leur carnage à New York. Reçu avec une standing ovation lors de sa première projection à l’American Film Institute Fest, le film caresse bel et bien les américains dans le sens du poil en plaçant à ma droite les minorités et tout ce qui n’est pas américano-centré parmi la fange la plus dangereuse, et à ma gauche le bon peuple américain humaniste et valeureux qui se pose en martyr de la liberté. C’est ainsi que sera filmée l’innocence bientôt maculée de sang, avec comme symbole représentatif de l’entièreté ce couple de jeunes parents qui se rendent au marathon, la mère de famille étant une infirmière dévote qui voue sa vie à la protection et au soin d’autrui, à l’amour du prochain, et qui sera prise avec son petit ménage dans l’atrocité de l’explosion. Ou quand les enfers se déchaînent sur les saints les plus purs. Par effet de miroir, nous trouverons nos deux terroristes, deux jeunes adultes, aliénés et crétinisés, l’un d’eux n’ayant rien de plus intelligent que de demander à un otage, durant leur cavale, si la voiture qu’ils sont en train de voler est équipée du bluetooth pour mettre de la musique. Ou encore, alors qu’ils veulent passer inaperçus, de suggérer de voler une Lamborghini plutôt qu’une voiture lambda, parce que c’est cool. Peter Berg voulait leur donner un côté enfantin, il leur donne un côté crétin. C’est les Daltons, j’vous jure.

Le film se pose sur une narration et des automatismes de mise en scène qui empruntent à la docu-fiction en faisant jouer le tape à l’œil, notamment dans les minutes qui suivent l’explosion, comme un aveu d’impuissance. Comme si le film ne pouvait donner à comprendre et intellectualiser le chaos et le carnage qu’en montrant des corps mutilés ou en s’apitoyant sur le sort d’un enfant de 8 ans plus que de raison.
Et tout ça battu en neige avec des personnages préparés comme de la chair à pâté, notamment le couple dont je parlais plus haut, qui n’existe que pour faire comprendre qu’un attentat détruit des familles et des vies avec aveuglement et en une fraction de seconde. Merci Peter Berg, on avait besoin de ce film pour s’en rendre compte et ouvrir les yeux. Ce couple, donc, n’apparaîtra à l’écran que pour donner au spectateur une raison plus concrète et organique de compatir avec les victimes, et ne sera suivi que quelques minutes au début du film, et quelques minutes à la fin. Ce genre de personnage-fonction absolument agaçant dans la plupart des cas. C’est le cas d’ailleurs pour J.K. Simmons, le personnage n’étant présent tout au long du film que pour tirer à un moment précis dans la jambe d’un des deux terroristes. Point barre.

L’enquête en elle-même réside en un véritable écran de fumée, puisque pataude au possible, gérée par un FBI dont Berg veut souligner le professionnalisme mais qui apparaît, si on creuse un peu, complètement à côté de la plaque, et qui ne devra son salut qu’à deux Deus Ex Machina : Mark Wahlberg d’abord, qui connaît par cœur l’emplacement des caméras de surveillance de tous les rades de Boston, et un otage chinois enlevé dans son véhicule ensuite, dont les terroristes singeront l’accent, et dont les fédéraux diront : « Un homme a été enlevé, j’ai pas bien compris son nom ». C’est vrai que c’est drôle de se foutre des chinois. Le FBI, aussi professionnel soit-il, n’aura, si on fait le compte, quasiment rien eu à branler. Kevin Bacon style : On fronce des sourcils et le destin s’éclaircit de lui-même.

Puisqu’on parlait des petites blagues à propos des chinois, trollés aussi bien par les terroristes et que par les opposants ricains, on notera une volonté d’adoucir la gravité du récit en parsemant le film de quelques petites touches d’humour souvent malvenues, qui donneraient parfois un côté burlesque à un film à l’orientation réaliste. Lors d’une fusillade dans une rue entre les terroristes et la police locale, la flicaille se fait arroser à coups de bombes et de rafales de mitrailleuses. C’est alors qu’un riverain sort de chez lui en interpellant l’un des officiers qui lutte pour pas se manger une balle dans la tronche. Il lui dit : « Que se passe-t-il, officer ? ». La réponse, à peu près évidente : « On nous tire dessus ». Déjà, en soit, cet échange de phrases est débile. Mais c’était sans compter sur le riverain qui se pointe à nouveau avec une massette, disant : « Tenez, j’ai une massette, corrigez-les comme il faut ! ». Vous comprenez, c’est drôle, parce qu’en face ils balancent des bombes et tirent à la mitraillette. Ta Tum tssss.

Quant à la résolution du tout, vous vous en doutez, on aura droit aux petits cartons pour rendre hommage aux victimes, à la police, et à toute l’équipe, ainsi qu’à un défilé d’images d’archives des vrais héros représentés dans le film, comme le personnage de Mark Wahlberg (le sergent expert en caméras de surveillance), Kevin Bacon (l’agent spécial du FBI en charge de l’enquête, qui était surtout là pour boire du café et poser des questions après un interrogatoire du genre : « Alors, qu’est-ce qu’elle a dit ? »), ou encore Michael Beach (le gouverneur du Massachusetts). God Bless America.

Cependant, on peut reconnaître au film un excellent travail de reconstitution des plans clefs filmés par la CNN et la Fox. Également, que malgré la somme astronomique de défauts, le film se suit sans trop de longueurs, alors qu’il atteint les 2h10. Et ça, c’était pas gagné. M'enfin, aussitôt vu, aussitôt oublié.
                                       


                                         



Jérémie N.


Note du rédacteur : 2/5 (Faible)

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