dimanche 12 février 2017

Seuls, de David Moreau

Dire qu’on n’attend plus vraiment les films de David Moreau relèveraient de l’euphémisme. D’ailleurs, les a-t-on vraiment attendus un jour ? Ils, le triste remake de The Eye, et 20 ans d’écart, voilà la filmographie du bonhomme avant qu’il ne se lance dans un projet fantastique issu d’une bande-dessinée dont j’ignorais l’existence : Seuls. Monsieur en assure l'adaptation, l’écriture et la réalisation. Ici, je parlerai de l’objet cinématographique, non pas de la BD, cela va soi.

Le film suivra les pérégrinations urbaines de 5 ados qui se réveilleront complètement esseulés, la ville entière et ses alentours ayant été totalement désertés, comme si la vie entière s’était vaporisée, comme si le temps s’était arrêté après avoir emporté toute forme de vie. Impossible de quitter la ville qui est encerclée par un brouillard d’une chaleur extrême et qui se rapproche de plus en plus dangereusement. Pourquoi ces 5 gamins sont-ils restés ? Où sont passés les autres ? Ont-ils disparu ou sont-ils partis ? Évidemment, ils finiront par comprendre qu’ils ne sont pas si seuls, et qu’il aurait mieux fallu qu’ils le soient.

Film post-apo sans vraiment en être un, Seuls a le mérite d’apporter quelque chose de frais dans le paysage cinématographique français de par sa thématique et son traitement, mais le démérite d’amener quelque chose de totalement convenu si le film avait été pondu par nos potes ricains. Une balance constante de pour et de contre qui finira par pencher définitivement du mauvais côté, la faute à une accumulation de défauts difficilement pardonnables qui desserviront tout à fait la bande dans son ensemble. Le simple fait de vouloir se comparer à la production française sans prendre en compte la production étrangère prive le film du recul nécessaire à sa bonne articulation. Si vous avez quelque peu suivi la promotion autour du film, tout tournait autour du fait d’avoir apporté une production rare en tant que pur produit français, tout en réclamant ses références d’Alien ou de 28 jours plus tard (David Moreau ayant même demandé à son actrice Sofia Lesaffre de nous faire du Sigourney Weaver. Echec, bien entendu). Une promotion d’autant plus malvenue que le film se situe certes dans un paysage cinématographique français assez pauvre en films de genre, mais surtout dans le ventre mou du paysage cinématographique anglo-saxon. Pour la faire simple : Seuls est un film lambda.

Le film alterne notamment entre des CGI très réussis (le brouillard qui les emprisonne dans la ville est superbe), et d’autres totalement ratés (les plans aériens, qu’on devine numériques, et qui suivent leur voiture comme dans un Grand Theft Auto de la première heure sont repoussants).

Mais ce n’est pas ici que se situe la principale tare du film. Il faudra surtout pointer du doigt la médiocrité globale de l’interprétation, enrobée d’archétypes plus irritant tu crèves :

- Le black à gros bras, genre caïd des cités « ntm j’suis un bonhomme »

- La petite rebeu sweat/jogging garçon manqué « j’aime le karting et les grosses bagnoles »

- Le blanc bec fils de bourges trouillard comme pas deux

- Le petit gamin sympa qui n’a pas d’autre caractérisation que d’être le petit gamin sympa (mais hyper pénible)

- La blonde à lunettes introvertie « que si tu lui enlèves ses binocles elle voit plus clair

 »


Les personnages ne dépasseront ces maigres caractéristiques que pour plonger dans d’autres, ne donnant jamais à voir un panel émotionnel et un background propre qui laisseraient paraître un certain relief dans leur composition, et qui dépasserait le stade de la simple caricature. La pauvreté du jeu laisse à penser que les acteurs ne jouent aucun rôle, mais qu’ils projettent leur façon d’être dans leur personnage, tout en bridant certains traits de leur personnalité pour se rapprocher du mieux possible de la personnalité que devrait avoir leur personnage. La palme de la chèvre revenant à Paul Scarfoglio (Paul), campant un fils de milliardaire terriblement agaçant dans son écriture et son interprétation. C’est si surjoué qu’on se croirait devant un comédien de pièces de colonie de vacances, que ce soit quand il nous joue la peur, la joie ou l'enivrement. Le jeu d’un acteur se nourrit de travail et d’expériences de la vie. Manifestement, ce garçon n’a jamais été soûl. Le casting s’est contenté d’aller chercher des acteurs qui ressemblaient physiquement aux personnages de la BD, mais qui y ressemblaient aussi dans la vie de tous les jours. De là à dire que ce ne sont pas des acteurs, il n’y a qu’un pas que je franchis allègrement.

Il est vrai que ce jeune homme ne sera pas aidé par l’écriture pure et simple de son rôle, qui nous appuie tous les traits de son personnage comme un marteau-piqueur défonce du béton. Si vous n’avez pas compris qu’il interprète un poltron, je ne peux plus rien pour vous. Cette remarque s’applique néanmoins à tous les personnages de Seuls, à qui on attribuera la seconde mention de comédien pour colonies de vacances à Jean-Stan du Pac (Terry), petite catastrophe ambulante qui vous collera des facepalms plus d’une fois.



M’enfin, tout n’est pas la faute des comédiens. David Moreau cède à une paresse des plus fatigantes : Celle d’expliquer son texte pour ne pas avoir à trouver d’idées de mise en scène qui permettraient au spectateur de comprendre le ressenti de ses personnages. Plutôt que de se creuser la caboche, monsieur nous balance des contre-plongées d’acteurs aux toilettes, profitant naturellement de ce petit moment d’intimité pour leur faire déclamer ce qu’ils ont au fond de la tête. « C’est un cauchemar, j’espère que je vais me réveiller avec le petit-déjeuner servi et maman dans la cuisine. J’ai peur, je ne veux plus être ici ». Ce type de monologues de 20 secondes qu’on devrait véritablement interdire aux metteurs en scène tant c’est aller à l'encontre de l’immersion requise par le cinéma. Le cinéma français a du mal à nous faire comprendre les choses par l'image et non le verbe. Ce genre de séquences qui nous rappelle toute l’artificialité du média.

On pourra également citer les incohérences qui fleurissent çà et là, ces phrases ou remarques qui ne collent pas aux personnages qui les balancent, comme lorsque le plus jeune de la bande (12 ans), au QI pourtant assez ordinaire, propose à ses camarades d’aller « trouver un relais satellite » pour faire fonctionner leur Wifi. Quel gamin de 12 ans proposerait ça ? Dexter ? Peut-être, mais on n'a pas affaire à un génie qui a construit un laboratoire sous sa baraque. C’est juste une question de bon sens.



On mettra de côté le bien mauvais et "cheveu sur la soupesque" boogeyman du film pour parler quelques lignes du twist qui m’a fait tomber la tête dans les paumes de mes mains. Usé jusqu’à la moelle, il fera hurler de rire la plupart d’entre vous tant vous croirez à une blague. Personnellement, j’y croyais pas. Comment oser ça en 2017 ? Ce n’est pas juste le thème du twist qui pose problème, c’est qu’il est exactement le même que deux des plus grands films fantastiques de ces 20 dernières années. Sans vous citer les films, je ne peux même pas vous citer les réa (oui, j’ai bien écrit « les ») qui utilisent la même pirouette, ou vous ferez le rapprochement sans même avoir lancé une recherche Wiki ! On parlait de paresse un peu plus haut, c’est ça ? Quant à la conclusion en elle-même (qui peine à arriver), on tombe carrément dans le grotesque, dans le grand-guignol, tout ce qui vous paraissait archétypal depuis le début ne sera rien comparé à cette dernière séquence. J’ai ri de gêne de la révélation du twist jusqu’au générique, tant cet épilogue est inouï. Ajoutons tout cela au fait que le film ne sera pas regardable deux fois. Le twist révèle encore plus d'incohérences que le cerveau ne peut en supporter (allez, j'en lâche un, les voitures avec les portes ouvertes au travers de la route. Vous m'expliquez ?). Il y a des réa qui prennent un soin fou à donner de la logique à chaque détail, apportant du sens à des choses qui n'en ont pas forcément lors du premier visionnage, mais qui prennent toute leur importance lors du second. Je ne peux rien vous citer pour ne pas vous gâcher "le plaisir", mais j'en meure d'envie.

Une chose est sûre, ce n’est pas en brandissant l’étendard de Seuls que nous pourrons défendre l’image nationale du genre. Il ne faut pas que le genre français soit assimilé à ça. C’est dommage, mais fallait-il en attendre autre chose ? Certaines séquences sont plastiquent très intéressantes pour du cinoche français, c’est déjà ça de pris, non ? Voyez plutôt Don’t Grow Up, de Thierry Poiraud, film traitant d’une thématique similaire, mais de façon Ô combien plus intéressante. Et pourtant, il n'aura eu droit qu'au circuit DTV.





Ferdinand Bardamu

Note du rédacteur : 1,5/5 (Mauvais)

0 commentaires :

Enregistrer un commentaire