mardi 28 février 2017

Toro, de Kike Maíllo


Depuis le 22 février dernier, il vous est possible de découvrir en DVD et en Blu Ray le deuxième film du jeune metteur en scène espagnol Kike Maíllo, Toro. Sorti en Direct-to-DVD dans une indifférence générale et vendu comme un émule espagnol du Drive de Nicolas Winding Refn, il est en effet très compliqué de ne pas se retrouver dans une position de comparaison constante entre ce film et son modèle, tant le film de Kike Maíllo cherche à tout prix à ressembler au film de Refn. Mais il serait pourtant idiot de complètement le balayer d’un revers de la main, car malgré tous les défauts présents dans cette œuvre, on peut y trouver également quelques vraies qualités.

Narrant comment un jeune délinquant qui a décidé de se ranger et de ré-intégrer une vie normale sans histoire suite à son incarcération va tomber dans une spirale de violence suite au retour de son frère dans sa vie, Toro est doté d’une mise en scène d’une maitrise absolument bluffante, et les 20 premières minutes du film rappellent la sensation que l’on avait pu avoir lorsque l’on avait pu découvrir Drive à l’époque: l’impression d’assister à la naissance d’un petit classique en puissance. Assumant ses références visuelles avec intelligence, Kike Maíllo s’impose comme un réalisateur extrêmement talentueux. Doté d’un sens du cadre et du découpage évident, il est ainsi impossible de ne pas être particulièrement enthousiaste à la découverte de l’ouverture du film. En plus d’avoir une lumière absolument somptueuse, la réalisation de Kike Maíllo évoque la vision fantasmée que l’on a du style visuel des œuvres des années 1980, sauf lors du générique d’ouverture, évoquant tout simplement l’esthétique du générique de True Detective. Jusque là, tout parait parfait. Sauf que bien évidemment, un très gros problème arrive rapidement lors du visionnage, et il est malheureusement difficile d’être aussi enthousiaste par la suite…

Car oui, Toro a en apparence tous les atouts pour s’imposer comme un ersatz réussi du film de Winding Refn. Mais en voulant à tout prix ressembler à son modèle, celui-ci va jusqu’à copier une grande partie de la structure scénaristique de Drive, au point de paraitre non seulement vain, mais surtout sans personnalité aucune. Ainsi, comme dans Drive, le personnage parait mystérieux et il est très rare de réussir à réellement comprendre toutes ses intentions. Comme dans Drive, on a une relation avec un personnage qui vient de rentrer dans la vie du protagoniste, et c’est cette relation qui va l’entrainer dans toute cette violence. Comme dans Drive, la relation qu’entretient le protagoniste principal avec un enfant va fortement développer la relation qu’entretient le protagoniste principal avec le personnage qui l’a amené dans toute cette accumulation d’événements dont il ne pourra pas vraiment se dépêtrer. Sauf qu’en voulant éviter d'uniquement copier son modèle, le scénariste choisi de faire des modifications qui paraissent en soit assez peu subtiles, voire même qui trahissent l’esprit du film auquel il se réfère, au point de finalement rendre son scénario plus bancal qu’autre chose et donc de ne jamais retrouver ce qui faisait l’originalité du film de Winding Refn. Ainsi, au lieu d’avoir un personnage sorti de nulle part, dont on ne sait jamais rien et dont on ne comprendra jamais les motivations, on nous montre le passé de ce personnage. Ce qui bien évidemment, rend juste la caractérisation du personnage beaucoup plus classique que ce que le film souhaiterait. Au lieu d’avoir une histoire d’amour avec un personnage et qui sera l’un des éléments qui amènera toute cette violence, on remplace cela par une histoire de fraternité et on relègue l’histoire d’amour au second plan, ce qui ne fait qu’étoffer le personnage principal en lui créant un passé, qui bien évidemment éloigne encore plus ce film de son modèle. Force est de constater que ce personnage de frère ressemble finalement étrangement au magnifique personnage de Shannon, sorte d’éternel loser incarné par Bryan Cranston dans Drive, ici incarné par Luis Tosar (Cellule 211, Malveillance, Miami Vice). Et donc bien évidemment, l’enfant avec qui le personnage va développer une forte relation est la fille de son frère, donc sa nièce. C'est donc une relation familiale qui va le faire tomber dans toute cette spirale de violence, permettant au spectateur de comprendre donc plus aisément toute la motivation de ce personnage à agir. Fini donc toute la part de mystère qui entourait ce personnage du chauffeur : ici, tout nous parait clair par rapport à ses intentions. Et il est donc extrêmement problématique de ne pas réussir à comprendre le personnage et ses agissements tandis que l'on a compris sans problème les raisons qui le poussent à agir, puisque cela donne uniquement l'impression que la caractérisation du personnage n'est tout simplement pas poussée jusqu'au bout...

Et que reste t-il donc après tout cela ? Pas grand chose… La très grande erreur ici est de n’avoir pas su se détacher suffisamment de Drive pour tenter d’écrire un scénario réellement original. Mais le plus surprenant ici, c’est aussi de se rendre compte que c’est en tentant d’étoffer ce que Drive se refusait même à évoquer que Toro devient finalement un polar des plus classiques. Là ou l’épure scénaristique de Drive combinée à sa forme très maitrisée, contemplative et planante, permettait d’avoir le sentiment de regarder une œuvre qui touchait à quelque chose de plus grand, d’imperceptible, la structure scénaristique de Toro définissant clairement le personnage principal donne un aspect finalement très terre à terre au film, et tombe en soit dans les clichés que Winding Refn avait complètement évité. On retiendra donc uniquement une belle mise en scène, mais beaucoup trop impersonnelle pour réussir à vraiment donner un sentiment autre que le fait d’assister à un exercice de style. Une sorte de rendez-vous manqué finalement…



Claude S.


Note du rédacteur: 2,5/5 (Moyen)

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