mardi 3 janvier 2017

Assassin's Creed, de Justin Kurzel


En cette fin d’année 2016, difficile de passer à côté de l’adaptation cinématographique de l’une des oeuvres vidéoludique phare des années 2000 et 2010. La saga Assassin’s Creed s’est imposée depuis la sortie du premier volet en 2007 comme l’une des franchises les plus lucratives sur le marché du jeu vidéo, et aussi l’une des plus prolifiques. En effet, celle-ci a déjà produit pas moins de 42 jeux si l’on compte les différentes déclinaisons sur Smartphone, et en comptera 43 d’ici 2017. Il était donc évident qu’une adaptation cinématographique s’imposerait, et c’est chose faite depuis le 21 décembre 2016. Mais comme toute adaptation, celle-ci était attendue au tournant, d’autant plus que l’on est tous conscient maintenant que le jeu vidéo n’est pas le support le plus chanceux en la matière. Qu’en est-il donc d’Assassin’s Creed

 
C’est l’histoire de Callum Lynch (Michael Fassbender), dont la mère fut assassinée par son père quand il était enfant et qui 30 ans plus tard, alors qu'il doit être éxécuté, se fait prendre en charge par une société secrète. Celui-ci étant le descendant d’une lignée d’assassins, cette société compte lui faire revivre les aventures d’un de ses ancêtres pour récupérer un objet leur permettant de développer un projet secret. Et ce à l’aide d’une machine façonnant les souvenirs des ancêtres de la personne qui s’y connecte. Ainsi, le scénario fonctionne en mettant en image deux époques distinctes : la nôtre, mise en image de façon futuriste grâce à des décors blancs, vide, complètement inhumains, et l’Espagne du XVème siècle, beaucoup plus vivante évidemment. L’un des plus grands mérites d’Assassin’s Creed est d’avoir été capable de se démarquer scénaristiquement de la structure d’un récit vidéoludique pour aboutir à un vrai récit de science-fiction cinématographique. Celui-ci est même d’autant plus surprenant qu’il minimise les projections dans le passé pour s’intéresser à l’histoire de Callum, découvrant ses origines et le monde qui l’entoure petit à petit. Les scènes se déroulant en Espagne ne sont d’ailleurs jamais déconnectées de l’imagerie S-F, mettant souvent en avant le fait que les événements passés sont découverts en même temps par Callum et par les dirigeants de la société secrète qui observent les faits et gestes de l’ancêtre de Callum : Aguilar. 

Confié au cinéaste Justin Kurzel (notamment connu chez nous pour son très intéressant Les Crimes de Snowtown, mais surtout pour sa magnifique adaptation de Macbeth qui avait créé un petit événement en fin 2015), la mise en scène de celui-ci est à la fois l’un des points fort du film, mais aussi l’un des points problématiques de l’œuvre. Considérant à raison qu’il se doit de démarquer visuellement les deux périodes distinctes de son intrigue et ce non pas uniquement grâce à la production design, très belle au demeurant, Kurzel opte pour un choix très radical : une mise en scène très posée, presque contemplative lorsqu’il s’agit de filmer des décors futuristes, et donc
le protagoniste principal de son intrigue. Et une mise en scène beaucoup plus nerveuse, caméra au poing, beaucoup plus découpée et surtout beaucoup plus viscérale lorsqu’il filme l’Espagne du XVème siècle et l’ancêtre de Callum. Cette mise en scène, appuyée par des jeux de lumière très marqués pour chaque période, est techniquement d’une maitrise indéniable. Chaque mouvement de caméra, chaque cut, chaque choix de cadre s’avère être formellement brillant, et confère à Assassin’s Creed le sentiment que l’on est face à un film porté par un vrai cinéaste appliqué, très clairement boosté par la volonté d’accoucher d’un travail bien fait. Ainsi, chaque scène prise indépendamment l’une de l’autre fonctionne, et la mise en scène s’avère être incroyablement jouissive lors des scènes purement visuelles. Il suffit de voir la présentation de Callum enfant tentant de faire des cascades à vélo en intro du film pour être impressionné par la manière dont Kurzel comprend le rapport qu’entretient le spectateur avec ses images, et comment celui-ci sait iconiser en seulement deux plans ses personnages. Il faut voir la manière dont Kurzel amène visuellement chaque bond dans le temps, à base de plans-séquences vertigineux, marquant visuellement l’univers dans lequel se situera l’action qui va suivre. Et il faut voir cette action menée tambour battant, d’une viscéralité que l’on ne ressent que trop rarement devant un film (de nos jours). 


Mais alors, où se situe donc le problème de cette mise en scène ? Et bien celle-ci pose un vrai problème pour le rapport émotionnel qu’entretient le spectateur avec le personnage interprété par Fassbender, et donne le sentiment qu’en revanche, Kurzel n’a pas anticipé la réaction que son concept allait amener chez le spectateur par rapport à son récit. Le choix de s’imposer une mise en scène très différente lors des deux périodes du film donne le sentiment d’assister à deux films différents, et malgré le fait que les histoires racontées soient liées et se répondent, le film échoue à nous faire éprouver un attachement envers Callum. Cette mise en scène contemplative provoque à elle seule une distanciation une fois que l’on a vécu la première histoire d’Aguilar, et ce retour vers Callum donne l’impression de ne finalement pas le connaitre. Le fait que cette mise en scène viscérale finisse par arriver dans les scènes futuristes montre que l’un des choix de Kurzel était de faire comprendre au spectateur que Callum fini par devenir la réplique exacte de son ancêtre, mais celle-ci arrive trop tardivement dans le film pour que l’on éprouve une quelconque empathie envers ce personnage, et finalement, un vrai intérêt durant une grande partie du récit. Le spectateur assiste donc malheureusement à un grand nombre de scènes très belles, mais qui paraissent en même temps complètement vides, car dénuées de toute forme d’émotion. Probablement aurait-il fallu que cette mise en scène soit amenée plus progressivement dans les séquences futuristes, et non pas uniquement marquée par un ou deux effets de style dissimulés dans deux scènes au début du film... 


Au final, il ne faut pas non plus cracher dans la soupe: Assassin’s Creed n’est pas un mauvais film, et il mérite largement un coup d’œil. Il s’agit de la meilleure adaptation d’un jeu vidéo au cinéma aux côtés du Silent Hill de Christophe Gans. On est même en droit de trouver Assassin’s Creed meilleur que ce dernier, par sa capacité à nous offrir un récit qui n’est jamais prisonnier de l’œuvre dont il fait l’adaptation. Mais il s’agit malheureusement d’une œuvre qui a mal dosé ses choix visuels pour réussir à faire pénétrer le spectateur dans son univers. Une belle œuvre visuelle, mais un peu trop froide pour convaincre pleinement... 




Claude S.


Note du rédacteur : 2,5/5 (Moyen)

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