En 2007 sortait L’Orphelinat, premier film de Juan Antonio Bayona. Premier film acclamé par la critique, énorme succès public à l’international également, et raflant 7 récompenses sur ses 14 nominations aux Goyas. Vous l’aurez compris : Guillermo Del Toro avait vu juste en produisant ce premier film. Non seulement, Del Toro a produit un chef-d’oeuvre, mais il a aussi fait découvrir un jeune réalisateur extrêmement doué. Nous somme maintenant en 2017, et on peut voir depuis le 4 janvier le troisième long métrage de Bayona : Quelques minutes après minuit. Et une chose est sûre à la sortie de la salle : les espoirs que l’on avait pu émettre à la découverte de son premier film sont maintenant confirmés, et le choc suscité par le visionnage n’était pas dû à une quelconque chance du débutant.
Tiré d’un roman de Patrick Ness, que l’on retrouve également au scénario de cette adaptation, Quelques minutes après minuit (ou plutôt A Monster Calls dans sa langue originale) raconte l’histoire de Conor, un jeune garçon à fleur de peau veillant au chevet de sa mère, terrassée petit à petit par un cancer. Ne supportant pas les violences qu’il subit de la part de ses camarades de classe, ni la fermeté de sa grand-mère, celui-ci finit par voir apparaitre un monstre. Tous les soirs, à minuit sept précisément, ce monstre viendra parler avec lui et lui racontera à chaque fois une histoire. A l’évocation de ce simple synopsis, vous penserez surement tous qu’il s’agit là d’un film pour enfant, où le fantastique est ici une manière d’amener du merveilleux dans cet univers triste et sombre que peut être notre monde. Et bien dites vous que vous vous fourrez le doigt dans l’oeil. Le véritable propos de ce film, c’est l’apprentissage du deuil. Ce monstre représente symboliquement le mentor de Conor pour réussir à affronter cette épreuve, et chacune des histoires que Conor écoutera sera une manière de l’amener à réfléchir sur la perte de l’autre, l’acceptation de la perte d’un être aimé, l’idée que la vie se doit de continuer malgré cela. Film de monstre sans en être vraiment un, film fantastique ou les éléments fantastiques proviennent clairement tout droit de l’imaginaire de son protagoniste principal, A Monster Calls évoque tout un héritage du cinéma de ces trente dernières années. On pense à Steven Spielberg en observant cet enfant introverti, avec pourtant l’impossibilité de se remémorer la dernière fois que l’histoire d’un enfant avait été aussi bouleversante. On pense à Guillermo Del Toro devant cette magnifique déclaration d’amour aux monstres, en s’apercevant que la première apparition de la créature réussi le tour de force d’être encore plus forte que la première apparition du faune dans Le Labyrinthe de Pan. Par ailleurs, il est impossible de ne pas penser à Del Toro lors des histoires racontées par la créature, tant le visuel utilisé pour mettre en scène ces histoires évoque les scènes de conte du Labyrinthe de Pan et de Hellboy II.
De la première scène du film nous présentant directement le traumatisme de cet enfant jusqu’à son final bouleversant, il est impossible de ne pas être bluffé par l’incroyable justesse qui se dégage de cette histoire dans laquelle n’importe lequel d’entre nous peut s’y retrouver, du plus cynique au plus naïf. Il est impossible de ne pas être scotché à son siège par l’incroyable virtuosité de la mise en scène de Bayona, filmant chacune de ses scènes comme des moments intimistes, que cela soit une discussion entre Conor et sa mère ou un dialogue entre Conor et le monstre, mais ou le spectateur a l’impression d’assister à des séquences toutes plus spectaculaires les unes que les autres. Il est impossible de ne pas croire en chaque acteur, chacune de leur prestation étant d’une puissance émotionnelle rare. On y découvre un enfant, Lewis MacDougall, dont il s’agit seulement de sa deuxième prestation dans un long-métrage et qui s’avère pourtant être d’une justesse que l’on n’a presque jamais vu chez un acteur mineur. Felicity Jones, que l’on avait vu récemment dans le lamentable Rogue One, s’avère être une excellente actrice, et il vous sera difficile de retenir vos larmes devant certaines de ses scènes. Et surtout, jamais Sigourney Weaver ne nous avait à ce point émus, et ce malgré le nombre de films géniaux à son actif. On peut clairement dire qu’il s’agit là de son plus beau rôle. Il y a bien quelques petits défauts à droite à gauche sur le long du métrage, et une toute dernière scène un peu en trop venant expliquer au spectateur ce qu’il avait déjà compris avant. Mais ça serait extrêmement malhonnête de dire que ces défauts venaient gêner le visionnage de cette œuvre d’une intensité rare.
Dans une vie de spectateur, il n’est pas si fréquent de se retrouver face à une œuvre qui nous transcende réellement. Il n’est pas forcément rare de s’identifier, mais de nous retrouver complètement à la place d’un personnage au point de ne plus arriver à vraiment faire la distinction entre soi-même et son point d’identification l’est clairement plus. Avec Quelques minutes après minuit, Juan Antonio Bayona nous a gratifiés en ce début d’année d’un véritable chef-d’œuvre, un film référentiel et pourtant totalement unique en son genre. Une œuvre d’émotion pure, bluffante par son apparente simplicité scénaristique et une mise en scène aussi belle qu’incroyablement viscérale, rendant le tout extrêmement compliqué à analyser sans avoir l’impression de minimiser son incroyable beauté. Un putain de début d’année.
Claude S.
Note du rédacteur: 4,5/5 (Excellent)
Note de l'équipe : 4/5 (3 notes)
Note de l'équipe : 4/5 (3 notes)
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