Quatrième long de Ben Affleck, Live by Night intrigue déjà par son casting en forme de Rolls-Royce ainsi que par le thème abordé, très Michael Mann dans l’âme. Pas étonnant d’y retrouver William Goldenberg au montage, déjà présent derrière les stations de Heat et Miami Vice : Deux flics à Miami.
Le pitch est en apparence assez simple : Une petite frappe de Boston quitte la ville après être passée à deux doigts de la mort lorsqu'un mafieux local a compris qu’il entretenait une relation avec sa maîtresse. Pour se venger, il décide de faire tomber ledit mafieux en s’associant avec son rival, un italien qui l’envoi conquérir le marché du rhum en Floride.
Un exercice somme toute périlleux pour Ben Affleck qui, comme pour The Town et Argo, occupe le premier rôle devant la caméra tout en s’attachant à la réalisation. Si le film est plastiquement superbe, il serait de bon ton de laisser cette double casquette d'acteur/réalisateur au placard sur le prochain effort, pour se consacrer davantage à la mise en boîte et éviter les problèmes de rythme qui représentent la tare majeure du film. Si la construction de l’ensemble est formellement cohérente, le film pâti d’un manque de liant et d’alchimie qui étirent des propos et des séquences sans réel besoin, hachant de ce fait la fluidité d’une œuvre qui aurait gagné à se montrer plus naturelle et spontanée. Un problème d’autant plus frustrant qu’un constat parfois désagréable pointe le bout de son nez : Les séquences qu’on aurait voulu plus longues prennent fin prématurément, et les séquences plus anodines s’allongent sans nécessité. Quant au problème de jouer dans son propre film, il s'agit parfois d'un sentiment de prise de distance dans l’interprétation de son personnage, pas toujours habité comme il se devrait.
Il en va de même quant à la caractérisation un peu balourde de certains personnages qui, parce que trop marqués, perdent de leur importance et de leur impact. Je pense notamment à la caricature des membres du KKK ou au personnage pivot interprété par Elle Fanning. Un personnage qui devient trop soudainement et artificiellement le centre du film, avec pourtant quelques maigres minutes d’apparition à l’écran. C’est d’ailleurs elle qui sera le prétexte au climax, donnant vraiment l’impression d’un personnage faisant office de pont entre un point A et un point B, sans autre consistance que le besoin pour Affleck de lier deux évènements de son scénario. À côté de ça, il est intéressant de noter la gestion de sa mise en scène, empilant de manière peut-être scolaire mais surtout efficace les grandes notions du film de gangsters, esthétiquement et narrativement. Ben Affleck récite sa leçon et prouve qu’il comprend le cinéma, et qu’il est un artisan en devenir. Je ne serais pas étonné qu’il nous claque un film qui traversera le temps, qu’il suive le chemin d’un Clint Eastwood et devienne un auteur de cette importance. Avec Live by Night, non exempt des défauts évoqués ci-dessus, il parvient à toucher quelque chose du bout des doigts : la maîtrise. Rappelons quand même que nous avons affaire à un film d’un acteur de 44 balais qui a passé la majorité de sa carrière à jouer les belles-gueules pour midinettes. Live by Night sera peut-être un film mineur de sa filmographie, mais présage de très bonnes choses pour la suite.
La péloche ne dépoussière pas le genre, mais en livre une vision authentique et toute en sincérité, faisant montre du respect et de l’amour de Ben Affleck pour ce cinéma, et surtout, ne se foutant pas de la gueule du spectateur comme pouvaient le faire Michael Mann avec Public Enemies ou, plus récemment, Paul Thomas Anderson avec Inherent Vice (l’un se vautrant dans la paresse et l’autre dans la sophistication prétentieuse). Saluons au passage le travail du trop mésestimé Harry Gregson-Williams, qui livre une soundtrack aux petits oignons, qui ne tape jamais à côté de la plaque et qui sublime parfaitement les plans du chef-op Robert Richardson. La marque d'un bon réalisateur est aussi de savoir s'entourer de chefs de poste talentueux.
En allant voir Live by Night, vous ne verrez pas le film de l’année, c’est évident. Vous verrez par contre le film honnête d’un mec qui commence à faire son chemin, qui commence à maîtriser son cinéma après le sursaut d’Argo, et qui se place sans trop de mal sur la liste des réa’ à suivre pour ces prochaines années. Et ça, c’est enthousiasmant !
Ferdinand Bardamu
Note du rédacteur : 3/5 (Honnête)
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