mardi 3 janvier 2017

31, de Rob Zombie

Vous noterez combien il est cocasse d’inaugurer les pages d'AlternaBis, et ainsi de donner naissance à cet humble canard, en commençant par un deuil. Le deuil, c’est celui que l’auteur de ces lignes fait de Rob Zombie.
 La carrière cinématographique du monsieur pourrait être mise en parallèle avec le combat chimérique du cancéreux, qui rêve de se débarrasser de ses métastases. D’un homme en bonne santé donnant naissance à une Maison des 1000 morts (2003) burlesque et complètement azimutée, Rob Zombie frappait à grands coups de marteau avec un film poisseux, déviant et brutal : The Devil’s Rejects (2005), péloche instantanément culte qui marquait, on pouvait le croire, la naissance d’un nouveau gourou de l’horreur crasse. Hélas, ce film ne marquait ni plus ni moins que l’apogée de la carrière du bonhomme. 


En effet, tout cela était sans compter sur l’apparition des effluves mortifères apparues avec un projet fou et suicidaire, celui du remake du Halloween de Carpenter.
On ne revient pas sur un chef-d’oeuvre. Plus encore, on ne l’explicite pas. Zombie revenait non seulement sur un film immuable, mais explicitait en plus la jeunesse de Michael Myers, intouchable parmi les intouchables, qui aurait gagné à rester ce boogeyman mutique et énigmatique qui lui donnait cette aura si particulière. Sans surprise, le film est un échec du point de vue critique, mais a pour lui de faire l’un des meilleurs box-office de la franchise. Ce qui permis à Zombie d’enquiller sur un deuxième opus absolument catastrophique, qui se fera allumer de toute part et rapportera deux fois moins de brouzoufs. La maladie créatrice semble avoir rongé prématurément la volonté et la fraicheur du réalisateur, qui fera cependant preuve d’opiniâtreté. De celle des malades qui, avec les toutes dernières forces en leur disposition, maximisent leurs ressources pour venir à bout de l’inéluctable. Un combat héroïque souvent voué à l’échec.

Ce combat, c’était celui qu’il menait avec Lords of Salem (2012), un film contemplatif et extatique qui mettait en scène la décadence psychique et physique de son personnage principal, le tout avec ambition et sincérité. Nonobstant les travers du monsieur (lacunes évidentes dans l’écriture et mise en scène de bucheron), on pointera du doigt la prouesse consistant à faire jouer à peu près justement son horrible muse, Sheri Moon Zombie. Les plus éveillés d’entre-vous auront noté combien le film était intimiste, mettant en image, métaphoriquement, la décadence de Zombie et de sa carrière de réalisateur. Etait-ce volontaire ou non ? Etait-ce assumé ou non ? Toujours est-il que les faits sont là, et que la conclusion du film n’allait qu’augurer ce qui restait à venir.

On avait pris 31 pour une possible renaissance. On l’avait pris pour la confirmation, 12 ans après The Devil’s Rejects. C’était au contraire un acte de décès.

Tout était là. Le titre, d’abord, 31, pouvait être un pied de nez aux premières difficultés apparues sur Halloween. Sa thématique et ses premières images balancées sur la toile, le clown représenté rappelant son Captain Spaulding, tout laissait penser à la volonté de Zombie de mettre entre parenthèse l’après Devil’s Rejects, et de nous mener à un véritable retour aux sources. 

Le film s’ouvre sur une séquence granuleuse, suintant les 70’s dans son approche frontale et catégorique, dans son sens verbal politiquement incorrect et ouvertement violent. Hélas, nous n’aurons même pas la possibilité d’attendre jusqu’à la fin de cette séquence (qui s’avère totalement inoffensive) pour sentir le basculement d’un hommage à Tobe Hooper vers une mauvaise production Wes Craven des années 90. Et vraiment, un naufrage d’1h43, quand on est sur le bateau, c’est long.

Ici, Zombie confond son propre cynisme et la parodie lâche et puérile qui tournera à l’auto-caricature, allongeant des dialogues et des situations d’une bêtise affligeante, cernés par une caméra posée au petit bonheur la chance, qui sautille vers chaque protagoniste lorsque celui-ci prend la parole pour nous écraser les oreilles d’un discours aussi agréable que la grosse qui piaille au téléphone à côté de vous dans le métro.

Une fois les personnages exposés (degré zéro de l’empathie), et après avoir pris conscience que le bousin allait être une vraie purge, les choses commencent à s’emballer. Et à vrai dire, on n’y comprend rien. Shaky-cam à gogo, gestion maladroite du scope qui arrive tout de même à nous pommer dans l’espace alors que le film est un huit-clos, là on fait fort. On fait très fort.

Quant au B.A.BA de la narration, à savoir « Pourquoi, comment, quand, où, qui », et bien c’est simple ! :

Le 31 octobre 1976, des quadra pas vraiment caractérisés, si ce n’est qu’ils sont réparateurs de manèges, se font chopper par des connards en costumes à rayures noires et blanches après s’être faits barrer la route par des épouvantails. Ils se retrouvent au coeur d’un jeu macabre dont profitent de riches connards en costume du XVIIème siècle, grâce à des caméras placées un petit peu partout dans l’arène (je rappelle que l’action se situe en 1976). Les victimes doivent échapper à des bourreaux aussi charismatiques qu’un nain espagnol nazi, pour ne citer que lui, le tout dans un décors tantôt gothique, tantôt sidérurgique. Vous n’y comprenez rien ? Moi non plus.

Oh, et puis le background, quelle importance ? Le spectateur veut voir de la boyasse ! Alors étalez-moi tout ça ! Pauvre spectateur… Même là, il n’en aura pas pour son argent, la plupart des mises à mort se faisant au couteau avec un sens du cadre et du montage qui rendent l’action totalement illisible. D’ailleurs, je vous laisse le grand bonheur de découvrir les gimmiks de montage qui parsèment le film, vous m’en direz des nouvelles. Une complaisance dans la médiocrité qui va jusqu’à recycler honteusement le score du formidable It Follows pour ponctuer des chapitres aussi vains qu’insultant pour le dernier naïf qui espère voir émerger au moins l’ombre d’une bonne idée dans ce film qui ne constitue ni plus ni moins qu’un vil crachat à la gueule.

Rien n’a de sens, tout est en roue libre. De Sheri Moon Zombie plus catastrophique que jamais, de Richard Brake (Batman Begins, Le dahlia noir) qui déclame maladroitement des maximes philosophiques entre chaque mise à mort, jusqu’à Malcolm McDowell (faut vraiment que je vous le situe ?) pour qui on en vient franchement à ressentir de la gêne. On a qu’une envie, c’est que ça s’arrête. On ne pourra jauger le potentiel mort-né du bazar, étant donné que le postulat même du film se voit parasiter par des univers si peu en rapport les uns avec les autres qu’on en vient à penser à un remontage de séquences issues de films différents, comme le faisait la production Z italienne des années 70. Je veux notamment parler du rapport intrinsèque entre les commanditaires en costume XVIIème et les victimes. Et d’ailleurs, qu’importe, il y a fort à parier que le sujet n’a pas été réfléchi. Tout n’est que concept. Ajoutons à cela que le film est techniquement aux fraises, et on pourra légitiment se poser cette question : « Comment en sont-ils arrivés là ? ».

Un élément de réponse est l’aspect foutraque du film en forme de point d’orgue. Comme si Zombie savait qu’il passait pour la dernière fois derrière la caméra, et qu’il lui fallait balancer toutes les idées qu’il avait derrière la tête pour les projets à venir. Ce qui expliquerait le manque total de spontanéité et de naturel de 31, et ces situations toutes plus incohérentes les unes que les autres. Un regroupement de tout et n’importe quoi avec du hippie, du nain nazi, du clown à la tronçonneuse, du costume d’époque, du fétichisme cuir/métal, du Hostel, du Saw, du Manhunt, du Running Man, du Massacre à la tronçonneuse, du Délivrance… Un pot-pourri de citations maladroites et de références classiques et moins classiques, récentes et moins récentes, pour un pétard mouillé qui ne propose pour seul spectacle qu’un défilé de crétins tous plus grotesques les uns que les autres. Le film ne soumet pas de brutalité visuelle (la mise en scène est tout ce qu’il y a de plus apathique), pas d’irrévérence (y a rien de naturel, tout sonne faux, artificiel), pas de vice, pas de crasse, en revanche, vous serez soumis à un très net encrassement de votre cervelet. Le travail des différents chefs de poste, que ce soit au cadre, au montage ou à l’étalonnage, est si balourdé qu’on ressent deux choses très désagréables au visionnage : l’absence de volonté et de cohésion entre les différents départements, et le besoin vital de cacher la misère. On se rattrapera aux branches comme on le peut, en louant les premières secondes d’ouverture du film, ainsi que la dernière séquence qui n’est pas sans rappeler un certain Wolf Creek.

Ébété et surpris, je ne pouvais pas m’attendre à une telle débâcle,  et je ne retiendrai qu’une phrase du film : « Comment un cauchemar pourrait être pire que la réalité ? ». Tout le film est à côté de la plaque, mais cette phrase semble hélas fort à propos : J’aurais souhaité que tout ça ne soit qu’un rêve.

Rob Zombie est mort, vive Rob Zombie !




Jérémie N.

Note du rédacteur : 1/5 (Navet)

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