mardi 31 janvier 2017

Au prix du sang, de Roland Joffé

Semaine difficile pour le genre. Valley of Stars, Resident Evil : Chapitre final, et Au prix du sang (There Be Dragons en VO, titre sans queue ni tête compte tenu de ce que nous raconte le film). Ça pose déjà une certaine ambiance. Ce film a connu la trajectoire typique d’une réalisation Roland Joffé. J’entends par là qu’il s’agit d’un film à tendances schizophréniques et qui a l’horripilant défaut de ne pas s’assumer. En effet, tourné comme une biographie partielle de Josémaria Escriva, le fondateur de l’Opus Dei, et prenant place en pleine guerre civile espagnole, le film connait un échec critique et public retentissant lors de sa sortie en 2011, l’exploitation salle s’étant cantonnée à l’Espagne (le film y a été tourné, et les fonds sont majoritairement espagnols). Dès lors, que ferait un bon Roland Joffé qui se respecte ? Il retournerait en salle de montage pour livrer une deuxième version de son film en niant complètement le montage original ? Tout à fait !



Malaxeriez-vous un bon crottin qui a un sale aspect pour essayer de l’embellir ? Non ? Moi non plus. Roland Joffé, si. En résulte un film qui n’a absolument plus aucun sens, puisque nous sommes censés suivre les trajectoires imbriquées et liées de deux amis d’enfance, à savoir celles du prêtre Josémaria et de Manolo, un fasciste infiltré chez les communistes. L'histoire nous est racontée à travers les souvenirs de Manolo, qu'il délivre à son fils souhaitant écrire un bouquin sur le fameux curé. Ce parti pris de suivre ces deux amis nous est exposé dès le premier carton du film. Bien sûr, ce choix ne dépassera pas le stade du carton. Le film sera donc un montage parallèle entre notre curé tâchant de rejoindre l’Andorre pour ne pas se faire fusiller par les fascistes qui défouraillent du prêtre à tire-larigot, et notre facho qui tentera de sauter une communiste éprise du meneur de la révolution.

Mais quel est le problème ? Tout simplement que Joffé nous fait du Seth Rogen sans le vouloir. Tout est grotesque sans être assumé. Tout est souvent gênant. Après une séquence de rencontre entre Manolo et l’élue de son coeur, à coups de champs-contrechamps les yeux dans les yeux et de malaise à tomber la tête la première dans un bac de fruits (il tombe dans les pommes, vous comprenez…), voici un exemple d’un échange magistral entre Wes Bentley (Manolo l’facho) et Olga Kurylenko (la communiste nympho) :


Manolo l’facho : « Pourquoi tu couches avec tous les camarades ? »

La communiste nympho : « Parce que c’est peut-être leur dernier jour sur Terre. Je leur dois bien ça.»

Manolo l’facho : « Et pourquoi moi j’ai pas le droit ? » (le mec n’a peur de rien)

La communiste facho : « Parce que tu es jaloux ».




Fallait oser.

Quand une jeune femme propose au curé de le loger et de le mettre à l'abris, le curé la regarde lubriquement en lui sortant : "Je ne peux pas accepter. Je suis un prêtre, mais je suis aussi une homme...".
Quand Joffé filme une séquence dans un hospice pour malades mentaux, il demande à ses figurants de marcher dans les couloirs en se tapant la tête avec des noix de coco. Quand Joffé filme le curé implorer Dieu et pleurer à cause de son silence, il fait apparaître des larmes sur une statue de la vierge. Quand Joffé filme un type en train d’aller pisser, il l’accompagne d’envolées orchestrales et lyriques pour souligner combien c’est épique. N’importe quel mot, n’importe quelle phrase, n’importe quel geste est accompagné d’envolées orchestrales. En fait, je suis assez catastrophé. Ce film est une sortie technique, certes, mais c’est une bondieuserie si nanardesque qu’il comblera aisément certaines après-midi du directeur de programmation de NT1. Rien ne tient debout. Je cherche vraiment à trouver des contres-arguments, à peser le bon et le mauvais pour sortir une critique qui ne soit pas qu’un couperet, mais putain, je ne peux pas. Même les synthés qui apparaissent pour situer temporellement l’action sont dégueulasses. Une vieille typo Avid grisâtre et toute ombrée que Michel Drucker ne laisserait pas passer.

Au prix du sang, c’est la désolation absolue. J’ai vraiment du mal à comprendre l’acharnement de ce mec qui tient véritablement à nous sortir moult versions de films intrinsèquement ratés. Il doit quand même en être conscient, bordel ! J’ai bien refait le film dans ma caboche jusqu’à l’épilogue, et je ne retire pas une séquence qui vaille le coup d’œil, pas une idée. C’est une honte ce putain de film. C’est grossier et grotesque, ça passe complètement à côté de son sujet (évidemment, puisque ce n'est plus son sujet, remontage total oblige), y a aucune subtilité, l’acting est digne d’un téléfilm allemand des années 80, c’est la gerbe d’un grabataire qui arrive avec un sachet sous ton nez pour te la faire partager. « Je suis colère », comme dirait Thomas VDB dans Lazy Company. Sur ce, je m’en vais revoir Balada Triste, vrai putain de film sur la guerre civile espagnole, pas un truc qui est incapable de se positionner et de livrer un récit ne serait-ce qu’à moitié cohérent. Et si vous voulez définitivement l'achever en mode coup de grâce de toréador (on est en Espagne merde) : Même La croix n'a pas apprécié le film.

 




Ferdinand Bardamu
Note du rédacteur : 0,5/5 (Honteux)

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