mardi 3 janvier 2017

Police Fédérale - Los Angeles, de William Friedkin


Le 4 janvier prochain sera marqué par la sortie en version restaurée de l’une des œuvres les plus fascinantes des années 1980. Le grand William Friedkin sera en effet mis en avant avec la ressortie sur grand écran de son mythique Police Fédérale - Los Angeles (To Live And Die In L.A. dans la langue de Shakespeare), tourné en 1985. L’occasion d’évoquer une œuvre absolument unique dans l’histoire du cinéma, et qui sous ses faux airs d’ersatz de Miami Vice déplacé pour l’occasion à Los Angeles, offre bien plus que ce que l’on n’aurait jamais pu imaginer. Il ne s’agit pas simplement d’un bon polar : il s’agit d’un véritable chef-d’oeuvre, une date dans l’histoire du cinéma américain. 


 Masters, un faux monnayeur (joué par Willem Dafoe) exécute froidement Jim Hart, un policier à trois jours de la retraite. Richard Chance (William Petersen), son partenaire tête-brulée et instable, décide de tout faire pour attraper ce faux monnayeur, que cela soit en utilisant la loi et son statut de policier à son avantage, ou en franchissant largement la barrière qui sépare le policier du criminel. Avec ce synopsis, on pourrait croire qu’il s’agit d’un simple polar de série B comme il en a été fait beaucoup avant et après les années 1980. Mais ceux qui connaissent William Friedkin savent qu’il ne lui en faut pas plus pour sortir une œuvre personnelle, comme ce fut le cas en 1980 avec son génial Cruising qui utilisait déjà une structure encore plus codée que ce qu’il avait eu l’habitude de faire avant. Ici, on retrouve avant tout l’idée de la dégradation physique et morale, présente dans l’œuvre entière de Friedkin. De French ConnectionKiller Joe, en passant par l’Exorciste et Bug, il s’est toujours fasciné pour des personnages torturés, finissant par mettre de côté toute forme de morale pour finalement arriver à leurs fins. Ici, Chance s’avère être tout aussi déterminé que Masters pour faire son travail, et on assiste donc à une forme de comparaison constante entre ces deux personnages, les montrant finalement comme des égaux, et jouant à brouiller les pistes qui permettraient au spectateur de véritablement les différencier. 


Mais ce n’est pas ici que se situe l’originalité de cette œuvre. Contrairement à ce que le synopsis pourrait laisser croire, ni Chance ni Masters ne sont les personnages principaux de ce film. Le personnage principal, c’est le partenaire de Chance, tué au début. Ce même personnage qui n’est pourtant pas présent plus longtemps que les dix premières minutes du film. Premier personnage à sortir d’une voiture lorsqu’il va assurer la sécurité d’un hôtel, filmé avec une légère contreplongée lorsqu’on le voit observer le personnel, premier personnage à se faire avertir lorsque quelque chose a l’air suspect, filmé de très près lorsqu’il conduit sa voiture pour aller faire son travail, sa caractérisation est telle que dès la scène d’ouverture, le spectateur opte pour prendre son point de vue et a le sentiment de ne plus jamais le lâcher. Ce qui rend donc sa mort d’autant plus douloureuse, dans une séquence d’une brutalité et d’une violence rare. Suite à cela, l’approche filmique de William Friedkin devient drastique : tous les personnages que l’on suivra suite à l’assassinat de Jim sont des personnages secondaires. Ils sont présentés comme tels, et sont filmés comme tel. Chaque choix de cadre est pensé pour créer une mise à distance par rapport aux personnages à l’écran, permettant au spectateur d’en savoir presque toujours plus qu’eux sur ce qui va arriver à l’image, tout en étant surpris par leurs réactions constamment extrêmes. Et chaque choix de cadre est pensé pour laisser planer l’ombre de Jim, jamais présent à l’écran mais toujours présent dans l’esprit du spectateur.


Ainsi, ce dernier observe les protagonistes, épie leurs moindres faits et gestes, étudie leurs relations pour comprendre ce qui risque de suivre. Et avec cette manière de filmer ses personnages, Friedkin dresse un portrait terrifiant de l’homme, de sa capacité à s’autodétruire pour faire le mal en pensant faire le bien. Comme en témoigne l’hallucinante course-poursuite de milieu de film, beaucoup plus symbolique qu’elle n’en a l’air au premier abord, où chaque mètre parcouru par les personnages finit par les bloquer de plus en plus, jusqu’à ne plus leur laisser d’autres choix que d’aller à contresens pour avoir l’espoir de s’en sortir. Filmée comme tel, cette apparente histoire policière prend une dimension presque métaphysique. De la séquence d’ouverture jusqu’à la séquence finale, complètement inattendue et absolument brillante, Friedkin illustre à la perfection le titre original de son œuvre, autant dans ce qu’il exprime clairement comme dans ce qu’il suggère dans l’esprit de chacun : « Vivre et mourir à Los Angeles ».






Claude S.

Note du rédacteur : 5/5 (Chef-d’œuvre)


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