mercredi 18 janvier 2017

La grande muraille, de Zhang Yimou

Blockbuster sino-américain produit pour pas moins de 135 millions de dollars, La grande muraille est le dernier né d’un certain Zhang Yimou, cinéaste chinois ayant connu son heure de gloire dans les années 90 avec notamment deux drames de renom : Epouses et concubines et Vivre !.
 Laissant de côté ses tendances art et essai, voilà qu’il s’attaque au plus gros budget de l’histoire du cinéma chinois, après avoir été l’artisan d’un Flowers of War (Starring Christian Bale) produit en 2011 pour 94 millions de dollars. Un auteur qui parvient à gérer des plateaux aux finances si diamétralement opposées, forcément, ça intrigue. Surtout si l’auteur en question insuffle sa vision et son cinéma à ladite péloche.

Alors, qu’en est-il de ce joyeux bazar ? William Garin (Matt Damon) et Pero Tovar (Pedro Game of Thrones Pascal), en quête d’un redoutable explosif appelé « poudre noire », se retrouvent pourchassés par les locaux du territoire qu’ils traversent. Après avoir semés les malotrus et décimés une étrange créature, les voilà aux pieds de la grande muraille, accueillis par les flèches de ses gardes un brin hostiles qui les feront d’abord prisonniers. La première question taraudant nos deux compères n’est pas de savoir s’ils vont passer l’arme à gauche dans les heures qui viennent, mais plutôt qu’est-ce que cet énorme rempart tend à repousser ?

La Chine nous a habitué à ces grandes fresques opposant deux familles l’une à l’autre pour une conquête de territoire ou pour venger la mort d’un de leurs proches. Il est donc intéressant de voir se tourner la chose vers un fantastique assumé et débridé (!), dans tous les sens du terme : En délaissant les traditions thématiques propres au cinéma chinois, le film cherche avant tout à satisfaire le grand public occidental, faisant de Matt Damon l’incarnation du « Deus Ex Machina » made in USA. C’est alors que les craintes que nous avions pu formuler avant le visionnage du film commencent à faire surface et se préciseront au fur et à mesure de l’avancée de l’intrigue : La grande muraille est bel et bien insipide. Au-delà de son pourtour bis assez plaisant, la péloche revêt une forme de téléfilm qui chie des dollars mais post-produit à vitesse grand V, aux CGI parfois grossiers et toujours dans l’outrance, et au montage qui manque cruellement de lisibilité et de finesse. Ça fait un moment qu’on s’est lassé de ces ralentis esthétisants suivant une flèche transpercer la carcasse de sa cible, vous ne trouvez pas ?

Et comme la plupart des atours du film, la direction artistique est en dents de scie, oscillant entre les plans de pure bravoure (notamment en ce qui concerne les rythmiques tribales utilisées par les factions pour se passer les ordres, qui feraient presque penser à celles de Mad Max: Fury Road), à d’autres plus potaches qui lorgneraient plus du côté d’Hercule ou de Xena la guerrière. Les créatures, quant à elles, sont loin d'apporter l'hostilité et la crainte suscitées par celles de Starship Troopers, qui, en 1997, réussissait un bien meilleur coup dans la caractérisation de ses arachnides, aussi bien dans la forme que dans le fond. L’écriture, sans surprise aucune, ne dissimulera aucun mystère, et vous aurez cerné les tenant et aboutissant du scénario en quelques minutes à peine. Magie du cinéma oblige, 2% de la totalité de la muraille de Chine sont attaqués, et Matt Damon passait là par hasard. « Bah oui, sinon y aurait pas de film », diront certains; d’autres regretteront que la majorité de La grande muraille tienne à ces circonstances hasardeuses et tellement téléphonées qu’on serait tenté de jouer au jeu de la prophétisation d’une scène à l’autre. Ajoutons à cela la présence d’un Willem Dafoe qui n’a pour seul objectif que de ramener un nom connu à l’écran, et on serait tenté d’envoyer le film aux oubliettes manu militari. Le casting un peu ronflant n’étant d’ailleurs que trop rarement sublimé.

Ne nous fourvoyons pas, le film sera effectivement oublié dans quelques mois. Pourtant, il évite l’écueil de la catastrophe, et propose un divertissement bourré de défauts, qui ne fait jamais vraiment illusion, mais qui a cette aura bis et quelques ingrédients qui font pencher la balance non pas du côté favorable, mais du côté « ça se regarde ». Loin cependant de la maîtrise d’un League of Gods qui nous fait dire que le blockbuster chinois à de beaux jours devant lui, et que cette Grande muraille n’est qu’un boulon de ce qui pourrait devenir une redoutable machinerie. M’enfin, une chose est sûre ici : on n’a pas affaire à du Tsui Hark.



Ferdinand Bardamu

Note du rédacteur : 2,5/5 (Moyen) 

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